La réforme globale et rapide des régimes de retraite au Maroc est une condition sine qua none de la réussite du chantier d'élargissement de la couverture sociale. Un chantier qui prévoit d'intégrer à l'horizon 2025, environ 5 millions de personnes qui exercent un emploi et ne bénéficient d'aucune pension. Voici les recommandations du CESE pour accélérer la réforme. Pour le CESE, la mise en place d'un système national de retraite solidaire, efficace, pérenne et capable de répondre aux attentes et de garantir les droits des générations actuelles et futures d'actifs et de retraités, nécessite à la fois la formalisation et l'accélération du processus de consolidation des équilibres et de mise en convergence du financement, des prestations du cadre réglementaire et de la gouvernance des régimes de retraite existants. L'objectif stratégique est d'assurer, en conformité avec les Hautes Orientations Royales relatives à la création d'un système universel de protection sociale, la transition vers deux pôles, public et privé en tant que prélude à l'instauration d'un régime national de retraite unifié contribuant aussi bien à la sécurité du revenu des personnes âgées qu'au développement d'une épargne nationale à impact positif et durable sur la croissance économique et le développement humain. En 2022, le chantier de la réforme du système de la protection sociale au Maroc entame sa 2ème année avec une priorité donnée aux mesures liées à la généralisation de l'assurance maladie obligatoire pour inclure les catégories sociales qui en sont encore dépourvues (22 millions citoyens). Par ailleurs, l'élargissement de la base des adhérents aux régimes de retraite se trouve au cœur de l'offre intégrée stipulée par la loi-cadre n° 09-21 relative à la protection sociale. Celle-ci ayant porté également sur la couverture des risques liés à la vieillesse, en se fixant pour objectif d'intégrer, à l'horizon 2025, environ 5 millions de personnes qui exercent un emploi et ne bénéficient d'aucune pension. Pour atteindre cet objectif ambitieux, il convient de prendre une série de mesures préparatoires préalables qui demeurent indispensables pour réussir la réforme globale escomptée des régimes de retraite au Maroc. Proposées par le CESE dans son avis sur la réforme paramétrique du régime des pensions civiles ainsi que dans son rapport sur la protection sociale au Maroc, ces mesures peuvent être engagées dès maintenant. Elles visent principalement à mettre en place un système de retraite équitable, équilibré, pérenne et résilient, qui soit en mesure de capitaliser sur les acquis et préserver les droits et intérêts des générations futures. Au niveau de la réforme structurelle et globale du système de la retraite * Précéder en concertation avec les partenaires socioéconomiques et les autres acteurs concernés, à l'élaboration en urgence d'un échéancier précis et engageant pour les différentes parties, relatif à la mise en œuvre des étapes majeures de la réforme globale du système de retraite au Maroc ; * Mettre à jour et parachever, en urgence, les études actuarielles et les réformes paramétriques visant à assurer la pérennité des régimes, en vue de faciliter la mise en place d'un système autour de deux pôles : public (CMR/RCAR…) et privé (CNSS/CMIR…) ; * Promulguer les textes juridiques et réglementaires nécessaires pour assurer la convergence des régimes de retraite ; * Procéder, dans une étape ultérieure, et selon le calendrier défini dans le cadre de la réforme globale, à l'instauration d'un régime national de retraite unifié, basé sur trois piliers : – Un régime obligatoire de base, géré en répartition, réunissant les actifs des secteurs public et privé et les non-salariés, unifiés sous un plafond de cotisation déterminé comme multiple du salaire minimum ; – Un régime complémentaire obligatoire contributif pour les revenus supérieurs au plafond. Le CESE recommande, à ce titre, d'examiner la possibilité de transformer la CIMR en organisme complémentaire de la CNSS avec cotisation à partir du plafond de la CNSS ; – Un régime individuel facultatif en capitalisation qui relèverait de l'assurance privée, à titre individuel ou collectif. * Instaurer un « revenu minimum vieillesse » qui ne soit pas inférieur au seuil de pauvreté au bénéfice des personnes qui ne bénéficieront pas de pension de retraite dans le cadre de la réforme globale des régimes de retraite et du système de protection sociale en général. Sur le plan de la gouvernance * Prévoir, par la force de la loi, des dispositifs de gouvernance et de pilotage efficace des régimes de retraite pour assurer leur pérennité et leur adéquation au vu des évolutions financières, économiques sociales et démographiques. Ces dispositifs de pilotage et de gouvernance devront être conçus de manière à répondre aux exigences suivantes : – Assurer un niveau de pilotage global de tous les régimes de retraite sur la base d'un référentiel prudentiel, afin de faciliter le pilotage systémique et garantir une veille permanente ; – Adopter une approche proactive de pilotage des risques (systémiques, financiers et institutionnels) pour tenir compte des différentes évolutions démographiques, financières et sociales, et prévenir ainsi les risques de déséquilibres financiers et/ou d'aggravation des dettes implicites des régimes ; – Introduire l'obligation de suivi et de projections fiables et viables à long et très long terme (des durées allant au-delà de 40 ans) ; – Permettre une évaluation continue de la performance des outils de pilotage et de gestion des risques mis en place en vue de les actualiser et d'en améliorer l'efficacité. * Instaurer les principes de gouvernance participative et de transparence basée sur une séparation claire des prérogatives d'orientation stratégique et de pilotage de celles de gestion, tout en assurant la représentativité effective et légitime des représentants des acteurs socio-économiques dans les organes d'orientation et de pilotage des régimes et de définition et d'évaluation des politiques de placement de leurs réserves financières. Sur le plan du financement * Prendre en considération, dans la mise en œuvre de la réforme globale, les capacités de financement des employeurs (enjeux de compétitivité) et la capacité de contribution des affiliés (enjeux de préservation du pouvoir d'achat) ; * Revoir la politique de placement des fonds de réserves dans le cadre d'une approche unifiée en termes de finalités, d'impacts, de gestion ou de contrôles, favorisant en particulier l'investissement de long terme respectant les règles prudentielles et ciblant des secteurs et des activités qui contribuent à la création d'emplois, au mieux être social et à la protection de l'environnement. * Consacrer deux à quatre (2 à 4) points de la TVA au financement de la protection sociale, y compris les régimes de retraite.