Un cabinet égyptien, EGF Hermes, a passé au crible la politique d'Emaar dans les pays où elle investit. Dotée de ressources financières incroyables, la méthode de pénétration reste quasiment la même. Zoom sur cette formule qui pousse le groupe public émirati à investir près de 23 milliards de DH émiratis rien qu'au Maroc. On ne change pas une tactique qui marche. Emaar, le groupe émirati, a expérimenté une façon de faire à Dubaï. Elle a fonctionné. Maintenant, son modèle est exporté dans chaque pays où le groupe décide de mettre un pied. L'acquisition de terrains très bon marché et la vente des résidences avant leur achèvement sont les pierres angulaires qui lui permettent de pénétrer les marchés avec un capital minimum. Astucieux comme méthode. Emaar peut se le permettre. Sa stature sur le marché, national ou international, le conforte. Son poids fait de lui un investisseur de choix et d'ailleurs, des gouvernements comme le Maroc le lui rendent bien. Ils déroulent le tapis rouge à des investisseurs de ce genre. 1.500 à 1.750 dollars le m2 à Saphira Des investisseurs bourrés de fric, prêts à mettre le paquet dans des projets immobiliers et touristiques qui leur sont foncièrement rentables. «Les investisseurs des pays du Golfe ont beaucoup d'argent et ne demandent qu'à l'investir. Mais en même temps, ils s'assurent que les projets qu'ils lancent leur rapportent entre 20% à 40% de rentabilité», confie un conseiller proche d'un de ces investisseurs. Emaar, comme les autres d'ailleurs, saisit ces opportunités. Des opportunités qu'ils trouvent en investissant le secteur du haut de gamme. Ses ventes sont d'ailleurs destinées pour la plupart à l'aristocratie locale, aux étrangers et aux non-résidents. En injectant des milliards de dollars ici et là, « Emaar Properties ambitionne à l'horizon 2010 de devenir le plus grand promoteur immobilier au monde et l'une des plus grandes entreprises mondiales cotées», peut-on lire dans le rapport de EGF Hermes, un cabinet égyptien qui s'est penché sur l'activité Emaar. Pour réussir, la société s'appuie sur des marchés cibles qui connaissent un boom immobilier, sur des partenariats avec des gouvernements locaux ou des grands opérateurs, publics ou privés, qui deviennent des partenaires ouvrant toutes les portes dans le pays d'accueil, sur l'établissement de normes de luxe sur ses produits et sur le réinvestissement de l'excédent qu'elle réalise des ventes des produits résidentiels. Tout ceci implique parallèlement que le groupe émirati ne s'engage à miser que le minimum. On l'aura compris. Business is business. La méthode Emaar a porté ses fruits à Dubaï et c'est pour cette raison que le groupe a voulu l'exporter. Est-ce pour autant une garantie pour qu'il fasse ses preuves ailleurs, sachant que chaque marché a ses spécificités ? On ne peut que l'espérer. Entre temps, allons voir de plus prêt ce que Emaar prévoit au Maroc. Comme à son accoutumée, le groupe émirati n'a pas changé de tactique. Lorsqu'il est arrivé sur le marché marocain, il a su s'entourer des grands opérateurs et a créé deux filiales pour mener ses cinq projets: Amelkis Resorts en partenariat avec la filiale de l'ONA, Onapar, et Prestige Resorts. Ces deux entités gèrent Amelkis II (Marrakech), Bahia Bay (près de Bouznika Bay), Tinja (Tanger), Oukaïmeden et Saphira (corniche Rabat). Le groupe aurait déjà contribué pour 124 millions de dirhams émiratis sous forme de prêts des actionnaires. «On s'attend à ce qu'Emaar livre 17.500 unités et une capacité d'hébergement de 3.800 chambres d'hôtel », rapporte le rapport d'Hermes. Emaar, qui s'est focalisé sur le haut de gamme, espère alors cibler principalement les étrangers non-résidents et dans une moindre proportion les MRE. Il ne devrait pas non plus occulter les plus fortunés du pays qui représentent un potentiel. Vendre bien avant la livraison Pour mettre toutes les chances de son côté, le groupe émirati va utiliser sa base de clientèle multinationale et se reposer sur son réseau de bureaux de vente à l'international pour promouvoir les produits Emaar au Maroc. De plus, sa filiale, Hamptons International, devra jouer un rôle prépondérant dans la commercialisation de ces produits. Et pour financer l'ensemble des projets, à l'exception de ceux de golf et d'Oukaïmeden, Emaar se basera dans une large mesure sur les ventes des produits résidentiels encore sur plan. C'est comme cela que le groupe fait tourner la machine. Selon les analystes d'Hermes, Emaar devrait parvenir à vendre ses produits avant leur livraison, même si la tâche ne s'avère pas de tout repos. Une maison secondaire est toujours plus difficile à vendre qu'une maison principale. Et des efforts marketing doivent être faits pour coller aux réalités de chaque produit. Sur le plan financier, les premières recettes et les accomptes devront permettre de couvrir le coût de développement des projets. A cela, il faut ajouter le fait que la surliquidité du marché bancaire marocain et les taux d'intérêts bas devront faciliter le financement des projets d'Emaar. C'est ce qui conforte Hermes pour annoncer que le groupe émirati ne devrait alors injecter que 308 millions de dirhams émirati au cours des trois prochaines années. En termes de marge brute, elle devrait varier dans une fourchette de 45% à 55% sur les ventes des villas. Elle varie en fonction de la situation du produit et de l'environnement. Si l'on se penche par ailleurs sur les spécificités de chaque chantier, il s'avère, toujours selon le cabinet égyptien, que les prix des produits d'Emaar devront être plus élevés dans la baie de Bahia (près de Bouznika) où les prix sont déjà très hauts. Amelkis II et Tinja devront suivre, même si les produits du premier projet sont les plus luxueux de tous les projets engagés. Le niveau des prix prévisionnels pour le projet Saphira devra être quant à lui moins élevé. « En général, nous prévoyons un prix qui oscille entre 1.500 et 1.750 dollars le mètre carré à l'occasion du lancement des ventes des unités résidentielles», lit-on dans le rapport d'Hermes. Emaar n'est présent au Maroc que depuis quelque temps. Il a lancé cinq chantiers. Il ne devrait (a priori) pas se hasarder sur de nouveaux marchés. Pourquoi ? Pour la simple raison que le groupe aurait choisi de ralentir pour un certain temps son rythme déchaîné d'investissements pour se concentrer sur ses projets déjà réalisés et ceux en cours.