La majorité des communes au Maroc ne respectent pas les exigences légales et réglementaires de publication des informations à caractère publique, selon une étude réalisée par l'Association Tafra. Nul besoin d'argumenter l'importance du droit d'accès à l'information (DAI) pour le fonctionnement démocratique des sociétés. Outre son rôle dans l'amélioration de la qualité des services publics, celui-ci favorise même le développement du pays, en améliorant les performances économiques et en rendant les autorités publiques, notamment les administrations, redevables pour leur action. Néanmoins, demeure en deçà des attentes en matière de DAI. C'est du moins ce qui ressort du dernier rapport de l'Association Tafra, qui a mis en place un projet baptisé «SMIIG-DATA», dont l'objectif est «de promouvoir le respect des dispositions légales et réglementaires, des engagements du Maroc ainsi que les bonnes pratiques en matière de publication proactive de l'information par les administrations». D'ailleurs, considérée comme un pilier central de la lutte contre la corruption et de la promotion de la transparence, la loi 31-13, portant sur le DAI, n'est toujours pas, deux ans après sa promulgation, appliquée par la majorité des 81 communes examinées. Le premier résultat que Tafra a eu à travers cette étude est par rapport à l'existence d'un site web relatif à la commune. Sur les 81 communes traitées, seulement 37 (46%) disposent d'un site web où les informations peuvent être publiées. Sur les 37 communes évaluées, aucune n'était conforme à ses obligations légales en matière d'accès à l'information, précise le rapport, soulignant que les rubriques obligatoires représentent 170 points du total du SMIIG-DATA, soit 60 points sur 100 (voir notes obtenues par communes sur le graphique). Cela dit, le fait marquant principal de l'analyse est qu'aucune commune n'obtient la note seuil du «SMIIG-DATA». Non-respect des exigences légales ! Autre élément marquant du rapport de l'association c'est que la majorité des communes observées ne respectent pas les exigences légales et réglementaires de publication des informations à caractère publique. «Les informations sur les finances de ces collectivités sont très peu diffusées», précise-t-on de même source. Or selon l'association, les informations publiées par les communes doivent être systématiquement mises à jour. «Certaines informations ne peuvent subir aucun changement (ou rarement), comme celles relatives à la composition du conseil communal ou à l'organigramme. D'autres informations comme les exercices financiers, les budgets ou les rapports d'audit doivent être publiées quand elles sont produites». Dans cette optique, et loin du rapport de l'association Tafra, il convient de noter que la Direction Générale des Collectivités Territoriales organise, ce mercredi, un webinaire pour le lancement du projet de mise en place de la filière d'audit interne au sein des conseils des douze régions du Royaume. Un chantier stratégique qui s'inscrit dans le cadre de la régionalisation avancée et de la déconcentration administrative et vise la consolidation des acquis en matière de promotion de la bonne gouvernance territoriale. Par ailleurs, quelque 65% des citoyens résidant dans les communes étudiées, et représentant 11.651.446 d'habitants, n'ont pas accès aux budgets de leurs communes, que 98% représentant 17.468.833 habitants n'ont pas connaissance des états comptables des gestionnaires des services publics et que 74 communes totalisant 16.806.732 d'habitants ne publient pas de façon proactive les données relatives aux dons et subventions octroyés. Des voies pour rattraper le retard Après avoir exprimé ses doléances quant au respect des dispositions réglementaires et les bonnes pratiques en matière de publication proactive de l'information, Tafra a listé une série de recommandations qui permettrait de rattraper le retard constaté par le «SMIG-DATA». Il s'agit dans un premier temps de doter les communes par de sites internet, puis leur exiger la publication des éléments d'information prévues par les lois organiques et la loi 31-13. Il faut aussi veiller à la stricte application de l'arsenal légal et réglementaire relatif à la publication d'informations et notamment celles relatives aux finances publiques et à la participation citoyenne, indique le rapport. S'agissant des élus et des cadres des administrations communales, l'association souligne l'importance de les sensibiliser aux avantages de la publication proactive de toute information publique produite par les communes, et plus généralement par les collectivités territoriales. La désignation du point focal (service dédié) chargé de répondre aux demandes d'informations et la promotion des espaces de concertation publique et de communication qui permettent de tenir les citoyens informés des projets, des finances et des performances de leurs communes, sont également des points mis en valeur par le rapport. Et d'ajouter qu'il faut renforcer les capacités des communes et autres collectivités territoriales en matière de gestion documentaire et particulièrement au traitement exhaustif des archives, tout en incitant à l'usage des communes des outils de communication électroniques. In fine, Tafra appelle à la promouvoir la publication des éléments d'information en open data de façon à les rendre accessibles et réutilisables. Celles-ci seraient susceptibles de renforcer le marketing territorial, une condition sine qua non pour le développement des régions. SMIIG-DATA : kézako ? L'indicateur SMIIG-DATA a été appliqué aux communes afin d'évaluer le niveau de conformité de ces institutions au référentiel sur la publication proactive des données publiques. L'échantillon de l'étude Tafra est de 81 communes. Ces collectivités marocaines de plus de 50 000 habitants constituent le périmètre de l'étude. Ce critère permet de couvrir plus de la moitié de la population marocaine. Appliqué aux communes, le SMIIGDATA prend en compte les critères édictés par les obligations légales et réglementaires, ainsi que les recommandations émises par les instances internationales (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International, OCDE et Nations Unies). L'indicateur prend aussi en compte les bonnes pratiques en usage dans les pays où les principes du gouvernement ouvert et de publication proactive sont appliqués. Saâd JAFRI