L'inflation a atteint 5,9% en avril, son niveau le plus élevé depuis octobre 1995. L'essentiel de cette accélération est attribuable à celle de sa composante sous-jacente qui a atteint 5,5% au lieu de 4,4% au premier trimestre 2022, au rythme plus rapide d'accroissement des prix des carburants et lubrifiants et, dans une moindre mesure, à l'envolée des prix des produits alimentaires à prix volatils. Au deuxième trimestre 2022, l'inflation devrait poursuivre sa montée pour s'établir à 5,7%. Entourée de fortes incertitudes liées notamment à l'évolution du conflit Russo-Ukrainien, cette tendance serait portée par l'accélération prévue de l'inflation sous-jacente à 5,6% qui traduirait le renchérissement attendu des cours des produits alimentaires et la poursuite de l'envolée de l'inflation chez les principaux partenaires commerciaux du Maroc. Le rapport de BAM sur la politique monétaire explique que cette hausse serait soutenue également par une contribution plus importante des prix des carburants et lubrifiants en lien avec l'orientation à la hausse des cours des produits pétroliers. L'inflation s'est sensiblement accélérée en avril, atteignant 5,9%, soit le niveau le plus élevé depuis octobre 1995, et ce après une moyenne de 4% au cours du premier trimestre de l'année. Outre la contribution plus importante du renchérissement des carburants et lubrifiants, cette évolution des prix à la consommation a été accentuée par la nette hausse de l'inflation sous-jacente qui est passée de 4,4% à 5,5%, portée exclusivement par la flambée des prix de sa composante échangeable, en particulier alimentaire. Elle a été exacerbée également par l'envolée des prix des produits alimentaires à prix volatils suite à des chocs d'offre mais aussi de demande au cours de la période entourant le mois de Ramadan. En revanche, les tarifs réglementés ont reculé de 0,2% reflétant principalement les baisses antérieures de ceux du transport routier de passagers. Prix des produits exclus de l'inflation sous-jacente Pâtissant des pressions émanant d'une demande accrue au cours du mois de Ramadan, du repli de la production de certains fruits et légumes en raison entre autres du déficit pluviométrique et des baisses des températures nocturnes1 ainsi que de l'accroissement des coûts de production2 , les prix des produits alimentaires à prix volatils ont enregistré une augmentation mensuelle de 6% en avril, tirée par le renchérissement de 22,8% des « fruits frais », de 10,3% des « poissons frais » et de 3,5% des « légumes frais ». En glissement annuel, ces prix ressortent en hausse de 9,6% au lieu de 5,7% en moyenne au cours du trimestre précédent. Par conséquent, ils continuent de contribuer positivement à l'inflation, à hauteur de 1,2 point de pourcentage en avril contre 0,7 point en moyenne au cours des trois premiers mois de l'année. S'agissant des tarifs réglementés, ils sont restés invariants d'un mois à l'autre en avril, la révision à la baisse de 0,3% des prix des « produits pharmaceutiques» ayant compensé le relèvement des tarifs des « services médicaux » et de ceux de la « collecte des ordures ménagères ». Comparativement à leur niveau au même mois de 2021, les tarifs réglementés se sont repliés de 0,2% en avril sous l'effet principalement du recul cumulé de 4,2% des tarifs du « transport routier de passagers » au cours des mois de février et mars derniers. Au total, la contribution des tarifs réglementés reste insignifiante en avril au même titre qu'au premier trimestre de 2022. Pour leur part, les prix des carburants et lubrifiants ont enregistré un bond mensuel de 13,2% en avril, le plus important depuis leur libéralisation totale, et ce en dépit de la diminution de 8,5% des cours du Brent durant le même mois. Ce renchérissement des prix à la pompe serait lié en partie à l'envolée de la marge brute de raffinage3 au niveau international et du fret maritime et, dans une moindre mesure, à la dépréciation de 0,9% de la monnaie nationale contre le dollar américain entre mars et avril 2022. En glissement annuel, les prix des carburants et lubrifiants ressortent en rebond de près de 47% au lieu de 23% en moyenne durant le premier trimestre de l'année, contribuant ainsi à l'inflation à hauteur de 1,2 point de pourcentage en avril au lieu de 0,6 point au premier trimestre. Inflation sous-jacente Inscrite sur une trajectoire ascendante depuis fin 2020, l'inflation sous-jacente s'est sensiblement accélérée passant de 4,4% en moyenne au cours des trois premiers mois de l'année 2022 à 5,5% en avril. Son évolution reflète essentiellement l'accentuation du rythme de progression de sa composante alimentaire de 7,2% à 9,9%, dans un contexte marqué par la poursuite du renchérissement des denrées alimentaires au niveau international. En particulier, les prix se sont accrus de 15,4% au lieu de 12,2% pour les « produits à base de céréales », de 30,9% au lieu de 19,9% pour les « céréales non transformées » et de 20,4% contre 15% pour les « huiles », contribuant ensemble pour 1,9 point de pourcentage, ou près de 69%, à l'accroissement des prix des produits alimentaires inclus dans l'inflation sous-jacente entre le premier trimestre et avril. Hors produits alimentaires, les prix se sont accrus de 4,7% après 3,4% pour la rubrique « articles d'habillement et chaussures » et de 3,4% au lieu de 3% pour « meubles, articles de ménage et entretien courant du foyer ». La décomposition en biens échangeables et non échangeables indique que l'accélération de la tendance fondamentale de l'inflation reflète exclusivement celle de 6% au premier trimestre à 7,9% des prix des biens échangeables, elle-même liée à la hausse de l'inflation importée, avec en particulier une accentuation de 6,1% à 7,5% de l'inflation dans la zone euro, principal partenaire commercial du Maroc. En revanche, le rythme de progression des prix des produits non échangeables est resté quasi-stable à 2,5% au lieu de 2,4%, attestant du niveau modéré des tensions inflationnistes d'origine interne Perspectives à court terme de l'inflation Dans un contexte marqué par une poursuite de la montée des pressions inflationnistes d'origine externe, l'inflation devrait nettement s'accélérer pour atteindre 5,7% au deuxième trimestre 2022 au lieu de 4% un trimestre auparavant. Son évolution serait attribuable en majeure partie à celle de sa composante sous-jacente qui devrait ressortir à 5,6% au lieu de 4,4%, traduisant l'augmentation des prix des denrées alimentaires qui y sont inclus en lien avec l'évolution prévue de leurs cours internationaux, en particulier ceux du blé pour lesquels les tensions se sont accentuées après la décision de l'Inde de suspendre ses exportations du blé à partir de mi-mai 2022. En effet, l'indice FAO des prix des produits alimentaires devrait connaitre une hausse trimestrielle de 16,9% au deuxième trimestre 2022. De même, les prix des carburants et lubrifiants connaîtraient un rebond de 49% après 23% un trimestre auparavant, en lien avec la poursuite prévue de la flambée des cours internationaux du Brent. Pour leur part, et tenant compte des données journalières des prix au niveau du marché de gros, les prix des produits alimentaires à prix volatils devraient s'accroitre de 7,5% au lieu de 5,7%, portés par la persistance observée des prix de certaines catégories de produits à des niveaux relativement élevés. A l'opposé, la révision à la baisse des tarifs de certains produits pharmaceutiques, décidée par les autorités à partir du 21 avril 2022, devrait entraîner un recul en glissement annuel de 0,1% des tarifs réglementés.