Cinq ans, cinq priorités. Assurément, Mohamed Boussaid, ministre du Tourisme, aura un agenda fort chargé. Il a en tout cas formulé plusieurs engagements pour la période 2008-2012. Pour sa première sortie médiatique, Mohamed Boussaid, contrairement à son prédécesseur, Adil Douiri, a préféré recevoir la presse au sein même de son département. Pour cette rencontre, le nouveau ministre du Tourisme ne semble rien laisser au hasard. Boussaid a en effet délibérément choisi de faire coïncider l'évènement avec les «100 jours» du nouveau gouvernement. «Je veux ainsi vous faire participer à l'ouverture d'horizons prometteurs pour le secteur du tourisme, et à exposer ce qui peut être considéré comme priorités pour les cinq années à venir. Le gouvernement s'attellera à terminer les chantiers ouverts de la vision 2010 et à élaborer la vision 2020 avec la même volonté, la même approche de partenariat et le même esprit qui a prévalu au début de la décennie», dit-il. Avec le programme stratégique du tourisme et la conjoncture favorable qui ont permis une nouvelle fois le tourisme marocain de battre tous ses records, le ministre du Tourisme, ne pouvait trouver mieux que le bilan de l'activité touristique 2007 comme entrée en matière. En effet, le nombre de touristes ayant visité le Royaume à la fin de 2007 a atteint 7,45 millions de visiteurs, soit une évolution de +13 % par rapport à 2006. «C'est une très belle performance comparée à la moyenne mondiale qui se situe autour de 5%» , tient-il à rappeler. Même si le volume des nuitées au courant de l'année dernière s'est ralenti, il a également enregistré une hausse de +3% par rapport à 2006, soit 16,9 millions de nuitées. L'autre indicateur, notamment les recettes touristiques, a même dépassé les estimations. Le tourisme a rapporté 59 milliards de DH au pays (+12% par rapport à 2006) presque 4 milliards de DH de plus que les transferts des MRE (Marocains Résidents à l'Etranger) et loin devant les phosphates qui contribue pour 21 milliards de DH. Normal alors que Boussaid dit s'inscrire dans une logique de continuité et de capitaliser sur les acquis des dernières années sans toutefois signaler sa volonté d'accélérer la cadence. Pour cela, l'ex-ministre chargé de la Modernisation des secteurs publics se fixe cinq priorités pour la période 2008-2012. L'achèvement des chantiers avancés de la vision 2010 en termes de produit, promotion/marketing et l'aérien se trouve au cœur de ce plan d'action. «L'ensemble des six stations balnéaires du Plan Azur prévues dans l'accord-cadre ont été concédées. Elles devront permettre la création d'une capacité additionnelle de 111.000 lits, dont 70.000 lits hôteliers. A l'exception de Plage Blanche, concédée à Fadesa et dont les travaux vont démarrer en septembre prochain, toutes les autres le sont déjà. Les premières capacités ouvriront à Saidia en mai ou juin prochains», précise le ministre. Certaines échéances repoussées Seulement, à y regarder de près, hormis Saidia, les premiers hôtels des autres stations ne seront opérationnels au mieux qu'en 2010 si l'on sait que les échéances fixées par les aménageurs développeurs des stations ne cessent d'être repoussées. C'est à se demander s'il n'y a pas lieu de recalibrer les objectifs de la vision 2010 en termes de capacité hôtelière. A la question de Challenge Hebdo, dans ce sens, le ministre du Tourisme, a reconnu que les retards dans les différentes stations s'étalent entre un et deux ans. Ce retard pour les arrivées de nouvelles capacités prévues dans le cadre du Plan Azur ne risque-t-il pas de compromettre l'objectif des 10 millions de touristes en 2010 ? «Nous veillerons à ce que les retards ne s'allongent pas. Seulement, il ne faut perdre de vue que nous avons affaire à des investissements colossaux et que les aménageurs développeurs réaménagent souvent leurs plans initiaux pour s'adapter», dit-il. Rappelons que l'objectif du chantier produit dans la Vision 2010 est de tripler la capacité d'hébergement commercialisable. Cette augmentation devrait s'accompagner d'un rééquilibrage de l'offre marocaine vers le produit le plus demandé à l'échelle mondiale, à savoir l'hébergement en bord de mer. C'est dans cette optique d'ailleurs que le Plan Azur a fait des «petits». Dénommé «Azur Extension», ce nouveau programme a permis l'identification de nouvelles zones qui ont déjà fait l'objet d'appels d'offres pour leur concession à des aménageurs développeurs. Ainsi, à la fin de 2007, deux nouvelles stations d'Azur Extension ont été concédées. Il s'agit des stations de Oued Chbika (Tan-Tan), et Smir & Laguna Smir (Tétouan) concédées respectivement à Fadesa et à Orascom. Boussaid ne veut pas s'arrêter là. Son département envisage pour la période 2008-2012 d'accompagner l'ouverture de nouvelles stations Azur extension, à savoir «Cala Iris» (10.000 lits) et «Dakhla» (5.000 lits) dont les signatures de convention avec les aménageurs développeurs sont prévues respectivement pour mars et la fin d'avril 2008. Au-delà des autres produits (Plan Mada'In, Plan Biladi, produits de niches, tourisme rural, résidences immobilières touristiques), le département du Tourisme est décidé à mettre le cap dur la promotion. Déjà, le budget 2008 de l'Etat prévoit 500 millions de dirhams pour l'ONMT. Il s'agit, entre autres, de poursuivre en 2008-2012 la stratégie de consolidation des marchés traditionnels européens, de conquérir de nouveaux marchés (Europe de l'Est, Chine, Japon, Moyen-Orient) et de développer des accords avec les TO virtuels. Pour cette même période, l'aérien, qui profite actuellement de la libéralisation du ciel, bénéficiera des actions du ministère du Tourisme qui essaiera de réussir l'adéquation entre la capacité hôtelière additionnelle et les sièges d'avions, de consolider les dessertes à partir des marchés traditionnels et d'accompagner la stratégie de ciblage de nouveaux marchés par l'ouverture de nouvelles lignes. Le chantier de la formation Mais s'il y a un chantier pour lequel tout le monde attendait l'annonce, c'est celui de la formation. En décidant de prendre à bras le corps le problème, le nouveau ministre s'attaque en fait à un mammouth. Tous les opérateurs, qu'ils soient publics ou privés, s'accordent à affirmer que la formation est le jalon essentiel pour la réussite de la vision 2010. Pourtant, le contrat-programme accorde une large place à la formation. Il faut dire que son prédécesseur se contentait des effets d'annonces sur la question. «C'est un dossier extrêmement important», s'empresse de relever Boussaid. De quels profils les opérateurs du tourisme ont-ils besoin ? Combien de chefs cuisiniers, de maîtres d'hôtel ou de gouvernantes doit-on former pour répondre aux besoins des différentes branches du secteur ? Aucune étude n'a jusqu'à présent déterminé les besoins en formation. Le gouvernement précédent a juste défini le nombre de lauréats nécessaires. Le contrat-programme a en effet estimé que le secteur touristique nécessitera 72.000 cadres et employés à l'horizon 2010. C'est la seule certitude dont dispose le ministère du Tourisme. «Nous allons réaliser une étude dont l'objectif est d'établir un plan national de formation. Ensuite, nous allons mettre en place un contrat programme RH & Formation pour les métiers de l'hôtellerie qui engagera les acteurs privés autour d'objectifs précis, en définissant les moyens nécessaires, en mettant en place les outils de pilotage et de suivi et en adoptant une déclinaison annuelle et territoriale. Il s'agit de donner au secteur de l'hôtellerie une stratégie globale et commune pour former 50.000 lauréats et répondre aux besoins du secteur en personnel qualifié», souligne Boussaid. La refonte des métiers touristiques, notamment les agences de voyages, les guides de tourisme et le transport touristique figurent en bonne place dans les cinq chantiers prioritaires du nouveau ministre pour la période 2008-2012. Idem pour la qualité et l'environnement du secteur. Parmi les cinq chantiers de Boussaid, c'est l'élaboration de la vision 2020 qui sera certainement le premier à être bouclé. Car 2010, c'est pour bientôt et il faut ficeler vite ce nouveau programme pour prendre le relais sans tarder. «Les bureaux d'études sont en cours de sélection. La démarche consiste à adopter une approche territoriale dans l'aménagement touristique. L'élaboration de cette vision se basera sur l'offre potentielle du Maroc, tenant compte aussi bien de la demande que de la concurrence. Il s'agira de parvenir à travers cette vision prospective à mettre en place un plan d'aménagement territorial touristique et un plan d'action national et par région», affirme-t-il. Au bas mot, ce n'est nullement une vision quantitative mais plutôt une vision qualitative. Voilà une approche qui rompt avec la vision 2010 en termes de préparation. Pour sa mise en place, cette dernière avait réuni en effet tous les opérateurs qui interviennent dans les secteurs qui touchent de près ou de loin au tourisme afin d'établir des diagnostics. Au bout du compte, tout ce beau monde s'est retrouvé avec des piles de dossiers. L'administration adopte ce diagnostic, qui, en seconde étape, est transformé en accord-cadre, signé avec le gouvernement en 2001.