Le comportement du gouvernement est pour le moins bizarre en ce qui concerne le secteur des exportations. On veut lui accorder une importance extrême. Salah Eddine Mezouar, l'argentier du Royaume, laisse entendre que le Maroc doit renforcer les conditions et les moyens pour que ledit secteur soit plus performant. «Nous allons travailler sur chaque secteur pour gagner des parts de marché». Mezouar serait favorable à l'offre de soutiens directs en concluant des contrats-programmes avec les associations professionnelles plutôt que d'avoir à créer un fonds spécifique car sa gestion ne serait pas souple. Malgré ces déclarations de bonne volonté, les exportateurs n'ont rien vu arriver dans le projet de la loi de Finances 2008. Sur le plan de la promotion par exemple, il n'y a eu aucun changement. Pourtant, «le budget alloué au Centre Marocain de la Promotion des Exportations est insuffisant. Les pouvoirs publics avaient décidé de faire une coupe pour financer des contrats-programmes. Et nous nous étonnons que le budget initial ne soit pas rétabli. Cela suppose de faire moins de promotion à l'étranger alors que nous ne pouvons pas nous le permettre », reconnaît Hassan Debbagh, président de Ficopam. Les nouveaux ministres de l'Economie et des Finances et du Commerce et de l'Industrie ont été saisis de l'affaire. Il faudra attendre pour voir ce qu'ils vont décider. Sur un autre registre, les textiliens, principaux exportateurs du secteur manufacturier, s'étonnent. «Il n'y a même pas eu de mesurette en faveur du secteur», déplore un industriel. Bien pire, il y a dans le projet de loi de Finances 2008 une mesure qui va à l'encontre des intérêts des exportateurs : la suppression de l'exonération de la TVA. Une loi de l'exportation, datant de 1983, permettait aux exportateurs de bénéficier à l'achat de matières en suspension de TVA. Ils ne mobilisaient donc pas les 20% de leurs achats. Ceci les mettait en parité avec les étrangers. Or, «depuis le mois de juillet 2007, l'administration des Impôts a décidé de manière arbitraire et unilatéralement de suspendre cette disposition. Pire encore, dans le projet de la loi de Finances 2008, on veut légaliser cette mesure, ce qui va impliquer la mobilisation de moyens financiers. Cette mesure met en jeu l'intégration du secteur. Et, toute chose égale par ailleurs, cela implique que les fournisseurs étrangers des intrants auront un avantage comparatif par rapport aux fournisseurs locaux», regrette Mohamed Tamer, président de l' AMITH (Association Marocaine des Industries du Textile et de l'Habillement). Les textiliens ont reçu les ministres du Commerce et de l'Industrie et du Commerce extérieur pour faire part de leurs doléances. Ils ne comptent pas baisser les bras et feront du lobbying pour que le gouvernement revienne sur cette décision. 4 question à Abdellatif Belmadani, président de l'ASMEX (Association Marocaine des Exportateurs) "L'exportation se limite aux discours" Challenge Hebdo : dans le cadre de la loi des Finances 2008, quelles sont les mesures qui ont concerné le secteur exportateur ? Quel impact auront-elles sur le secteur ? Abdellatif Belmadani : la loi de Finances prévoit certes une baisse de l'IS de 35 à 30%, mais le taux appliqué aux entreprises exportatrices reste le même, alors qu'il devrait, pour rester conforme à la loi et à la politique d'incitation, être ramené à 15%. En plus, la TVA sur le transport et les assurances augmente les charges supportées par les entreprises et pénalise ainsi encore plus la compétitivité de nos exportations déjà mises à mal. C.H. : attendiez-vous d'autres mesures qui n'ont pas été prises en compte ? A.B.M. : Comme nous l'avons toujours souligné, le Maroc reste apparemment l'unique pays au monde à déployer une promotion exclusivement à distance. Tous les concurrents directs du Maroc mènent une promotion commerciale de proximité, notamment par l'implantation d'antennes dans les pays cibles. C.H. : qu'en est-il des mesures incitatives qui devraient bénéficier aux exportateurs indirects ? A.B.M. : malheureusement, malgré l'engagement de l'ancien Premier Ministre dans sa déclaration gouvernementale, le ministère des Finances n'adhère pas à la mise en place de mesures incitatives qui devraient bénéficier aux exportateurs indirects. L'argument avancé de la difficulté d'application ne tient pas, puisque l'on sait que les exportateurs indirects sont traités de la même manière que les exportateurs dans le cadre des Admissions Temporaires (AT), et que ce système qui marche pourrait sans problème être dupliqué au niveau fiscal. C.H. :est-t-il vrai que cette loi des Finances prévoit la création d'un fonds des exportations ? A.B.M. : à ma connaissance, le projet de loi des Finances 2008 n'a pas prévu de fonds pour les exportations. L'ASMEX, dans sa stratégie de promotion présentée et agréée par l'ancien Premier ministre, a demandé la création d'une ligne budgétaire additionnelle de 400 MDH pour renforcer la promotion du produit marocain sur les marchés extérieurs. Celle-ci permettrait : la création d'antennes dans les marchés prioritaires, le recours à des agences spécialisées, le renforcement de la diplomatie économique… Une fois encore, le soutien de l'exportation nationale se limite aux discours, sans consistance réelle sur l'amélioration de la compétitivité et explique certes pas totalement mais largement la dégradation de la balance commerciale.