Dans son discours à la Nation le 29 juillet 2018, à l'occasion du 19ème anniversaire de son intronisation, SM le Roi Mohammed VI revient sur la très attendue charte de déconcentration administrative pour assurer une gestion du développement au plus près des territoires : (...)« Le premier chantier consiste à faire adopter la Charte de déconcentration administrative, avant la fin du mois d'octobre prochain. Cet instrument donnera les moyens aux responsables locaux de prendre leurs décisions et d'exécuter les programmes de développement économique et social, en accord et en cohérence avec les visées de la Régionalisation avancée » (...). La régionalisation avancée représente un choix stratégique irréversible et un chantier prioritaire pour l'approfondissement du processus de décentralisation, et doit permettre aux citoyens de disposer d'une administration de proximité, efficace, efficiente et à l'écoute de leurs attentes et aspirations. La Constitution du 1er juillet 2011, qui marque un tournant majeur dans l'évolution institutionnelle et démocratique de notre pays, reconnaît aux régions en particulier une prééminence par rapport aux autres collectivités territoriales en matière d'élaboration et de suivi des programmes de développement régionaux (PDR) des schémas régionaux d'aménagement des territoires (SRAT). Elle confie par ailleurs aux Walis de régions, en leur qualité de représentants du pouvoir central, un rôle actif d'appui et de conseil aux Présidents des conseils des régions tout au long des phases de diagnostic territorial, de conception et de mise en œuvre de ces plans et programmes de développement. * La nécessaire intégration des politiques publiques au niveau territorial Dans un contexte de déficit budgétaire, les Walis et Gouverneurs doivent aussi réussir un autre challenge en étroite collaboration avec les élus : améliorer les rendements et l'efficacité de l'administration régionale, rationaliser les dépenses du personnel et de fonctionnement courant, optimiser l'utilisation de ressources financières et veiller à les développer sans aggravation des prélèvements fiscaux sur les citoyens et les agents économiques. Devant de tels enjeux et défis que soulève la problématique d'intégration des politiques publiques sectorielles, la régionalisation offre aujourd'hui une plateforme idéale pour parvenir à une nouvelle dynamique de coopération, d'animation et de coordination des différents acteurs. La qualité des relations entre le Wali de région, les Gouverneurs, les Présidents des conseils des trois échelons de collectivités territoriales et les représentations des administrations centrales est capitale et conditionne l'effectivité de convergence de ces politiques au niveau territorial. Des projets territoriaux structurants, leviers d'accélération du dynamisme économique, pourront ainsi voir le jour, à condition toutefois d'opter pour une approche d'action globale qui met l'accent sur plusieurs volets, notamment la mise à niveau des agglomérations urbaines, la promotion des investissements créateurs de valeur et d'emplois durables, la gestion foncière, l'attractivité du territoires, la productivité et la compétitivité, les incitations aux entreprises, la canalisation des financements, les partenariats public-privé, l'ingénierie financière et contractuelle, la formation des ressources humaines, la mise en valeur du patrimoine... * Le Wali au cœur de la gestion déconcentrée du territoire régional « On peut gouverner de loin mais on n'administre bien que de près », l'exposé des motifs du décret français du 28 mars 1852 garde aujourd'hui encore tout son sens. La réussite du chantier de la régionalisation avancée, en tant que vecteur de territorialisation des politiques publiques, est intimement liée à la mise en place d'une véritable déconcentration administrative, ayant vocation à définir le rôle de chaque acteur tant au niveau central que régional (Wali, Gouverneur, élus, administrations régionales...), et permettant à l'Etat d'agir avec une plus grande efficacité et célérité grâce à une gestion qui se fait au plus proche du territoire. La très attendue charte permettra d'asseoir progressivement la déconcentration administrative escomptée en incitant les administrations centrales à s'inscrire pleinement dans cette nouvelle vision de gouvernance, à travers la délégation volontariste du maximum de leurs pouvoirs aux directions régionales qui ne disposent actuellement ni de l'autonomie ni des budgets nécessaires à même de faciliter les prises de décision sans recourir à l'administration centrale. Il s'agit d'un véritable frein au développement territorial ! L'échelon régional constitue dans ce dispositif le niveau idoine pour assurer cette coordination et la convergence des politiques sectorielles au niveau des territoires et faire émerger le rôle central du Wali de région et son pouvoir de représentation de S.M le Roi qui, avec toute sa charge symbolique, devrait donner au Wali sa prééminence dans le système, et favoriser la logique d'intégration et de mutualisation de moyens et des efforts, en rupture avec la reproduction des schémas organisationnels de l'administration centrale dont les limites sont clairement actées. Chaque région devra innover pour adapter les politiques nationales à ses spécificités et développer son identité autour de ses atouts et activités phares pour débrider le moteur de croissance, les acteurs locaux étant, par excellence, les mieux habilités pour concevoir et mettre en place les stratégies de développement économique et social de leur propre région à condition que la coordination et la concertation soient efficacement organisées. La mise en place d'une organisation performante pour l'implémentation, sous la supervision du Wali de région, des politiques sectorielles au niveau régional parait s'imposer à travers la création de pôles de compétences par type d'activité, dotés de moyens mutualisés et de ressources humaines hautement qualifiées du réseau des administrations déconcentrées, comprenant en son sein les Gouverneurs des provinces et préfectures de la région et les responsables des principaux services déconcentrés (finances, équipement, transport et logistique, aménagement du territoire, habitat, tourisme, agriculture, HCP). Pour être opérationnelle et efficace, la déconcentration administrative doit être globale et confortée, concomitamment avec la délégation des pouvoirs décisionnels, par le transfert d'expertises et des ressources budgétaires adéquates et des prérogatives d'ordonnancement, de contrôles d'approbation et de visa préalables pour les processus budgétaire et comptable. Il y a lieu également de souligner l'impérieuse nécessité de faire reconnaitre par tous les acteurs la place centrale et le rôle dévolu à la société civile dans l'élaboration, le suivi et l'évaluation des politiques publiques sur le plan territorial, et de rendre opérationnelle et effective cette forme de participation et de concertation, non comme une contrainte, mais plutôt comme une valeur ajoutée au débat et à la conception de ces politiques et à leur acceptabilité et faisabilité. Sur ce registre, le Wali de la région est appelé à jouer un rôle de premier plan pour l'organisation d'espaces aussi larges que possible d'écoute, de partage et d'échanges constructifs et ciblés avec les organes consultatifs de la société civile pour faire le point sur les réalisations effectives et les comparer aux objectifs fixés dans les plans de développement (PDR, SRAT), en s'appuyant sur les technologies de l'information et de la communication dans les mécanismes de concertation et de dialogue. Cela permet aux citoyens d'être mieux impliqués dans la gestion du fait régional, de faire part de leurs besoins, attentes et propositions et, in fine, d'évaluer de façon objective, tangible et indépendante le niveau d'efficacité de la gestion régionale. Dans ce contexte, comme tout manager, le Wali doit être porteur d'une vision, et sa personnalité apparaît comme une composante déterminante de l'efficacité du dispositif de déconcentration administrative voulue par SM le Roi. Cela suppose un haut degré de patriotisme, un certain charisme, une excellente connaissance des circuits de décision et des personnes-clés, un réseau d'influence noblement puissant, des capacités à mobiliser l'intelligence collective autour d'un projet de territoire partagé par les forces vives locales et régionales, des aptitudes de communication et de pédagogie, un parcours et une expérience avérés et reconnus. Par Mohammed Benahmed Mohammed Benahmed est directeur des grands projets au Fonds d'équipement communal, auteur de plusieurs ouvrages et publications dans les domaines de développement territorial durable, la gouvernance et le financement des services publics, les finances locales, les PPP, l'évaluation des politiques publiques, l'économie bleue...