Crédits bancaires, créances en souffrance, marge d'intérêt, ratios de solvabilité, risque de concentration, cyber-sécurité, le secteur bancaire marocain est parvenu à préserver sa rentabilité. Derrière, le régulateur veille au grain. Nous voilà rassurés sur ce secteur vital pour le pays : La banque ! Après le dernier Conseil de Bank Al-Maghrib, tenu le 17 décembre dernier, la 10ème réunion Comité de Coordination et de Surveillance des Risques Systémiques tenue aujourd'hui au siège de Bank Al-Maghrib confirme la légère reprise du crédit bancaire particulièrement au profit des sociétés privées, sous l'effet du raffermissement de l'activité non agricole. Examinant l'état d'avancement de la feuille de route inter-autorités de stabilité financière couvrant la période 2019-2021 et analysant la cartographie des risques systémiques pesant sur le système financier national, le comité note une stabilisation du taux des créances en souffrance des entreprises non financières autour de 10% et une augmentation de celui des ménages passant de 7,4% en 2018 à 7,9%. Parmi les principaux constats relevés par le comité à la lumière des données disponibles, est qu'en dépit du ralentissement de leur marge d'intérêt, les banques sont parvenues au titre du premier semestre 2019 à préserver leur rentabilité en lien notamment avec l'accroissement des résultats des activités de marché conjugué à une baisse du coût du risque. Au plan de la capitalisation, les fondamentaux étant demeurés solides, les banques continuent de dégager des ratios de solvabilité supérieurs aux minimas réglementaires. Un élément attire par ailleurs l'attention : celui du risque systémique au niveau du secteur bancaire. Ainsi, le comité assure que le risque de concentration sur les gros débiteurs auquel est exposé le secteur bancaire continue de faire l'objet d'un suivi particulier. Bien que la situation ne se soit jamais posée au Maroc mais rien n'a empêché le régulateur de tirer les enseignements qu'il faut de la crise financière mondiale dont l'un des faits les plus spectaculaires était l'effondrement du géant Lehman Brothers après 158 ans d'existence. En effet, l'un des principaux enseignements de cette crise est qu'il est très difficile de déterminer à l'avance les causes et la survenance d'une telle crise et surtout, que la dérégulation financière dans le monde est devenue un risque permanent qui plane sur les pays, même les plus disciplinés en matière de politique monétaire comme le Maroc. La banque centrale marocaine, avant même la survenance de cette crise et dans le cadre de la mise en œuvre du deuxième pilier de Bâle II, avait édicté, en 2007, une directive exigeant des banques de se doter de dispositif de gestion du risque de concentration, du risque de crédit à l'égard d'une même contrepartie ou d'un même groupe d'intérêt, ou sur un secteur d'activité ou zone géographique. BAM avait également édicté, en juillet 2008, les exigences minimales à respecter par les banques en matière de gestion du risque pays face à la tendance croissante de l'intervention des banques marocaines à l'étranger renforçant ainsi la réglementation prudentielle. Aussi, la faible intégration de notre système financier au marché mondial de capitaux était-elle notre planche de salut face à cette crise mondiale qui s'est déclenchée dans la sphère financière avant de se propager à l'économie réelle. L'antithèse du « too big to fail » « La dernière crise financière de 2008 a révélé la nécessité de prévenir, gérer et réguler les risques liés à la faillite des établissements financiers, réputés jusqu'alors « too big to fail » Partant de ces enseignements, l'identification des institutions financières revêtant une importance systémique et la mise en place d'un cadre de surveillance renforcée et de résolution de ces établissements, ont été parmi les principales réformes post-crises engagées. C'est ainsi que plusieurs pays ont réalisé d'importantes avancées en la matière principalement en ce qui concerne la mise en place d'un dispositif de résolution et de gestion de crises permettant de définir les pouvoirs, les instruments et les mécanismes de financement requis pour traiter d'une manière ordonnée et maîtrisée les éventuels cas de résolution », rappelle Abdellatif Jouahri à l'ouverture de la troisième édition du symposium régional de haut niveau sur la stabilité financière. En effet, au Maroc, la Banque centrale, à travers la loi bancaire 103-12, prévoit une batterie de mesures pour traiter les difficultés bancaires, et même les anticiper puisque les banques à risque systémique ou de taille significative sont obligées de produire des plans de redressement ex-ante. Ces plans décrivent, dans des cas hypothétiques de crise, les options que ces banques comptent mettre en œuvre pour rétablir leur situation de sorte à limiter l'impact sur le système financier et sans générer de coût supplémentaire pour l'Etat et le contribuable. Ces mesures concernent également les instruments juridiques à la disposition des autorités pour la restructuration des établissements de crédit que l'intervention d'un fonds collectif de garantie des dépôts au titre de l'indemnisation des déposants ou exceptionnellement au traitement des difficultés des établissements de crédit. Rappelons que le secteur pèse pour 86 établissements de crédit et organismes assimilés dont 19 banques conventionnelles et 6 banques participatives, 6.503 agences bancaires, 7.289 guichets automatiques bancaires. A l'étranger, le secteur bancaire marocain compte 45 filiales et 15 succursales disposant de près de 1.427 points de vente. Cette batterie est d'autant plus importante que sur le plan mondial on évoque la probabilité de survenance d'une nouvelle crise financière dans les cinq prochaines années, notamment la récente étude de Natixis IM, ce qui appelle à plus de vigilance. Mais cela va sans dire que ça n'échappe pas à l'œil vigilant de Bank Al-Maghrib. On ne badine plus avec la cybersécurité Par ailleurs, le comité souligne qu'une attention spécifique continue d'être accordée à la gestion des cyber-risques par les banques, dans un contexte de digitalisation accrue des services bancaires. En effet, bien que les novices puissent minimiser les conséquences des cyberattaques sur le secteur bancaire. Or les cyberattaques sont devenues un risque systémique bancaire. Et les banques ayant été prises pour cible de cyberattaques dans le monde ont essuyé de lourdes pertes financières. A telle enseigne que les gendarmes financiers estiment que les hackers pourraient constituer un danger aussi important pour la stabilité financière que les « subprimes » il y a 10 ans. Il faut dire qu'au Maroc, le sujet est pris très au sérieux. La direction de la supervision bancaire au sein de BAM, avait révélé dans son rapport 2018, que Bank Al-Maghrib s'est penchée sur la gestion par les banques du risque de cyber-attaques. « A ce titre, elle a examiné les rapports établis sur les tests d'intrusion menés par les institutions bancaires et conduit des missions de contrôle portant sur la sécurité des systèmes d'information et le plan de continuité d'activité. Les banques ont été appelées à étendre le périmètre de couverture de ces tests et à renforcer les capacités de leurs équipes dans ce domaine », souligne le rapport. Pour sa part, Abdellatif Jouahri, le Wali de Bank Al-Maghrib a assuré que « le pays s'achemine vers une stratégie de sécurité des systèmes d'information basée sur l'identification des risques pour prévoir des mesures spécifiques de protection, de défense et de sécurisation, sur les plans juridiques, techniques et de sensibilisation. Ce chantier est coordonné par l'Administration de la Défense Nationale et la banque centrale a également un rôle d'interface avec les acteurs financiers », lors de sa récente intervention dans une rencontre des banques centrales organisée à Madrid, le 13 de ce mois. Aussi, un diagnostic de la maturité des établissements financiers en matière de cybersécurité est en cours de préparation selon une démarche concertée entre les trois régulateurs.