Les patrons maghrébins ont décidé de l'intégration économique de l'UMA. De ce fait, ils poussent leurs dirigeants à leur emboîter le pas. Réunis pour deux jours à Alger, entre discours et engagements, que de chemin à parcourir ! Peut-on réellement séparer l'économique du politique? Tout laisse croire que l'équation est inédite par le nombre d'inconnues qu'elle comprend. Mais une chose est sûre. Le ministre algérien de l'Emploi, Tayeb Louh et à travers lui, les membres du gouvernement de son pays, s'y accrochent. « Les pays de la communauté européenne se sont regroupés autour du charbon avant de s'unir en Union européenne. Nous devons travailler cela avant de le faire politiquement ». Et le «nous» représente les cinq pays du Maghreb, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Mauritanie. Les opérateurs économiques des «cinq» comptent bien, suite à la constitution de l'union des employeurs maghrébins, relever ce challenge. L'un des premiers pas, c'est la tenue en juin prochain, à Rabat, de l'assemblée générale de la banque d'investissement du Maghreb. Au menu, la définition des statuts et la constitution du capital qui s'élèverait à 500 millions de dollars. Il semblerait que jusqu'à présent, seuls deux pays aient déposé les fonds. La création est annoncée pour cette fin d'année. Ils sont venus, ils étaient tous là…. Alors que s'est-il réellement passé durant ces deux jours à Alger ? Ils sont venus, ils étaient tous là. Les membres du gouvernement du pays d'accueil, les représentants et les opérateurs des pays de la région ciblée. Mais ils s'étaient tous donné le mot : n'aborder le volet politique que sur le ton de la conciliation. Les flash-back historiques n'ont pas manqué, notamment sur la série des actes manqués. La dimension nécessaire de l'UMA a été soulignée à maintes reprises. La crainte des effets de la crise y est pour beaucoup. D'ailleurs, les propos du directeur adjoint du FMI pour la région Mena, Amor Tahiri, abondent dans ce sens : « les solutions existent et nous ne les utilisons pas ». Et reprenant les dires du président de l'Union maghrébine des employeurs (UME), Hédi Dijilani, il ajoute : « aujourd'hui, il s'agit d'une déclaration pour la maghrébisation de la production, l'heure est aux groupements régionaux ». Des discours qui, d'un côté, témoignent d'une véritable prise de conscience de l'impératif d'ouverture à la libéralisation, mais également à une prise de position par rapport à la globalisation. « La meilleure défense contre la mondialisation qui nous submerge actuellement est de réaliser l'union », a souligné Abdelhamid Temmar, ministre algérien de l'Industrie et de la Promotion des investissements. Et les chiffres ne manquent pas d'acuité. Une étude réalisée par un bureau de consulting commanditée par l'Etat algérien souligne le manque à gagner inhérent au retard de l'intégration économique. Le raisonnement est des plus simples. C'est l'Union européenne (UE) qui profite de la situation. Selon les experts, l'UE la favorise en signant des accords d'association séparés avec chacun des pays du Maghreb. C'est ainsi que vers l'UE, l'Algérie écoule 62% de ses exportations et en importe 58%. Pour le Maroc, les échanges commerciaux sont de l'ordre de 60%. Quant à la Tunisie, 78% de son export sont destinés à l'UE et 72% de ses importations en proviennent. Au total, l'absence de marché commun maghrébin coûte aux pays membre 2% de son PIB annuel. Une bonne foi transparaît A travers les interventions de la partie algérienne essentiellement, une bonne foi certaine transparaît, sauf que les discours pêchent par manque de pragmatisme. En revanche, force est de reconnaître que les représentants du patronat marocain ont déjà fait leurs premières armes. A leur tête, Moulay Hafid El Alamy n'a pas mâché ses mots, même si tout laisse supposer que les revirements de situation dans le cadre de la succession à la présidence de la CGEM le préoccupaient. « En tant qu'opérateurs, nous devons prendre nos responsabilités. Nous avons tous des problèmes de démarches. Alors si le Maghreb ne marche pas, cela relèverait de notre responsabilité», a-t-il affirmé durant la session portant sur la présentation des success stories de la région (Aico, la holding libyenne, Sogeports pour l'Algérie, Polina le groupe tunisien et Capital Consulting pour le Maroc). Et c'est le seul qui s'est véritablement engagé devant les opérateurs présents. Il déclare aux opérateurs maghrébins implantés au Maroc : «donnez-moi vos problèmes, je m'en occuperais ». Certes, ce mandat à la tête de la CGEM arrive à son terme, mais par cet appel, il engage le futur président de la confédération. Une autre fonction lui est ainsi assignée, celle d'être l'interlocuteur « exclusif » des entrepreneurs maghrébins du Maroc. Par ailleurs, la grande majorité des entreprises algériennes exposant durant l'événement représente les différents secteurs du pays. Et cela a fait l'objet d'une longue exposition durant les débats. Le dernier-né, celui de Djem Djem, a été présenté, certes d'une manière tacite par la société des ports d'Alger comme le concurrent direct de Tanger Med. Tanger Med inspirerait-il une certaine crainte ? Direction Jamal Mikou, directeur général de Tanger Free Zone (TFZ). Quel votre sentiment ? Quelle serait la stratégie envisagée pour faire face à cette concurrence ? C'est sans hésitation aucune qu'il lance que seul El Hadi saurait en parler. Alors, lorsqu'il est interpellé sur cette volonté des opérateurs maghrébins de mettre en place une zone franche maghrébine, il accepte toutefois d'émettre un avis. « On a le temps de voir venir. La zone franche de Tanger, ce ne sont pas moins de 400 entreprises implantées et 40.000 emplois. C'est la preuve que ça marche. D'ailleurs, un opérateur tunisien qui fait dans la sous-traitance automobile y opère déjà ». Et l'apport de cette intégration maghrébine ? « C'est un marché comptant cinq pays et qui permettrait d'augmenter notre compétitivité par rapport à l'Europe». Mais il ne manque pas de souligner que les participants semblent méconnaître les avantages fiscaux dont bénéficient notamment les investisseurs étrangers dans cette zone. Et bien oui. Deux jours ne suffisent pas à une véritable mise à jour. Même si les opérations B to B se sont multipliées entre opérateurs. Quantifier les marchés contractés ou encore les partenariats n'est pas encore possible. Sauf que la déclaration d'Alger a fixé toutefois l'engagement des institutionnels et hommes d'affaires à se rencontrer plus souvent. Le lancement d'un site web informatif sur les procédures des uns et des autres est également à l'ordre du jour. Accroître les liaisons aériennes entre les pays du Maghreb est aussi d'actualité. A suivre donc les accords open sky entre les compagnies…