Rarement départ d'un patron d'institution publique aura suscité autant de rumeurs. Disgrâce royale ou simple appel à d'autres fonctions ? Tout a été dit concernant les raisons du départ de Mustapha Bakkoury et tous les scénarios ont été imaginés quant au futur poste qu'il occuperait. Le point. «Le départ de Bakkoury de la CDG n'est pas une surprise en soi, c'est seulement le timing qui a pris de court tout le monde. Nous attendions son départ plutôt pour le mois de juillet. De toute façon, lors de son discours pour le cinquantenaire de la CDG, il a quasiment fait ses adieux. Il est même allé jusqu'à dire qu'il regrettait de ne pas avoir été encore plus proche de ses collaborateurs, et que c'était uniquement dû à la pression qui découlait des différentes missions qui lui étaient attribuées», nous confie une source interne à la CDG. Est-ce à dire pour autant que Mustapha Bakkoury savait qu'il allait quitter la maison qu'il dirigeait depuis plus de huit ans ce samedi 13 juin. Selon certaines rumeurs, l'ex-patron de la caisse n'était pas au courant la veille de ce qui se tramait pour le lendemain. Ce qui ne l'a pas empêché, ou plus justement exonéré, d'être présent lors de la cérémonie organisée à l'occasion de la passation entre lui et Anas Alami. Le «non-scoop» de Jouahri Cette fameuse cérémonie s'est déroulée au sein du siège de la CDG le lundi 15 juin. Le tout sous le regard d'Abdelatif Jouahri, Wali de Bank Al Maghrib, de Salah-Eddine Mezouar, ministre des Finances, et des hauts cadres de la CDG. « Il n'y a rien eu de véritablement notoire durant cette cérémonie. Chacun des protagonistes a fait son discours, une passation somme toute classique », se défend l'un des directeurs de la CDG. «Il n'y a peut-être rien eu d'extraordinaire, mais une anecdote de Jouahri n'a pas manqué de faire réagir l'assistance », renchérit un autre cadre de la CDG présent lors de la passation. Et d'ajouter: « à un moment donné, il a fait allusion aux compétences qui allaient du privé pour rejoindre le public, et celles qui du public rejoignaient de nouveau le privé. Beaucoup y ont vu un message quant aux fonctions futures de Mustapha Bakkoury. Seulement, tout de suite après, Jouahri a rectifié le tir en précisant que si il avait fait référence à ces deux cas de figure (ndlr: le passage du privé au public et du public au privé), c'était simplement pour l'équilibre du discours. En d'autres termes, Jouahri a voulu signifier à l'assistance qu'il ne fallait voir dans ses propos aucun message subliminal ». Car si aujourd'hui, la nouvelle du départ de Bakkourry semble plus ou moins digérée, c'est la question de son avenir qui désormais hante les esprits. «Je ne pense pas que le départ de Mustapha Bakkoury soit simplement lié au fait que les patrons d'institutions publiques doivent changer à un moment ou à un autre. Tel est peut-être le cas ici. Mais je pense plutôt que c'est une mise au placard. Car depuis plusieurs mois déjà, dans le microcosme financier, on parle de l'erreur stratégique liée au Club Med commise par le patron de la CDG. Car comment peut-on monter ses participations et mobiliser autant de cash en temps de crise à l'international ? C‘est véritablement un placement hasardeux !», explique un observateur avisé. D'autres raisons ont été invoquées pour tenter de voir plus clair dans ce que certains appellent le «départ sanction» de Bakkourry : mauvais résultats de la caisse en 2008, ou encore l'affaire de l'ex-Safa Bourse. Cependant, beaucoup se demandent ce que va devenir celui qui, ne l'oublions pas, a sorti la CDG de son archaïsme pour la transformer en machine à animer le marché. Voilà un échantillon des spéculations de la place concernant le futur poste de Bakkoury : Premier ministre, ministre des Finances, gouverneur de BAM ou encore ambassadeur à Washington... « Ce ne sont que des supputations. Son départ a été décidé par Sa Majesté, et sa nomination, si nomination il y a, le sera également. Je peux vous assurer que personne ne peut prédire ce qu'il adviendra de Bakkoury », souligne une source bien informée. Personne n'a pu voir venir non plus la nomination de Anas Alami à la tête de la CDG. Certes, sa proximité avec certains hommes du pouvoir pouvait laisser présager que monsieur Poste était destiné à un avenir prometteur… (voir encadré). Seulement, personne ne l'avait imaginé à la tête de la CDG. En tous cas, il semble être accueilli favorablement par le marché: « Avec Anas Alami, la CDG se donne enfin les moyens de ses ambitions, à savoir structurer et animer le marché. Car c'est un « market profile » qui a fait ses preuves, aussi bien dans le privé que dans le public. Cela dit, Anas Alami est certes un homme discret et peu loquace, mais il est pragmatique, précis et concis », nous confie un analyste financier. Anas Alami, un homme réservé… Lorsque Anas Alami avait été nommé à la tête de Poste Maroc en 2006, Challenge Hebdo avait réalisé son portrait. En voici quelques extraits, éloquents à plus d'un titre. «(…) Elève au lycée Moulay Youssef de Rabat, Anas Alami était dans la même classe que Hassan Bouhemmou, patron de Siger (…) Un nom qu'il compte toujours parmi ses amis les plus proches. Cela lui vaut parfois d'être catalogué comme un proche de la famille royale et par ricochet, de devoir son titre de patron d'une institution publique du rang de Barid Al Maghrib à ces alliances-là. Un traitement que le premier concerné, avec son calme légendaire, qualifie de simpliste et d'injuste à son égard. «Bouhemmou fait partie des personnes avec lesquelles je peux entretenir des discussions constructives et d'un certain niveau. C'est à cela que se limitent nos rapports», soutient-il. (…)» «Je ne suis pas un grand fonceur. J'aime tout analyser au lieu de me lancer tête baissée». «Je me fixe trois ans pour atteindre mes objectifs. Ils se rapportent à Barid Al Maghrib». PARCOURS 1990 lauréat de l'Ecole Mohammedia des Ingénieurs (EMI). 1993 MBA en finances et affaires internationales de la Stern School of Business de l'Université de New York. 1992 fondateur de la société de Bourse Upline Securities, aujourd'hui groupe financier leader sur le marché marocain. 2006 directeur général de Poste Maroc. Juin 2009 directeur général de la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG).