Face à une détérioration continue du déficit budgétaire et pour financer l'économie, l'arme budgétaire seule paraît insuffisante. D'après les ouï-dire, l'exécutif souhaite ainsi actionner l'emprunt national. L'effet dévastateur de la crise sanitaire sur les finances publiques continue au fil des mois. Les derniers chiffres d'octobre publiés par la Trésorerie Générale du Royaume mettent en exergue l'aggravation d'un déficit budgétaire atteignant plus de 50 Mds de DH. En cause l'équilibre des finances publiques s'est détérioré aussi bien du côté des recettes que celui des dépenses essentiellement d'ordre économique, social et sanitaire. L'étau se resserre et ce malgré le dernier emprunt obligataire à l'international de 1 Md d'euros. D'après les analystes de CDG Capital : « L'impact de l'emprunt international sur l'équilibre des finances publiques et les réserves de change ressort quasi-neutre en raison du remboursement prévu en octobre 2020 d'un montant équivalent ». Face à une baisse drastique des ressources, l'exécutif est contraint d'investir de nouvelles voies. En scrutant les amendements du PLF 2021, la couleur est annoncée sur comment l'exécutif souhaite y remédier. Entre autres dispositions, figure l'exonération des intérêts versés aux particuliers résidents qui ne sont pas soumis à l'IR selon le régime du résultat net réel ou simplifié, sur les bons du Trésor émis jusqu'en 2021 et dont les intérêts seront versés pour la première fois en 2021. Il court dans les bruits de couloir que par cette défiscalisation des produits financiers perçus par les individus sur les emprunts de l'Etat, le Maroc serait en train de se préparer au lancement d'un emprunt national d'envergure en 2021. L' arme budgétaire seule ne suffit donc pas pour sortir indemne de cette crise inédite. Il faut donc se servir de l'épargne accumulée par les ménages, les institutionnels et les entreprises pour l'injecter dans le circuit de l'économie. A travers cette incitation fiscale, le Trésor souhaite couvrir une partie du reliquat de son besoin de financement à travers l'épargne nationale. En effet, de par sa définition, l'emprunt national offre souvent la possibilité de prêter en direct à l'Etat sur des maturités longues avec des taux d'intérêt bonifiés. Il est souvent lancé lorsque les finances publiques sont pauvres et que l'Etat a du mal à emprunter sur les marchés internationaux. C'est le cas aujourd'hui du Maroc. A noter par ailleurs que l'équipe des services du Fonds monétaire international (FMI) dirigée par Roberto Cardarelli qui a mené une mission à distance du 19 octobre au 2 novembre 2020 a recommandé au Maroc dans ses projections de référence de commencer à réduire le ratio dette publique par rapport au PIB à compter de 2022. La recommandation n'est pas tombée dans une sourde oreille. Le Maroc s'y prépare d'ores et déjà. Endettement : ça craint ! Bien qu'il ne reconnaisse pas que l'endettement ait atteint des proportions alarmantes, l'exécutif est tout de même conscient qu'il faut lever le pied sur la pédale de l'endettement extérieur. Même la dette intérieure accable les finances publiques, elle représente 80% de la dette totale. Aussi, le service de la dette s'élève-t-il à 78 Mds de DH dans le PLF 2021. Ce qui dénote le poids d'une telle charge dans le budget de l'Etat. En sus de l'endettement, pour faire face aux retombées, deux fonds ont été créés : un Fonds spécial pour la gestion de la pandémie Covid-19 visant la maîtrise de la situation épidémiologique du Royaume et le soutien des classes sociales fragiles et un Fonds d'investissement de 120 Mds de DH dans l'économie dont 20 Mds de DH en provenance de l'Etat, avec 15 Mds de DH du budget général et 5 Mds DH du fonds spécial Covid19. C'est pour dire l'importance des fonds qui pourraient être injectés pour financer l'économie et espérer la relance. Mais des questions restent toute de même posées : un emprunt national n'aura-t-il pas un effet d'éviction sur l'épargne des Marocains auprès des banques pour qu'elles puissent financer le programme Intelaka, la relance… L'exécutif a-t-il puisé toutes les voies de recours pour financer le déficit budgétaire pour ne citer que les mécanismes de financement innovants, la reconversion de la dette ? L'opération serait-elle couronnée de succès si l'on prend en considération que pendant la période des vaches maigres, la thésaurisation est le cadet des soucis notamment des ménages ? A ce titre, il est utile de rappeler que depuis plusieurs années, le taux de l'épargne nationale emprunte un trend baissier créant un biais de plus en plus important avec le taux d'investissement. Aussi bien les données précédentes relatives à l'épargne que celles prévisibles pour l'année 2020 montrent qu'en la matière, le Maroc a du pain sur la planche. Il suffit de soustraire les transferts des Marocains résidents à l'étranger pour se rendre compte que l'épargne des ménages oscille autour de 14% de leur revenu disponible brut. Un niveau qui est beaucoup plus faible en comparaison internationale pour des raisons connues de tous (fiscalité, absence de produits diversifiés, pouvoir d'achat…). Lire également : DEFICIT BUDGETAIRE : LES COMPTES SPECIAUX DU TRESOR APPELES À LA RESCOUSSE