Par Soubha Es-Siari | La Commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution-ACPR (Banque de France a publié sa décision à l'encontre d'Attijariwafa Bank Europe (AWBE). La société AWBE, détenue à 99,77 % par la holding Attijariwafa Euro Finances, elle-même filiale à 100 % de la société Attijariwafa Bank, écope ainsi d'un blâme et une sanction pécuniaire de 500.000 euros. Les faits remontent à 2012. À la suite d'un contrôle sur place diligenté en 2012, la société AWBE avait été mise en demeure de remédier aux manquements constatés par la mission de contrôle en matière de contrôle interne et de LCB-FT. En 2014, une mission de suivi de la mise en demeure avait constaté que le projet de remédiation n'était pas finalisé, même si l'établissement avait mis en œuvre plusieurs actions correctives. La société AWBE a de nouveau fait l'objet, du 3 octobre 2018 au 1er février 2019, d'un contrôle sur place, portant sur son dispositif de Lutte contre le Blanchiment et le Financement du Terrorisme (LCB-FT) et la conformité de l'activité de commercialisation des produits de la maison-mère, qui a donné lieu à un rapport signé le 12 juillet 2019. Au vu de ce rapport, le Collège de l'ACPR, statuant en sous-collège sectoriel « banque », a décidé, lors de sa séance du 13 décembre 2019, d'ouvrir la procédure disciplinaire. Pour ce qui est des griefs, il s'agit notamment de la classification des risques, les obligations de vigilance (En ce qui concerne la mise en œuvre des mesures de vigilance complémentaires à l'égard des personnes politiquement exposées et en ce qui concerne le dispositif de détection et d'analyse des opérations atypiques), la mise en œuvre des obligations de déclaration de soupçon à Tracfin, le contrôle interne du dispositif de LCB-FT (En ce qui concerne le contrôle permanent de second niveau d'AWBE sur ses succursales européennes et en ce qui concerne les moyens humains dédiés au contrôle périodique du dispositif de LCB-FT). Sur ce dernier grief, la commission a jugé que les moyens humains dédiés au contrôle périodique du dispositif de LCB-FT au sein d'AWBE sont insuffisants. Ainsi, le contrôle périodique des activités réalisées par les 61 agences d'AWBE, situées pour moitié en France et pour moitié dans des pays européens, était confié à 3 personnes fin 2017 et à 3 personnes en décembre 2018, ce qui n'a permis de réaliser, sur l'exercice 2017, que 4 des 10 missions initialement définies par l'établissement dans son plan d'audit triennal 2017-2019. En outre, sur les 6 missions initialement prévues et qui n'ont pas été réalisées en 2017, 3 seulement ont été reportées en 2018, les 3 autres ayant été reportées en 2019. Par ailleurs, le dispositif de LCB-FT de 12 agences françaises ou européennes d'AWBE n'a pas fait l'objet d'un contrôle périodique depuis 2013 et, pour l'une d'entre elles au moins, depuis 2012 et 6 agences n'ont jamais fait l'objet d'un contrôle périodique. Il ressort ainsi que les manquements retenus par la Commission justifient, compte tenu de leur nature ainsi que des éléments d'atténuation ci-dessus mentionnés, le prononcé d'un blâme. Il y a lieu, eu égard à la situation financière de la société AWBE, de prononcer en outre à son encontre une sanction pécuniaire de 500.000 euros, souligne-t-on. Et d'ajouter : « Il convient néanmoins de tenir compte, dans une certaine mesure, des actions correctives mises en place par la société, qui ont notamment consisté en une refonte de sa classification des risques, une amélioration de son dispositif de détection et d'analyse des opérations atypiques et une meilleure prise en compte des risques liés à l'activité de correspondance bancaire. Des actions de formation du personnel et de renforcement des directions des risques et de la conformité ont de plus été menées. Toutes ces actions, dont la portée devra, le cas échéant, être vérifiée, témoignent, en l'état des informations dont dispose la Commission, d'une volonté de mise à niveau du dispositif de LCB-FT de cet établissement ». Pour rappel, AWBE exerce son activité en France mais aussi, par l'intermédiaire de succursales, dans cinq autres pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie et Pays-Bas). En 2019, elle a réalisé un produit net bancaire de 46,4 millions d'euros et une perte nette d'environ 5 millions d'euros. Elle fournit notamment des services de transfert de fonds à une clientèle composée de personnes originaires du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne. À la fin de l'exercice 2019, elle disposait de 45,6 millions d'euros de fonds propres. Par ailleurs, le groupe Attijariwafa compte environ 20.000 collaborateurs dans le monde et plus de 10 millions de clients, précise-t-on dans la décision de la Commission des sanctions de l'APCR. A la suite de ce jugement, nous sommes en mesure de nous demander quel rôle devrait jouer l'Office de Changes en matière de prévention et de contrôle et s'il devrait dépêcher ses équipes pour contrecarrer ce types d'actions des banques avec leurs filiales. On se demande par ailleurs si le système bancaire marocain est armé de processus efficaces et verrouillés de la lutte contre le Blanchiment et le financement du terrorisme, une recommandation formulée par le FMI, qui a demandé dans le cadre des consultations de 2020, à accélérer les efforts pour renforcer le cadre de LBC / FT (dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme) et pour finaliser le cadre de résolution bancaire.