L'économie informelle recèle un gisement annuel évalué à près de 40 Mds de DH. Son poids dans le PIB non agricole dépasse 20%. 2,99 millions d'emplois sont menacés par l'informel. Evaluer l'impact de l'informel sur la compétitivité des entreprises marocaines est l'objet d'une étude récente réalisée pour la CGEM par le cabinet Roland Berger. Ses rédacteurs ont proposé un certain nombre de recommandations en vue d'intégrer ce secteur, qui constitue un vrai manque à gagner, dans l'économie formelle. Les travaux réalisés dans le cadre de cette étude se sont appuyés sur les entretiens réalisés avec certains organismes et experts internationaux. L'enquête de terrain a ciblé plus de 100 acteurs de l'informel positionnés sur différents maillons de la chaîne de valeur et issus de différents secteurs (Commerce, textile, cuir, BTP...). De prime abord, il est important de souligner que le périmètre de l'économie informelle retenu englobe les activités productives exercées par des entreprises non constituées en sociétés, non enregistrées et réalisant une production marchande. Il regroupe également les activités productives qui génèrent des biens et des services interdits par la loi. Et enfin y figure l'économie souterraine, qui malgré son aspect légal, est délibérément soustraite au regard des pouvoirs publics (travail au noir, sous facturation...). La répartition du poids de l'économie informelle par secteur montre que le commerce et la réparation occupent le premier rang, soit 68%. Il est suivi par celui du textile et cuir (54%). Le transport routier de marchandises est en troisième position (32%). En matière d'emplois, il ressort que dans les autres secteurs (en dehors du Primaire), l'informel représente 41%. Dans l'emploi informel, la contrebande représente 2% et l'économie souterraine occupe 8%. Il découle également de l'étude que 2,99 millions d'emplois dans le formel sont menacés par l'informel. Un vrai manque à gagner pour l'économie marocaine De par son aspect illégal, l'économie informelle, et bien qu'elle recèle un gisement annuel estimé à près de 40 Mds de DH, crée un manque à gagner pour l'Etat dans la mesure où les impôts (IS, TVA, Droits de douane...) ne sont pas versés à l'Etat. Pour les entreprises marocaines, l'informel dans ses multiples formes exerce une pression négative sur les prix du marché voire même une perte de chiffre d'affaires pour les unités de production. Dans l'ensemble, cela se traduit par un manque de création de valeur pour l'économie dans son ensemble. En ce qui concerne les consommateurs, l'impact pourrait être positif sur le pouvoir d'achat. Néanmoins des risques importants pourraient être engendrés à cause notamment des règles d'hygiène non respectées, de la contrefaçon... Pour les employés, nul n'est censé ignorer qu'ils travaillent dans la précarité et en l'absence d'avantages sociaux (retraite, sécurité sociale,...). D'après les résultats de l'étude, le manque à gagner fiscal est estimé à 34 Mds de DH, soit 16% des recettes ordinaires du Trésor. Le non-paiement des impôts et charges contribue à la création de leviers de rentabilité supérieurs pour les acteurs informels engendrant un gap de compétitivité important. A titre d'exemple, l'écart de compétitivité peut aller jusqu'à 7 points du prix de vente engendré par la non déclaration des employés. Les principales recommandations La comparaison avec d'autres pays confrontés aux enjeux de l'informel met en évidence des mesures phares dont l'impact en termes de baisse du poids de l'informel est important. Dans un pays comme la Turquie, la baisse a été de l'ordre de 20% sur une dizaine d'années. Ce benchmark avec ces pays ayant adopté des stratégies réussies d'intégration de l'informel aboutit à un plan d'action qui s'articule autour de 4 chantiers prioritaires et deux leviers transverses. Parmi les mesures préconisées par les auteurs de l'étude, nous pouvons citer la réduction du gap de compétitivité fiscal entre le formel et l'informel à travers l'allégement de l'imposition sur le travail et les outils de production. La lutte contre les leviers de l'économie souterraine passe par l'intégration de l'ensemble des fédérations dans le processus de détection des fraudes. Par ailleurs, il est recommandé de développer un cadre réglementaire et incitatif pour les unités de production informelles et d'accompagner leur basculement vers le formel à travers un appui à l'accès au marché et le renforcement de leurs capacités. Aussi est-il important de sensibiliser les consommateurs aux méfaits de l'économie informelle, de promouvoir l'emploi formel et ses avantages.