Suite au boycott, Emmanuel Faber PDG de Danone s'engage sur un nouveau modèle. Epiciers, consommateurs... toutes les parties prenantes de la filière du lait pasteurisé vont décider de ce que doit être le « juste prix ». Au cas où le boycott persiste, le groupe Danone ne va pas quitter le Maroc. Après deux mois de boycott, Centrale Danone réagit. C'est Emmanuel Faber, PDG de Danone qui a fait le déplacement à Casablanca. Comme dit l'adage : « Il faut être un grand homme pour écouter les autres ». Pourquoi avoir attendu tout ce temps ? « C'est pour prendre du recul et mieux comprendre les tenants et aboutissants du boycott qui frappe la marque Centrale Danone, en particulier le lait pasteurisé », répond Emmanuel Faber. A rappeler que le lait pasteurisé représente une partie significative de l'activité au Maroc et d'où l'importance des pertes déclarées par le management de la société. A l'occasion de la conférence de presse tenue en marge de sa visite, c'est un Emmanuel Faber décontracté, confiant mais aussi ému qui annonce devant une salle comble que sa journée était animée non seulement par ses préoccupations en tant que chef d'entreprise, mais également par celles de la société marocaine, de sa réalité d'aujourd'hui et de sa tradition d'hospitalité. Le PDG de Danone est conscient que ce boycott avec une revendication de lutte contre la vie chère reflète le choix de ceux qui le font. C'est une réalité internationale. Bien qu'il regrette profondément ce choix qui épuise son entreprise, il le respecte. Il se projette dans le temps et rappelle à l'auditoire que les Marocains ont la chance d'avoir une filière de production laitière qui s'est construite depuis des générations pas dans la facilité mais dans la labeur quotidienne des éleveurs qui ont tiré du sol du pays tout ce qu'ils pouvaient en tirer avec leur savoir-faire pour offrir aux familles marocaines du lait pasteurisé. Le président de Danone annonce également qu'il s'est entretenu tout au long de la journée avec les équipes de Centrale Danone, de plusieurs épiciers, des producteurs de lait, des consommatrices, des jeunes et des mamans. Le but de ces rencontres est de tâter le pouls de la société marocaine et de d'entendre ses attentes. De ces différentes rencontres, il retient que le pouvoir d'achat des consommateurs marocains est sous pression et que la qualité est pointée du doigt. Aussi, étant donné que le lait frais pasteurisé est un produit quotidien et de première nécessité pour les familles, pour les enfants, les attentes sont importantes et légitimes. Face à ce constat, Emmanuel Faber souhaite tisser à nouveau de fortes relations de confiance mutuelle avec pour toile de fond un nouveau modèle. Il s'agit d'un nouveau modèle qui repose sur trois fondements majeurs que s'engage à respecter la société. Il lance d'ailleurs un appel à la société marocaine pour qu'elle adhère à ce modèle dont la réussite conditionne l'avenir d'un grand nombre de salariés et d'éleveurs. Les trois engagements forts de Centrale Danone Le premier est que la société s'engage à ne plus faire aucun profit sur le lait frais pasteurisé Centrale. Autrement dit, le but recherché est d'assurer un prix du lait le moins possible pour les épiciers et les consommateurs tout en protégeant au maximum le prix payé aux éleveurs partenaires. « Pour cela, nous nous engageons à ce que le lait frais pasteurisé de la marque Centrale soit vendu à prix coûtant pour Centrale Danone, tout en respectant la loi marocaine », rassure E. Faber. Si les volumes sont au rendez-vous, les prix vont certainement baisser. Les compensations de prix entre les différents produits ne sont pas envisageables par le management. Le deuxième engagement est d'offrir aux consommateurs un lait frais pasteurisé aux meilleurs standards de qualité. Un lait naturel sans antibiotiques, sans conservateurs produit exclusivement à partir du lait issu de la passion et du travail des éleveurs partenaires marocains. Dans ce cadre, la société s'engage à la transparence totale sur les coûts supportés. Enfin le troisième engagement est d'associer les consommateurs et les épiciers pour qu'ils soient parties prenantes dans la fixation du prix, un prix qui soit à la portée de tous les ménages et qui soit équitable pour tous. Le démarrage des travaux commence aujourd'hui pour pouvoir conclure sur la viabilité économique de ce modèle. Le prix payé aux éleveurs est jugé équitable Comme on s'y attendait, le débat avec la salle n'était pas une partie de plaisir et plusieurs journalistes attendaient le PDG au tournant en ce qui concerne le prix payé aux éleveurs et les conditions de travail dans les usines. A ce sujet Emmanuel Faber répond : « Il y a une normalisation progressive de la situation sociale. L'objectif est d'aligner graduellement les politiques sociales avec celles du groupe dans d'autres pays ». Et d'ajouter : « En ce qui concerne le prix, nous achetons le lait aux éleveurs à un prix comparable à celui d'Europe. C'est en continuant à investir dans la filière que nous allons réussir à augmenter la productivité et réduire le prix ». En tout cas, même si le boycott persiste, le groupe n'envisage pas de quitter le Maroc.