Attaqué par voie de presse, à la veille du lancement de la campagne de sensibilisation du Conseil de la Concurrence, Abdelali Benamour, son président, essuie d'un revers de main toute accusation et reste concentré sur le plan d'action 2009. Au menu: rendre le conseil opérationnel à 100% et répondre à des saisines déjà reçues. Décidément, on dirait que le Conseil de la Concurrence est maudit. Après une première expérience, qui a commencé en 2002, mais qui pendant près de cinq ans s'est révélée être un véritable fiasco, voilà que l'arrivée de la seconde équipe se fait sur fond de polémique. En cause, le manque de réactivité de son nouveau président nommé le 20 août 2008, Abdelali Benamour. Le conseil de la concurrence aurait reçu des plaintes pour concurrence déloyale et entente qu'il n'aurait pas traitée. Mais dans cette affaire, c'est plus précisément le président Benamour qui est dans la ligne de mire, dans la mesure où certains membres du conseil se seraient exprimés, sous couvert d'anonymat bien entendu, pour dire qu'ils n'étaient absolument pas au courant que certains dossiers avaient d'ores et déjà été réceptionnés par le conseil. Sans compter que selon ces derniers, les délais de traitement auraient été largement dépassés, dans la mesure où les plaintes auraient été déposées il y a plus de trois semaines. Réponse du président du conseil de la concurrence: «tout d'abord, je voudrais dire que je n'aime pas particulièrement répondre à ce genre de rumeurs que j'estime infondées. Ensuite, sur la question des délais, je tiens à préciser que le conseil dispose d'un délai de quatre mois pour tout ce qui relève des questions de concentration et qu'il n'y a aucun délai imposé par la loi pour toutes les autres saisines concernant les pratiques anti-concurrentielles!». Voilà qui est dit. Mais les accusations à l'encontre de Benamour ne s'arrêtent pas là. Selon certaines sources ministérielles, qui se sont déclarées dans la presse, le dossier transmis par les affaires générales serait un dossier test pour lui, car «(…) le président ne serait pas parvenu à maîtriser la machine de production (…) Le président a des problèmes d'intendance et d'autorité et il y a même des employés du conseil, fraîchement recrutés, qui ont subitement quitté le navire». «Vous savez, le Conseil de la Concurrence n'a été officiellement lancé que le 6 janvier 2009. Et je peux vous assurer qu'il n'y a eu aucune démission. D'ailleurs, personne ne nous a contacté pour vérifier le contenu de ces allégations», rétorque Benamour. Le Conseil opérationnel à 70% La première session du conseil de la concurrence s'est en effet tenue le 8 janvier dernier. Et un des points saillants de cette rencontre a été la mise en place, pour la première fois depuis la création du conseil de la concurrence en 2002, d'une structure organisationnelle. Autrement dit, la première ébauche d'une équipe de gestion du conseil composée d'une douzaine de cadres est aujourd'hui opérationnelle, un secrétaire général a été nommé et deux directions ont été instituées : la direction de l'information et la direction de la saisine. Une organisation bien sûr appelée à être consolidée, en particulier en termes d'effectif. Autre point abordé le 8 janvier dernier, l'adoption du règlement intérieur et du code de déontologie. Voilà qui tord le coup à l'un des points que les détracteurs de Benamour ont mis en avant en affirmant, toujours sous couvert d'anonymat, que règlement et procédures n'ont toujours pas été mis en place. Seulement, ne dit-on pas qu'il n'y a pas de fumée sans feu? Les attaques contre le conseil de la concurrence peuvent être compréhensibles, voire légitimes, tant cette institution a déçu depuis sa création. Sans compter que le caractère consultatif n'est pas pour arranger les choses, car le conseil ne peut rendre que des avis sans aucun pouvoir décisionnel ni possibilité de prononcer des sanctions. Peut-être les auteurs de saisines récemment déposées, faute d'avoir reçu une réponse à leur requête, sont-ils à l'origine de ces rumeurs? D'autant plus que seules deux saisines sur les trois reçues ont été jugées recevables. Et Benamour est clair quant aux délais de traitement: «nous disposons de tout notre temps pour traiter les saisines reçues, car il ne faut pas oublier que nous devons mener de véritables enquêtes pour répondre sérieusement à ces requêtes». Lancer la polémique est peut-être tout simplement aussi une manière d'empêcher le conseil de la concurrence de voir véritablement le jour et surtout de le voir accomplir complètement sa mission. Car certains opérateurs, voire des secteurs entiers, doivent trembler à la seule perspective de voir le conseil de la concurrence complètement opérationnel. Sans compter que le principal cheval de bataille de Benamour et de son équipe est de le rendre autonome et doté d'un véritable pouvoir décisionnel. D'ailleurs, il n'avait pas hésité, dans une interview accordée à Challenge Hebdo au lendemain de sa nomination, à déclarer qu'il s'en irait si le conseil n'était pas doté des moyens nécessaires pour son bon fonctionnement. Entendez par là que si l'autonomie ainsi que les ressources humaines et financières ne sont pas au rendez-vous, Benamour claquera la porte. Mais avant cela, lui et son équipe devront se montrer patients, car c'est le Parlement qui doit trancher sur la question. «Nous allons proposer au gouvernement un amendement à la loi 06-99, qui doit la soumettre au Parlement. Nous espérons que pour 2010, le conseil de la concurrence sera autonome et doté d'un pouvoir décisionnel avec possibilité d'auto-saisine et une composition indépendante», déclare le président du conseil. Pour 2009, le plan d'action du conseil est peut-être moins ambitieux, mais il n'en reste pas moins incontournable : sensibilisation des médias mais aussi de l'ensemble des opérateurs économiques (CGEM,…) et des différentes parties prenantes concernées (autorités… ) . Un autre chantier occupe une place de premier rang parmi les priorités du conseil de la concurrence: celui des relations avec les différents régulateurs sectoriels (HACA, ANRT, BAM,…), qui ont un pouvoir de règlement des litiges dans des situations qui peuvent parfois poser des problèmes de concurrence. «Nous avons d'ores et déjà entrepris des discussions avec les différents régulateurs, et même jeté les jalons d'un texte de base pour travailler ensemble et assurer un maximum de coopération entre nous», explique Benamour. Un texte qui devrait ressembler a priori à celui adopté en France, où les risques de contrariété entre les décisions de l'Autorité et celles des autorités sectorielles sont limités par l'existence de passerelles prévues par le législateur (procédures de consultations réciproques). D'ailleurs, c'est tout le concept de notre conseil de la concurrence qui est calqué sur le modèle français. Reste qu'en France, il a fallu quelques décennies avant que le conseil ne devienne une véritable autorité comme celle à laquelle nous aspirons…