Quel est le degré de conformité des Communes aux dispositions de la Loi N°31-13 relative au droit d'accès à l'information ? C'est le travail sur lequel s'est attelé l'Association Tafra auprès de 81 communs représentants près de 18 millions d'habitants. Détails. Près de trois ans après sa promulgation, où en est la mise en œuvre de la loi 31-13 relative au droit d'accès d'information ? C'est ce qu'a étudié l'association Tafra au niveau des collectivités territoriales, en mettant en place l'indicateur SMIIG-DATA des communes ou "Solde minimum d'information institutionnelle garantie" ». Il faut rappeler avant d'étayer les détails de ce rapport que cette loi est entrée en vigueur en mars 2020 en pleine pandémie, deux ans après sa publication au BO. Aussi, dans le cadre de cette loi, il a été procédé à la création de la Commission du droit d'accès à l'information (CDAI) dont les membres ont été installés le 13 mars 2019. Pour analyser le degré de conformité des communes aux dispositions de ladite loi, mais également avec d'autres dispositions réglementaires détaillées dans le rapport de Tafra, l'association a mis donc en place le SMIIG-DATA des communes, un instrument de mesure composé de 17 éléments que les communes doivent publier afin de se conformer au cadre légal et réglementaire, regroupés dans les rubriques participation citoyenne, finances publiques et gouvernance territoriale et qui font également partie des engagements internationaux du Maroc au titre de l'article 10 de la Convention des Nations Unies contre la corruption. Il s'agit notamment des noms et contacts des fonctionnaires chargés de l'information, de la composition du conseil communal, l'ordre du jour, dates des séances et délibérations du conseil de la commune actualisés... ou encore les rapports d'évaluation audit et contrôle de l'exercice clôturé. Sans oublier, l'existence d'un mécanisme/espace de concertation publique préalable et permanent en ligne qui permette une la possibilité d'une participation citoyenne à la gestion de la chose publique au niveau local. Ces 17 éléments sont en fait les documents que les communes doivent publier par la force de la loi. Dans le cadre de ce rapport, l'association Tafra a scruté 81 communes de plus de 50.000 habitants, et qui représentent au total 17.790.453 habitants en se référant au recensement général de la population de 2014. Les principaux résultats En premier lieu, Tafra a vérifié si ces communes disposent d'un site web (54% de l'échantillon n'en disposent pas selon l'étude), auquel cas, les informations publiées ont été examinées pour déterminer leur niveau de conformité avec le référentiel normatif présenté dans l'étude selon la grille d'évaluation qu'est le SMIIG-DATA. A l'issue de l'évaluation des 17 éléments constitutifs de cet indicateur, l'association avance que la majorité des communes observées ne respectent pas les exigences légales et réglementaires de publication des informations à caractère public. Par ailleurs, les informations sur les finances de ces collectivités sont très peu diffusées. Aussi, 65% des citoyens résidant dans les communes étudiées, et représentant 11 651 446 d'habitants, n'ont-ils pas accès aux budgets de leurs communes, 98% des habitants de ces communes représentant 17.468.833 habitants n'ont pas connaissance des états comptables des gestionnaires des services publics, alors que 74 communes totalisant 16.806.732 d'habitants ne publient pas de façon proactive les données relatives aux dons et subventions octroyés. L'ensemble des informations regroupées pour cette étude est disponible sur le site de l'association de sorte à constater, en un clic sur les sites des communes, si une information est publiée, ainsi que son degré de conformité avec le référentiel normatif. Il faut noter que le SMIIG-DATA considère une information non disponible dès lors qu'elle n'est pas actualisée et supprime automatiquement cette case de la grille d'évaluation, puisqu'il ne suffit pas que l'information soit disponible mais complète, exploitable dans le sens où elle est sous un format qui permette son exportation et actualisée. Sur les 42 communes dont Tafra a pu évaluer les sites web, aucune n'était conforme à ses obligations légales en matière d'accès à l'information, selon l'étude. Tafra note l'absence de publications importantes relatives à la participation citoyenne dans la majorité des communes disposant d'un site internet objet de ce diagnostic, notamment le responsable en charge de l'information, les délibérations du Conseil et les instances consultatives. L'observation du niveau de publication proactive des données financières montre notamment que seules 13 communes publient leurs budgets annuels, alors qu'aucune ne publie les rapports d'audit, ni les états comptables et financiers des gestionnaires délégués. Face à ces résultats, l'association Tafra recommande de doter le plus grand nombre de communes de sites internet, en exigeant la publication des éléments d'information prévues par les lois organiques et la loi 31-13, ainsi que la stricte application de l'arsenal légal et réglementaire relatif à la publication d'informations et notamment celles relatives aux finances publiques et à la participation citoyenne. La loi dictant la désignation d'une personne chargée des demandes d'informations, les communes gagneraient à se conformer à cette exigence. Par ailleurs, Tafra propose de promouvoir les espaces de concertation publique et de communication qui permettent de tenir les citoyens informés des projets, des finances et des performances de leurs communes, entre autres recommandations. L'association met également un générateur de sites web, www.baladia.ma, à la disposition des communes qui le souhaitent. Le site web est construit conformément aux prescriptions réglementaires et permet la diffusion proactive de toutes les informations disponibles produites par les communes. L'association Tafra propose une formation technique au bénéfice des fonctionnaires communaux chargés de la gestion du site, ainsi qu'un accompagnement adéquat pour l'utilisation du site web. Un chantier à ciel ouvert Il faut néanmoins souligner le lancement en avril 2020 par le Ministère de l'Intérieur (DGCT), avec l'aide de la Banque Mondiale et de l'AFD, d'un « Programme d'Amélioration des Performances des Communes« , qui vise pratiquement le même échantillon de communes (plus de 50.000 habitants) que le rapport de Tafra. L'objectif recherché de ce programme est d'accompagner les communes à adopter les meilleures pratiques de bonne gouvernance, dont la communication avec les citoyens (sites Web, gestion des réclamations, …). Au mois de novembre, 81 communes ont pu obtenir leur première subvention basée sur les performances. Il faut également nuancer en rappelant qu'en vertu de cette loi, les citoyens peuvent exercer ce droit en adressant eux-mêmes des demandes d'informations aux institutions et organismes cités par l'article 2 de la même loi, à savoir la Chambre des représentants, la Chambre de conseillers, les administrations publiques, les tribunaux, les collectivités territoriales, les établissements publics et toute personne morale de droit public, tout autre institution ou organisme de droit public ou privé investi de mission de service public et les institutions et les instances prévues au Titre XII de la Constitution. Dans ce sillage, il faut souligner le travail mené par la CDAI aussi bien auprès des organismes qui tombent sous le coup de cette loi qu'auprès de la société civile pour vulgariser le modèle de formulaire à utiliser pour exercer ce droit d'accès à l'information. Par ailleurs, le ministère de l'Economie, des finances et de la réforme de l'administration a mis en place un portail web « chafafiya.ma » destiné au dépôt, au traitement et au suivi des demandes d'accès à l'information de façon électronique. La mise en œuvre du Droit d'accès à l'information est encore à ses balbutiements mais c'est un chantier qui revêt une grande importance dans la construction d'un Etat de droit où le citoyen a un droit de regard et est bien informé en toute transparence de la gestion et la gouvernance de la chose publique. C'est un également un élément de mise en confiance dans la relation entre le citoyen et l'administration publique dans son ensemble.