Le gouvernement de Saad El Othmani nommé le 5 avril 2017, est-il en mesure d'entreprendre les réformes annoncées et attendues ? A savoir qu'une période de 16 mois, passée après sa nomination, marquée par un attentisme et un échec de mettre en place un modèle de développement. La question qui se pose est de savoir si ce gouvernement pourra continuer de cette manière devant les grands défis qui attendent le Maroc. Certes, la nomination du gouvernement actuel a été faite dans une atmosphère perturbé par les évènements d'El Hoceima qui sont la conséquence de de l'échec des politiques sociales et économiques dans la région, qui ne sont plus en phase avec les besoins des citoyens et le modèle de développement souhaitable. Faut-il rappeler que lors d'un Conseil des ministres en date du 25 juin 2017, à Casablanca, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a exprimé publiquement sa déception, son mécontentement et sa désapprobation quant au bilan du programme régional d'Al Hoceima d'octobre 2015. Raison pour laquelle le Roi a renvoyé, le 24 octobre 2017, quatre ministres, puis il a exclu une quinzaine d'autres responsables de toute fonction publique. Aussi, le discours prononcé par Sa Majesté à l'occasion de la Fête du Trône , le 29 juillet 2017 , se démarque comme étant un "modèle exemplaire" de la pensée critique, et un discours de vérité , qui a fait un vrai diagnostic de la situation politique et sociale du pays, lorsque le Roi a relevé que "Face à cet état de fait, le citoyen est en droit de se demander : à quoi servent les institutions en place, la tenue des élections, la désignation du gouvernement et des ministres, la nomination des walis et des gouverneurs, des ambassadeurs et des consuls, si, visiblement, un fossé sépare toutes ces instances du peuple et de ses préoccupations ?". Dans ce discours, le citoyen doit être au cœur des projets sociaux qui ne doivent plus servir des intérêts partisans ou électoraux et que ceux qui sont incapables d'assumer leurs responsabilités doivent démissionner. Il faudra donc tourner la page de l'impunité, et activer les principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes. Dans ce même contexte, le Roi a appelé aussi, lors de l'ouverture de la première session du parlement en octobre 2017, à une reconsidération du modèle de développement marocain pour le mettre en phase avec les évolutions que connaît le pays, et à l'élaboration d'une nouvelle politique intégrée dédiée aux jeunes. A travers ce discours devant les représentants de la nation, le Souverain a fait appel à un changement des mentalités dans le cadre d'une nouvelle dynamique de gestion des affaires publiques, basée sur le principe de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes, l'accélération de la mise en œuvre de la régionalisation avancée et la nécessité d'intégrer les jeunes dans le processus de développement. Or, d'après les différents discours du Roi, il s'est avéré qu'il y a vraiment une crise au niveau des institutions et en premier lieu le gouvernement. Alors, que peut-on faire pour surmonter cette situation ? Certainement, il y une réflexion au niveau de l'élite politique qui pense sérieusement à remaniement ministériel ou un changement total du gouvernement, devenu incapable pour mettre en place un modèle de développement. Plusieurs scénarios proposés que les décideurs peuvent les étudier et évaluer leur impact politique. Scénario 1 : Le Roi peut continuer à gérer l'équipe gouvernementale dans le cadre du strict respect du calendrier institutionnel normal, avec un remaniement ministériel de deux, trois ou quatre ministres. Mais, le Roi n'est pas satisfait du bilan gouvernemental de 2017-2018. La preuve est le communiqué du Conseil des ministres du 25 juin 2017, suivi par le constat d'échec du modèle de développement évoqué dans le discours royal devant le Parlement, le 13 octobre 2017. De plus, le remaniement ministériel ne provoquera pas de grands changements sur l'action gouvernemental. * Scénario 2 : Le Roi peut provoquer de nouvelles élections pour une nouvelle donne politique et une autre formule majoritaire. D'après l'article 51, Le Roi peut dissoudre, par dahir, les deux Chambres du Parlement ou l'une d'elles dans les conditions prévues aux articles 96, 97 et 98 de la constitution. Mais, le coût d'organiser de nouvelles serait très élevé, et aussi insoutenable même par la majorité de la classe politique dans les conditions actuelles. * Scénario 3 : D'après l'article 104, le Chef du gouvernement peut dissoudre la Chambre des Représentants, par décret pris en Conseil des ministres, après avoir consulté le Roi, le président de cette Chambre et le président de la cour constitutionnelle. Or, le décret de dissolution de la Chambre des représentants est pris en Conseil des ministres présidé par le Roi qui, valide ou ne valide pas le décret. c.à.d. que cette décision revient en fin au Roi chef du Conseil des ministres. * Scénario 4 : L'article 103 de la constitution, donne la possibilité au Chef du gouvernement, pour engager la responsabilité du gouvernement devant le parlement, soit sur une déclaration de politique générale soit sur le vote d'un texte. Faute de refus de la confiance ou du texte à la majorité absolue, c'est la démission collective du cabinet. Le vote de censure entraîne la démission collective du gouvernement. Aussi, et selon les dispositions de l'article 106 de la constitution, La Chambre des Conseillers peut interpeller le gouvernement par le moyen d'une motion signée par le cinquième au moins de ses membres. Elle ne peut être votée, trois jours francs après son dépôt, que par la majorité absolue des membres de cette Chambre. * Scénario 4 : L'article 59 de la constitution stipule que : « Lorsque l'intégrité du territoire national est menacée ou que se produisent des événements qui entravent le fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles, le Roi peut, après avoir consulté le Chef du Gouvernement, le président de la Chambre des Représentant, le président de la Chambre des Conseillers, ainsi que le Président de la Cour Constitutionnelle, et adressé un message à la nation, proclamer par dahir l'état d'exception. De ce fait, le Roi est habilité à prendre les mesures qu'imposent la défense de l'intégrité territoriale et le retour, dans un moindre délai, au fonctionnement normal des institutions constitutionnelles. Le Parlement ne peut être dissous pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels. Les libertés et droits fondamentaux prévus par la présente Constitution demeurent garantis. Il est mis fin à l'état d'exception dans les mêmes formes que sa proclamation, dès que les conditions qui l'ont justifié n'existent plus. » A cet effet, les conditions objectives de décréter l'Etat d'exception prévue par l'article 59 de la constitution ne me semblent pas réunies, parce qu'ils ne se produisaient pas des événements qui entravent le fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles, mais nous avons enregistré seulement un dysfonctionnement au niveau des institutions et un manque d'harmonie gouvernementale. De ce fait , le Roi peut se référer à l'article 42 de la constitution qui stipule que « Le Roi, Chef de l'Etat, son Représentant suprême, Symbole de l'unité de la Nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l'Etat et Arbitre suprême entre ses institutions, veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la protection du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens, et des collectivités, et au respect des engagements internationaux du Royaume » . Puisque le Roi veille au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, il sera habilité de mette fin au gouvernement actuel et nommer un gouvernement de coalition formée par les différents partis représentés au gouvernement et dirigée par un chef qui ne sera pas nécessairement du parti de la justice et développement, et ce dans l'attente d'organiser les prochaines élections législatives en temps normal. Pour réussir ce choix politique, ce gouvernement doit mettre d'urgence un modèle de développement et avoir une nouvelle vision qui portera sur le lancement des initiatives d'emploi, l'amélioration de la qualité des services publics et privés destinés aux citoyens, et le climat des affaires. En plus, il devra orienter les investissements vers la santé, l'enseignement et la lutte contre les disparités sociales constituent un facteur entravant l'éducation et la promotion de la situation sociale du capital humain et du développement du pays. Par Khalid Cherkaoui Semmouni Khalid Cherkaoui Semmouni est enseignant chercheur en sciences politiques