La Haca a été entrainée dans la polémique suscitée par les propos d'un gynécologue lors d'une émission-débat sur Télé Maroc et appelée par la foule à la sanctionner. Pourquoi le régulateur ne s'est pas autosaisi dans cette affaire ? Explications. Quand la machine s'emballe, difficile de l'arrêter. Surtout sur les réseaux sociaux focalisés depuis quelques jours sur les propos tenus par un gynécologue marocain, lors d'une émission sur Télé Maroc. En gros, invité sur un plateau télé, il défend l'idée qu'il n'y aurait pas de viol si les femmes célibataires se résignaient à se marier. Un avis qui a provoqué de vives attaques contre le docteur, la chaîne de télévision qui l'a invité mais également la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) pour ne pas voir sanctionné le média. La HACA, dont le mandat et l'action se déploient dans le cadre du grand chantier de la consolidation démocratique et du renforcement de la culture des Droits de l'Homme, serait-elle devenue permissive ou bien ces propos ont-ils échappé à sa vigilance ? L'autorité aurait-elle eu une posture de bienveillance vis-à-vis de Télé Maroc ? Il n'en est rien de tout ça. D'abord parce que l'image de la femme dans les médias est un sujet auquel le régulateur est particulièrement sensible au point de maintenir une veille sur le discours misogyne et le discours de haine dans les médias. Il y a lieu ici de signaler qu'au sein de la HACA, le DSP, département du suivi des programmes est une véritable ruche qui veille au grain en scrutant les contenus diffusés sur les radios et télés qui diffusent à partir du Maroc. Aussi, la HACA émet-elle régulièrement les décisions du Conseil supérieur de la Communication audiovisuel à l'encontre de ce type de discours, le cas des propos du chanteur Adil Miloudi sur Chada FM. La Haca s'était autosaisie en septembre dernier et le CSCA a rendu sa décision, le même mois, de suspendre pendant trois semaines l'émission concernée. Une décision jugée d'ailleurs trop clémente comparativement aux propos gravissimes tenus par le chanteur. Cela dénote d'une confusion sur le mandat et les prérogatives de la HACA, qu'il ne faut pas confondre avec le ministère public. Le CSA rend ses décisions conformément au cadre réglementaire de référence, la loi n°11-15 portant réorganisation de la HACA, qui implique le média et non les individus, qu'ils soient journalistes ou invités. Pourquoi dès lors le régulateur ne s'est pas autosaisi dans le cas présent qui enflamme la toile ? La réponse est toute simple : Télé Maroc émet depuis l'étranger et se trouve ainsi en dehors du périmètre de régulation de la HACA. Le timing y est pour beaucoup Face à l'ampleur de la polémique, Télé Maroc a diffusé le vendredi 12 juin, un communiqué dans lequel elle précise qu'il s'agit d'un épisode diffusé il y a six mois et se défend de cautionner ou de défendre les positions de ses invités. La chaîne qui souligne que son objectif étant que chacun exprime son opinion dans le cadre d'un débat télévisé sur ses plateaux, a d'ailleurs retiré l'épisode incriminé. Le tollé provoqué par cette séquence extraite donc d'une émission vieille de 6 mois, a été amplifié par le timing : l'affaire d'agression sexuelle et de viol de la petite Ikram, six ans, dans localité de Fem Lahcen. La plainte déposée par le père de la victime début mai avait donné lieu à une poursuite judiciaire. L'opinion publique en émoi est scandalisée par la décision du juge d'instruction de la Cour d'appel d'Agadir, en date du 6 juin, de poursuivre l'accusé en état de liberté provisoire en se basant sur la renonciation du père de la victime et un rapport médical qui ne confirmerait pas le viol sur la petite fille. La mobilisation tous azimuts des Marocains, de la société civile et le recours en appel du Ministère public se soldent par une nouvelle décision le 10 juin, du juge d'instruction près de la chambre criminelle de la Cour d'appel d'Agadir de remettre l'accusé en détention. S'il y a une bonne chose à retenir de la polémique autour des propos du gynécologue et de la mobilisation pour que toute la lumière soit faite sur l'affaire d'Ikram, c'est l'intolérance de plus en plus grandissante de la société marocaine aux violences faites aux femmes furent-elles verbales ou physiques. C'est déjà ça d'acquis, mais la guerre est loin d'être gagnée ! Lire également : Audiovisuel : la HACA, jeune autorité mature !