Selon la dernière note d'information de la Banque mondiale, les remises migratoires vers les pays à revenu faible et intermédiaire devraient augmenter de 4,2 % ( 6% dans la région MENA après 7,6%) et s'élever à 630 milliards de dollars en 2022, avec des flux record vers l'Ukraine. Les envois de fonds officiellement enregistrés vers les pays à revenu faible et intermédiaire devraient augmenter de 4,2 % et s'élever à 630 milliards de dollars cette année. Cette hausse fait suite à une reprise presque record de 8,6 % en 2021, selon la dernière note d'information de la Banque mondiale sur les migrations et le développement publiée ce 11 mai. On s'attend en 2022 à un boom de plus de 20 % des envois de fonds vers l'Ukraine, principal pays bénéficiaire des remises migratoires en Europe et Asie centrale. Toutefois, les transferts d'argent des migrants vers de nombreux pays d'Asie centrale, dont la principale source est la Russie, vont probablement chuter de manière spectaculaire. Ces baisses, combinées à la hausse des prix des denrées alimentaires, des engrais et du pétrole, sont susceptibles d'accroître les risques d'insécurité alimentaire et d'exacerber la pauvreté dans bon nombre de ces pays. « L'invasion de l'Ukraine par la Russie a déclenché des crises à grande échelle sur le plan humanitaire et migratoire, avec l'afflux de réfugiés notamment, et elle engendre des risques supplémentaires pour une économie mondiale qui doit encore faire face à l'impact de la pandémie de COVID-19, souligne Michal Rutkowski, directeur mondial du pôle Protection sociale et emploi de la Banque mondiale. Renforcer les programmes de protection sociale pour protéger les plus vulnérables, notamment les Ukrainiens et les familles d'Asie centrale, ainsi que les personnes touchées par l'impact économique de la guerre, constitue une priorité essentielle afin de prémunir les populations contre la menace de l'insécurité alimentaire et de la montée de la pauvreté. » En 2021, les remises migratoires ont considérablement augmenté en Amérique latine et Caraïbes (25,3 %), en Afrique subsaharienne (14,1 %), en Europe et Asie centrale (7,87 %), au Moyen-Orient et Afrique du Nord (7,6 %) et en Asie du Sud (6,9 %). En Asie de l'Est et Pacifique, les envois de fonds ont en revanche diminué de 3,3 %, mais si l'on exclut la Chine, la région enregistre une hausse de 2,5 %. À l'exclusion de la Chine, les remises migratoires représentent la plus grande source de financement extérieur pour les pays à revenu faible et intermédiaire depuis 2015. Les cinq principaux pays bénéficiaires des envois de fonds en 2021 étaient l'Inde, le Mexique (qui a supplanté la Chine), la Chine, les Philippines et l'Egypte. Parmi les pays où le volume des remises migratoires en pourcentage du PIB est très élevé figurent le Liban (54 %), les Tonga (44 %), le Tadjikistan (34 %), la République kirghize (33 %) et le Samoa (32 %). « D'une part, la crise ukrainienne a détourné l'attention politique mondiale d'autres régions en développement et des questions de migration économique. D'autre part, elle a renforcé les arguments en faveur du soutien aux populations d'accueil qui connaissent un afflux massif de migrants, affirme Dilip Ratha, auteur principal de la note et directeur du Partenariat mondial pour le savoir sur le développement et les migrations (KNOMAD). Alors que la communauté internationale se prépare à se réunir au Forum d'examen des migrations internationales, la création d'un mécanisme de financement concessionnel pour les migrations destiné à soutenir les communautés de destination devrait être sérieusement envisagée. Ce mécanisme pourrait également fournir un appui financier aux communautés d'origine qui connaissent une migration de retour liée à la crise de la COVID-19. » Selon la base de données de la Banque mondiale sur les coûts des transferts d'argent dans le monde, le tarif moyen pour l'envoi de 200 dollars était de 6 % au quatrième trimestre de 2021, soit le double de la cible fixée par les Objectifs de développement durable (ODD), à savoir 3 %. C'est vers l'Asie du Sud qu'il est le moins coûteux d'envoyer de l'argent (4,3 %) et vers l'Afrique subsaharienne que les frais sont au contraire les plus onéreux (plus de 7,8 %). Les frais d'envoi d'argent en Ukraine sont élevés (7,1 % depuis la République tchèque, 6,5 % depuis l'Allemagne, 5,9 % depuis la Pologne et 5,2 % depuis les Etats-Unis). La bonne volonté mondiale à l'égard des réfugiés et des migrants d'Ukraine offre l'occasion d'élaborer et d'expérimenter des programmes visant à faciliter leur accès aux emplois et aux services sociaux dans les pays d'accueil. Elle peut aussi favoriser la simplification des procédures de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme pour les petites transactions de transfert de fonds, ce qui contribuerait à la réduction des coûts de transfert et aiderait à mobiliser des financements via les obligations de la diaspora. La guerre en Ukraine affecte également les systèmes de paiement internationaux, ce qui a des répercussions sur les flux de transferts de fonds transfrontaliers. L'exclusion de la Russie du système SWIFT a ajouté une dimension de sécurité nationale à la participation aux systèmes de paiement internationaux. « La réduction des frais de transfert d'argent de 2 points de pourcentage se traduirait potentiellement par des économies annuelles de 12 milliards de dollars pour les migrants internationaux des pays à revenu faible et intermédiaire, et de 400 millions de dollars pour les seuls migrants et réfugiés d'Ukraine, ajoute Dilip Ratha. Les systèmes de paiement transfrontaliers risquent toutefois de devenir multipolaires et moins interopérables, ce qui ralentira les progrès en matière de réduction des frais d'envoi de fonds. » La Banque mondiale lance le Groupe de travail international pour l'amélioration des données sur les envois de fonds La pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine ont accentué la nécessité de disposer de données fréquentes et actualisées. En avril, la Banque mondiale a lancé un Groupe de travail international pour l'amélioration des données sur les envois de fond, avec le soutien du KNOMAD et en collaboration avec les pays où les remises migratoires constituent une planche de salut financière vitale. Disposer de meilleures données sur ces flux peut directement soutenir les indicateurs de l'ODD portant sur la réduction des coûts des envois de fonds et contribuer à une augmentation du volume des transferts d'argent. Cela permettra également d'appuyer le premier objectif du Pacte mondial sur les migrations, à savoir l'amélioration des données. Tendances régionales Les remises migratoires à destination de la région Asie de l'Est-Pacifique ont reculé de 3,3 %, après une baisse de 7,3 % en 2020. Les flux ont atteint 133 milliards de dollars en 2021, soit un niveau proche de celui de 2017. Si l'on exclut la Chine, les envois de fonds vers la région ont progressé de 2,5 % en 2021. Les transferts d'argent vers les Philippines ont bénéficié de la création d'emplois et de la hausse des salaires aux Etats-Unis, où vivent un grand nombre d'émigrés philippins. Parmi les pays où les volumes de remises migratoires constituent un pourcentage élevé du PIB figurent les Tonga, le Samoa, les îles Marshall, les Philippines et les Fidji. Selon les prévisions, ces volumes devraient progresser de 3,8 % en 2022, si l'on exclut la Chine. Le tarif moyen pour l'envoi de 200 dollars vers la région a baissé au quatrième trimestre 2021, à 5,9 %, contre 6,96 % un an auparavant. Les envois de fonds vers l'Europe-Asie centrale ont grimpé de 7,8 % en 2021, atteignant un nouveau record de 74 milliards de dollars. Cette croissance est due en grande partie au renforcement de l'activité économique dans l'Union européenne et au rebond des prix de l'énergie. En 2021, l'Ukraine a reçu 18,2 milliards de dollars de remises migratoires, grâce aux envois en provenance de Pologne, le plus grand pays de destination des travailleurs migrants ukrainiens. Les transferts personnels, dont la Russie est la principale source, constituent une source vitale de financement et de croissance pour les pays d'Asie centrale. Les remises migratoires au Tadjikistan et en République kirghize s'élevaient respectivement à 34 % et 33 % du PIB en 2021. Les projections à court terme concernant les envois de fonds vers la région, qui devraient baisser de 1,6% en 2022, sont très incertaines, car elles dépendent de l'ampleur de la guerre en Ukraine et des sanctions imposées aux paiements sortants de la Russie. En revanche, une augmentation de 20 % des remises migratoires vers l'Ukraine est attendue en 2022. Le tarif moyen pour l'envoi de 200 dollars vers la région a baissé au quatrième trimestre 2021, à 6,1 %, contre 6,4 % un an auparavant. Les envois de fonds vers l'Amérique latine-Caraïbes ont bondi à 131 milliards de dollars en 2021, soit une hausse de 25,3 % par rapport à 2020, en raison de la forte reprise de l'emploi aux Etats-Unis pour les travailleurs nés à l'étranger. Les pays enregistrant des taux de croissance à deux chiffres sont le Guatemala (35 %), l'Equateur (31 %), le Honduras (29 %), le Mexique (25 %), El Salvador (26 %), la République dominicaine (26 %), la Colombie (24 %), Haïti (21 %) et le Nicaragua (16 %). Les flux enregistrés vers le Mexique comprennent les fonds reçus par les migrants en transit du Honduras, d'El Salvador, du Guatemala, d'Haïti, du Venezuela, de Cuba et d'autres pays. Les envois de fonds sont une importante source de devises fortes pour plusieurs pays dans lesquels ces flux représentent au moins 20 % du PIB, notamment El Salvador, le Honduras, la Jamaïque et Haïti. En 2022, les remises migratoires devraient progresser de 9,1 %, mais des risques de baisse subsistent. Le tarif moyen pour l'envoi de 200 dollars vers la région est resté pratiquement inchangé à 5,6 % au quatrième trimestre 2021 par rapport à l'année précédente. Les envois de fonds vers les pays en développement de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) ont augmenté de 7,6 % en 2021 pour atteindre 61 milliards de dollars, sous l'effet de fortes hausses vers le Maroc (40 %) et l'Egypte (6,4 %). Une progression qui s'explique par la croissance économique enregistrée dans les pays d'accueil de l'Union européenne, ainsi que par les migrations de transit, qui ont contribué à une hausse des envois vers des pays d'accueil temporaire comme l'Egypte, le Maroc et la Tunisie. En 2022, on s'attend à un ralentissement de la croissance des remises migratoires vers la région, qui devrait s'établir à 6 %. Pour les pays en développement de la région MENA, les envois de fonds des migrants constituent depuis longtemps la principale source de ressources extérieures (61 % en 2021), devant l'aide publique au développement, l'investissement direct étranger (IDE) et les flux de placement et d'endettement. Le coût d'envoi de 200 dollars vers la région a diminué au quatrième trimestre 2021, à 6,4 %, contre 6,6 % un an auparavant. En 2021, les remises migratoires vers l'Asie du Sud ont enregistré une croissance de 6,9 % pour se situer à 157 milliards de dollars. Bien qu'un grand nombre de migrants d'Asie du Sud soient retournés dans leur pays d'origine lorsque la pandémie s'est déclarée au début de l'année 2020, la disponibilité des vaccins et l'ouverture des pays du Conseil de coopération du Golfe ont permis un retour progressif dans les pays d'accueil en 2021, favorisant des flux de transferts de fonds plus importants. L'amélioration des performances économiques aux Etats-Unis a également contribué de manière importante à la croissance en 2021. Les envois de fonds vers l'Inde et le Pakistan ont progressé de 8 % et de 20 %, respectivement. En 2022, la croissance des transferts d'argent devrait ralentir à 4,4 %. Les remises migratoires constituent la principale source de devises pour la région et leur montant était plus de trois fois supérieur à l'IDE en 2021. L'Asie du Sud affiche le plus faible coût moyen des transferts de fonds dans le monde, à 4,3 %, ce chiffre restant néanmoins supérieur à la cible de 3 % fixée par les ODD. Les remises migratoires vers l'Afrique subsaharienne ont augmenté de 14,1 % pour atteindre 49 milliards de dollars en 2021, après une baisse de 8,1 % l'année précédente. La croissance des envois de fonds a bénéficié de la forte activité économique en Europe et aux Etats-Unis. Les transferts enregistrés vers le Nigéria, le plus grand pays bénéficiaire de la région, ont augmenté de 11,2 %, en partie grâce aux politiques visant à canaliser les envois par le biais du système bancaire. Les pays enregistrant des taux de croissance à deux chiffres sont Cabo Verde (23,3 %), la Gambie (31 %) et le Kenya (20,1 %). Les pays où le volume des remises migratoires en pourcentage du PIB est conséquent sont la Gambie (27 %), le Lesotho (23 %), les Comores (19 %) et Cabo Verde (16 %). En 2022, les remises migratoires devraient augmenter de 7,1 %, à la faveur de la poursuite du recours aux canaux officiels au Nigéria et de la hausse des prix des denrées alimentaires — les migrants enverront probablement plus d'argent aux pays d'origine qui subissent actuellement des augmentations extraordinaires des prix des denrées de base. Le coût d'envoi de 200 dollars vers la région s'élevait en moyenne à 7,8 % au quatrième trimestre 2021, soit une légère baisse par rapport aux 8,2 % enregistrés il y a un an.