L'AMITH tire la sonnette d'alarme sur les conséquences du déséquilibre de l'ALE avec la Turquie aussi bien sur le marché local qu'à l'export. Pour mieux protéger le tissu industriel intérieur, l'Association propose 3 mesures protectionnistes. Ce n'est plus à démontrer. Les Accords de libre-échange signés par le Maroc portent de plus en plus préjudice à l'économie, au tissu économique, aux industriels et, par ricochet, à l'émergence du pays. Le constat est plus qu'alarmant puisque la balance commerciale du Maroc est déficitaire avec tous les pays partenaires des 56 ALE. Une raison suffisante pour pousser le gouvernement, qui ne cesse depuis des années de prôner la nécessité de revoir ses accords sans pour autant passer à l'acte, de prendre le taureau par les cornes pour mettre fin à cette relation asymétrique. Parmi les accords qui font des ravages dans notre économie celui conclu avec la Turquie. Le déficit commercial a atteint des records avec 16 Mds de DH en 2018 dont 9,6 Mds de DH pour les importations de vêtements turcs qui s'accaparent la part du lion. Le marché marocain est désormais dans le viseur des exportateurs turcs notamment du textile-habillement qui envahissent le marché mettant en danger l'industrie textile marocaine qui, faut-il avouer, passe par des moments difficiles. Lors d'une réunion restreinte avec les médias, le président de l'Association marocaine des industries de Textile et d'Habillement (AMITH), Mohammed Boubouh a affirmé que le secteur est en souffrance. Après quelques mois de silence radio, l'AMITH, qui se structurait après la nomination d'un nouveau président, sort de son mutisme pour dénoncer une situation qui devient intenable face à l'invasion turque. Entre 2016 et 2019, plus d'une centaine d'entreprises (PME et TPE) ont déjà mis la clé sous le paillasson. « L'ALE avec la Turquie porte préjudice au secteur, à l'écosystème, aux industriels et milliers d'emplois qui risquent de disparaître. C'est pourquoi nous saluons la décision, politiquement courageuse et économiquement légitime, du ministre de l'Industrie pour avoir enclenché ce processus de révision de l'Accord dans l'objectif de stopper l'hémorragie », nous a-t-il confié. Il est surtout question de sauver les meubles puisque la situation est bien plus grave qu'elle ne paraisse. Les importations turques n'ont pas été contrebalancées par des investissements directs au Maroc pour atténuer l'impact et par conséquent absorber le déficit. Et c'est l'un des points qui sera à l'ordre du jour des négociations dans le cadre du processus de révision de l'Accord entre les deux parties. Face à cette situation, le secteur du textile a interpellé le ministère de tutelle pour la mise en place de mesures de protection pour rééquilibrer la balance commerciale du secteur entre les deux pays. « Dans l'optique de protéger le tissu industriel intérieur, nous demandons 3 mesures : 60% de vêtements vendus par des marques étrangères doivent être fabriqués au niveau local, l'installation de grands opérateurs turcs de l'amont au Maroc et l'instauration des droits de douane à hauteur de 30% », a précisé Mohammed Boubouh. Mais pas seulement. L'AMITH appelle le gouvernement marocain à soutenir le secteur par des aides à la location des magasins, à l'aménagement, à la création d'emplois... Le marché local agonise Aujourd'hui le secteur textile marocain est sur deux fronts. D'une part le marché local qui est envahi aussi bien par les marques turques importées qui passent par le circuit formel que les importations non déclarées qui envahissent le marché de l'informel et dont l'impact n'est pas quantifiable. Le produit marocain arrive très mal à se forger une place sur le marché local. Pour donner un ordre de grandeur, les marques marocaines s'accaparent à peine 10% de part de marché local. Un pourcentage dérisoire pour espérer porter le secteur. Les opérateurs du textile marocain, qui rament à contre-courant, ont donc du mal à suivre le rythme des importations et à s'imposer sur leur propre marché. « C'est pourquoi, il est temps pour les mastodontes du textile marocain, en l'occurrence, ceux orientés export, de s'intéresser davantage au marché local », a souligné le président de l'AMITH. L'export textile marocain, les alarmes se déclenchent L'offensive de l'offre turque ne fait pas uniquement mal au marché local mais également à l'export. C'est la face cachée de l'iceberg qui menace le plus notre économie. Les exportateurs marocains sont confrontés à une problématique majeure celle de la dévaluation de la monnaie turque (46% par rapport au dollar). « Conséquence : les exportations marocaines sont plus chères et donc moins compétitives », précise M. Boubouh. Ce qui n'est pas sans conséquence sur les carnets de commandes qui se remplissent de moins en moins. Inditex qui est l'un des principaux clients du Maroc est en train de dévier ses commandes vers la Turquie. « Inditex n'arrive plus à placer ses commandes au Maroc en raison de la compétitivité de la Turquie qui propose des prix (collections d'importations) à 1 euro jusqu'à 1,4 euro de moins que le Maroc », dénonce le président de l'AMITH. Impossible de concurrencer la Turquie et de dissuader Inditex, qui représente 55% des exportations textiles marocaines, de rester au Maroc. Ce qui explique mieux le pas engagé par le ministre pour préserver notre industrie, nos emplois et garantir la croissance.