La fiscalité des collectivités locales est un vrai mille feuille fiscal. Elle renferme une taxe, il faut le reconnaître non patrimoniale, discriminatoire et nuisible à la concurrence loyale. il s'agit de la taxe sur les débits de boisson. Un an de moins ça se fête ! Plusieurs Marocains s'apprêtent à clôturer l'année 2019 et célébrer comme il se doit l'an 2020. Ils oublient qu'ils prennent de la bouteille. Nombreux sont ceux qui fêtent le nouvel an dans les bars, cabarets, casinos et autres. Oui ! Nombreux au nez et à la barbe de la loi. En effet, l'article 484 du Dahir formant code des obligations et contrats stipule que : « Est nulle entre musulmans la vente de choses déclarées impures par la loi religieuse, sauf les objets dont elle a autorisés le commerce, tels que les engrais animaux pour les besoins de l'agriculture ». En outre l'article 26 de Arrêté du directeur général du cabinet royal n° 3-177-66 du 17 juillet 1967 réglementant le commerce des boissons alcooliques ou alcoolisées stipule que : « il est interdit à tout exploitant d'un établissement soumis à licence de vendre ou d'offrir gratuitement des boissons alcooliques ou alcoolisées aux Marocains musulmans ». Une vraie mine d'Or Selon les derniers chiffres, les marocains sont des vrais sacs à vin. Ils en raffolent en moyenne 103 millions de litres soit trois litres par jour et par personne. Les indicateurs d'activités au troisième trimestre 2019 de la société des boissons du Maroc font état d'un volume de ventes de 134.919.400 litres composé à hauteur de 91% de bières et vins. Il parait que rares sont ceux qui tiennent l'alcool et mettent de l'eau dans leurs vins, mais plusieurs, voulant noyer leurs chagrins dans l'alcool, finissent par y sombrer. Un Conseil : ne buvez pas l'alcool au volant : vous pourriez en reverser. Si la recette fiscale de l'alcool est mesurable son coût social est loin d'être cerné et difficile à couvrir. Au titre de l'année 2019, l'Etat s'attend à 678 millions de dirhams au titre de la taxe sur les vins et l'alcool, 824 millions de dirhams au titre de la taxe sur les bières et 12 millions de dirhams au titre de la taxe de licence sur les débits de boisson. L'alcool, y goûter est un péché, son argent est Hallal. Si après la fête, plusieurs marocains se grattent leurs têtes, les débitants de boisson se frottent les mains. Et pour cause, leurs chiffres d'affaires font une montée en flèche. D'autres opérateurs, en l'occurrence les collectivités locales, se mêlent de la fête et pour cause, leurs régies recettes seront renflouées par la taxe sur les débits de boisson. Cette taxe assise sur les recettes réalisées sur la vente des boissons, à consommer sur place, par tout débitant de boissons a atteint à fin octobre 2019 la somme de 194 millions de dirhams, soit 97% de la recette prévisionnelle de l'année 2019 établie à 200 millions de dirhams. La neutralité active ! Cette taxe qui ne s'applique qu'aux débitants de boisson est loin de respecter la neutralité relative de l'impôt. En exonérant les autres opérateurs du réseau de distribution, cette taxe impacte les prix et les coûts de manière disproportionnée et crée un avantage concurrentiel au profit des grandes surfaces, petites supérettes et épiciers. Nous sommes donc en présence d'une taxe qui frappe la dépense au stade de la distribution. Seulement, elle s'attaque à un segment bien déterminé de ce dit stade de distribution. Cette taxe influence également le partage des revenus entre consommation et épargne entre ceux qui préfèrent le comptoir : vrai parlement du peuple, selon Honoré de Balzac, et ceux qui s'attablent en catimini. Heureusement, le marché des boissons alcoolisées est quasi-monopolistique, sinon les producteurs auraient tendance à zapper les débitants de boisson et préférer le canal de la grande distribution pour assurer une meilleure accessibilité à leurs produits en effet, le prix y est pour beaucoup dans la stimulation de la demande. Nous sommes donc devant une taxe qui nuit à la libre formation des prix et l'instauration d'une concurrence loyale. Cette discrimination conduit également les débitants de boissons à s'approvisionner dans le marché parallèle pour éviter la traçabilité de leurs chiffres d'affaires. Il en découle un effet d'entrainement négatif sur les autres impôts et taxes. Pour lever cette injustice, il est temps de penser à une taxe unique générale qui s'applique à tout le réseau de distribution qui n'influence pas les structures et optimise les recettes des collectivités locales.