Ecrit par Lamiae Boumahrou | Malgré un développement remarquable ces dernières années, le secteur pharmaceutique marocain pâtit de plusieurs freins à même de ralentir son essor. Parmi eux, la non application de la préférence nationale alors qu'elle pourrait économiser au système de la santé 3,5 Mds de DH. La pandémie de la Covid qui sévit dans le monde depuis plus de 2 ans a mis en évidence l'importance de la souveraineté sanitaire. Le Maroc, à l'instar du reste du monde, a été confronté durant cette période à plusieurs contraintes liées aux pénuries de médicament mais aussi aux défis relatifs à l'acquisition de vaccins. Et pour cause, le Maroc reste dépendant de l'étranger en matière d'approvisionnement en médicaments. Pis encore, la consommation des produits fabriqués localement ne cesse de baisser passant de 75% dans les années 90 à 50% en 2018 au profit des importations. Une tendance qui s'est accentuée durant cette période de pandémie comme l'ont soulevé les professionnels du secteur lors d'une conférence organisée par la CGEM en partenariat avec la Fédération Marocaine de l'Industrie et de l'Innovation Pharmaceutiques (FMIIP) sous le thème « Plus de valeur ajoutée pour une souveraineté sanitaire nationale et continentale ». Et pourtant, l'industrie pharmaceutique marocaine a connu un développement remarquable ces dernières années ce qui lui a permis d'occuper la 2ème place au niveau continental. Un développement qui malheureusement se heurte à plusieurs freins qui entravent l'émergence du secteur. Parmi les principaux obstacles soulevés par les opérateurs, la préférence nationale qui n'est pas appliquée comme il se doit dans le secteur pharmaceutique. « Le secteur aspire à doubler le chiffre d'affaires à l'horizon 2026 passant de 16 Mds de DH (1,5% du PIB national) à 35 Mds de DH. Mais pour cela, il faut impérativement appliquer la préférence nationale dans les appels d'offres publics », a précisé Lamia Tazi, vice-présidente de la FMIIP et PDG de Sothema. Elle a rappelé que l'activation de la préférence nationale conjuguée à l'accélération de la pénétration du générique (qui représente seulement 39% de la consommation nationale), permettrait à l'industrie pharmaceutique marocaine de renverser cette tendance. Surtout que les 40 laboratoires pharmaceutiques marocains disposent de 50% de capacité de production inexploitée. Même son de cloche du côté du président de la FMIIP, Mohamed El Bouhmadi, qui a affirmé que bien que la préférence nationale soit inscrite comme priorité pour encourager la fabrication locale, sur le terrain cette priorité n'est pas déclinée dans le secteur pharmaceutique. « Nous avons besoin d'un accompagnement sur le plan réglementaire pour encourager et soutenir réellement la production locale comme c'est le cas dans d'autres pays. Nous demandons à ce que la préférence nationale soit appliquée pour les produits fabriqués localement au niveau des appels d'offres publics », a-t-il précisé. Cette préférence nationale permettra à la fois de limiter la montée en puissance des importations, non pas sans conséquence sur la balance commerciale dont le déficit ne fait que se creuser, et d'inverser la tendance baissière de la consommation de produits fabriqués au niveau national . Chiffre à l'appui, en appliquant la préférence nationale aux génériques fabriqués localement, le système de santé marocain économiserait 3,5 Mds de DH. Ce qui n'est pas négligeable avec la mise en œuvre du chantier de la généralisation de la couverture sanitaire. Ce chantier implique une augmentation de la consommation du médicament et par conséquent une aubaine pour le secteur pharmaceutique marocain. Les opérateurs se disent optimistes et comptent aller jusqu'au bout de leurs doléances pour faire du Maroc un hub régional de l'industrie pharmaceutique. Les ingrédients ne sont pas encore réunis mais les laboratoires pharmaceutiques espèrent rattraper le retard et rendre le médicament fabriqué au Maroc plus compétitif aussi bien à l'échelle nationale qu'à l'export. A noter que le Maroc n'exporte que 10% de sa production, soit environ 1 Md de DH ce qui est très en dessous de son potentiel, a déploré Mia Lahlou Filali, DG du groupe Pharma 5, en affirmant qu'avec la capacité dont dispose le secteur pharmaceutique le Maroc pourrai multiplier par 10 le chiffre d'affaires à l'export.