Pour remplir leur mission, les délégués doivent se déplacer dans l'entreprise pour prendre contact avec les salariés, s'informer sur la nature des réclamations éventuelles, afficher les renseignements qu'ils ont pour rôle de porter à la connaissance du personnel, se réunir avec le chef de l'entreprise, dépenser, pour remplir leur mission, une partie de leur temps de travail au détriment de l'employeur etc … ce qui crée entre les délégués et le chef d'entreprise des rapports d'une nature particulière. Challenge Hebdo : Les rapports entre le chef d'entreprise et les délégués sont-ils organisés par le code ? Et de quelle manière ? M'hamed El Fekak : Les délégués du personnel entretiennent avec le chef d'entreprise des rapports fondés sur le mandat qui leur est conféré par les salariés. Ces rapports sont prévus et organisés par le code du travail. Concernant, par exemple, leur réunion avec l'employeur, les délégués du personnel sont reçus collectivement par le chef d'établissement ou son représentant au moins une fois par mois. Cette réunion a un caractère obligatoire, et sa méconnaissance par l'employeur constitue le délit d'entrave. La réunion mensuelle a un caractère collectif, tous les délégués doivent être convoqués, sans faire de distinction entre ceux qui seraient concernés par la question débattue et les autres. En dehors de la réunion mensuelle, les délégués du personnel peuvent demander à être reçus en cas d'urgence, l'employeur est alors tenu de les recevoir sans délai. L'urgence peut avoir pour effet de dispenser les délégués de présenter leurs réclamations par écrit. Plusieurs situations sont susceptibles de caractériser l'urgence : conflit collectif imminent ou en cours, détérioration des conditions d'hygiène ou de sécurité laissant craindre un accident. Le code du travail, en mentionnant «les délégués du personnel sont reçus collectivement», n'empêche pas l'employeur de recevoir les délégués, en réunion exceptionnelle, individuellement ou par catégorie, atelier, service, ou spécialité professionnelle. C.H. : L'ordre du jour des réunions est-il établi d'avance ? Est-il remis au chef d'entreprise avant la réunion ? Existe-t-il un délai à respecter avant la tenue de la réunion ? M.E. : Oui, l'ordre du jour est établi d'avance par une note écrite. Sauf circonstances exceptionnelles, les délégués du personnel remettent au chef d'établissement deux jours avant la date à laquelle ils doivent être reçus, une note écrite exposant sommairement l'objet de leur demande. Aucune forme particulière n'est requise pour la présentation de cette note. Le délai de deux jours doit permettre à l'employeur d'examiner les questions qui seront abordées au cours de la réunion. Il s'agit d'un délai maximum, le chef d'entreprise ne saurait imposer une procédure plus longue, par contre, il peut y renoncer et recevoir immédiatement les délégués. Les demandes des délégués comme les réponses de l'employeur, qui doivent intervenir dans un délai de 6 jours, sont transcrites sur un registre spécial, tenu à la disposition des salariés, un jour par quinzaine en dehors des heures de travail, il est tenu en permanence à la disposition de l'agent chargé de l'inspection. Le déroulement des réunions est laissé à l'initiative des parties, la note écrite fournie par les délégués sert d'ordre du jour. Lorsque l'employeur impose aux délégués un minutage excessif empêchant l'épuisement de l'ordre du jour dans des conditions normales, il porte atteinte à l'exercice régulier de leurs fonctions. Les réunions des délégués ne donnent pas nécessairement lieu à l'établissement d'un procès-verbal auquel se substitue en fait le registre. C.H. : Comment un délégué du personnel peut-il concilier les obligations de son travail et les devoirs de son mandat ? M.E. : Par le moyen d'un crédit d'heures de 15 heures par mois, prévu par le code. En effet, le chef d'établissement est tenu de laisser aux délégués du personnel dans les limites d'une durée qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder 15 heures par mois et par délégué, le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions, ce temps leur est payé comme temps de travail. Ce crédit est personnel, il doit être utilisé par chaque délégué selon un rythme mensuel conformément aux missions dévolues, même en dehors de ses heures de travail. Les heures de délégation constituent un véritable salaire et non une indemnité compensatrice de salaires perdus. Il est admis que les délégués peuvent, tant durant les heures de délégation qu'en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l'entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l'accomplissement de leur mission, notamment auprès d'un salarié à son poste, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l'accomplissement du travail des salariés. Dans ce cas, le délégué utilise, pour ce déplacement, son crédit d'heures. mais il est admis généralement que le délégué du personnel peut se déplacer hors de l'entreprise en utilisant les heures de délégation, pour les besoins de ses fonctions. C.H. : Les délégués ont-ils besoin d'un local où ils peuvent se réunir ? M.E. : En effet, le chef d'établissement est tenu de mettre à la disposition des délégués du personnel le local nécessaire pour leur permettre de remplir leur mission et notamment de se réunir. Cette prescription est d'ordre public, le chef d'entreprise ne peut être dispensé de cette obligation. Le choix du local appartient au chef d'entreprise, mais celui-ci ne peut imposer aux délégués le réfectoire par exemple. Cependant, les délégués n'ont pas nécessairement l'usage exclusif du local. La loi ne précise pas que le local doit être aménagé ou que l'employeur doit offrir le matériel nécessaire à l'exercice des fonctions des délégués, mais il n'est pas exclu dans la pratique que le local soit aménagé par l'employeur. C.H. : Comment les délégués communiquent-ils avec les salariés ? M.E. : Les délégués peuvent se déplacer dans l'entreprise et prendre contact avec les salariés, ce qui leur offre la possibilité de s'informer sur la nature des réclamations éventuelles. D'ailleurs, il est fréquent que dans certains établissements soient installées des «boites à lettres», qui permettent aux salariés de déposer directement leurs réclamations. Par ailleurs, les délégués du personnel peuvent afficher les renseignements qu'ils ont pour rôle de porter à la connaissance du personnel, sur les emplacements mis à leur disposition aux portes d'entrée du lieu de travail, par le chef d'établissement. Ils peuvent également, en accord avec celui-ci, user de tous les autres moyens d'information. Seuls les renseignements d'ordre professionnel se rattachant aux attributions légales des délégués peuvent faire l'objet d'un affichage. Cela vise les comptes-rendus des réunions avec l'employeur, l'objet et les résultats des démarches à l'extérieur, les informations générales relatives à l'application du code du travail. Sont exclues les communications à caractère politique, syndical ou diffamatoire. Les délégués peuvent informer les salariés en distribuant les tracts dont le contenu entre bien dans le cadre de leurs fonctions. Cela exclut la distribution de tracts syndicaux, ou le fait de recueillir des signatures pour une pétition en tant que membres d'un syndicat. C.H. : Les délégués peuvent-ils organiser des réunions avec les salariés ? M.E. : Les délégués peuvent se réunir librement entre eux, mais ils ne peuvent organiser des réunions avec le personnel qu'avec l'accord de l'employeur. Ainsi, un délégué n'est pas autorisé à prendre la parole dans une entreprise durant la pause. C.H. : Les délégués du personnel ne risquent-ils pas de faire l'objet d'agissements répressifs de la part du chef d'entreprise en défendant les intérêts des salariés ? M.E. : En effet, ce risque est constamment présent, raison pour laquelle le code du travail prévoit des mesures protectrices au profit des délégués titulaires et suppléants pendant l'exercice de leurs fonctions représentatives,et durant 6 mois à partir de l'expiration de leur mandat. Les candidats aux fonctions de délégués sont, eux aussi, protégés pendant une durée de 3 mois à compter de l'établissement des listes. C.H. : En quoi consiste cette protection ? M.E. : Toutes mesures ayant pour effet le changement de service ou d'atelier ou d'infliger une mise à pied à l'encontre du délégué ou du suppléant ne peuvent être envisagées qu'après accord de l'agent chargé de l'inspection du travail. La procédure protectrice s'impose à l'employeur pour tout licenciement. La faute grave du salarié délégué ou suppléant n'autorise pas le licenciement, elle permet seulement au chef d'entreprise de prononcer la mise à pied immédiate en attendant la décision de l'agent chargé de l'inspection du travail. Celui-ci doit faire connaître sa décision dans les 8 jours suivant sa saisine. Aucune modification de son contrat ou de ses conditions de travail ne peut être imposée au salarié protégé. En cas de refus d'une telle modification, l'employeur doit, soit intégrer le salarié protégé dans ses conditions antérieures de travail, soit engager la procédure spéciale auprès de l'agent chargé de l'inspection du travail.