La toute récente transaction ayant permis aux Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP) de détenir 100% du capital de Sochepress n'est pas une fin en soi. Des négociations sont en cours avec des opérateurs de différentes nationalités pour une reconfiguration du tour de table. Au moment où le microcosme de la distribution presse est encore sous l'effet de l'arrivée d'un troisième concurrent, Al Wassit en l'occurrence, Sochepress crée à son tour l'actualité en changeant entièrement de main. «Un télescopage d'événements tout à fait anodin», tient-on à préciser du côté du management de l'entreprise. Ce qui l'est encore moins, ce sont les métamorphoses opérées dès lors au sein de la société. Ainsi, la famille Lahrizi n'est plus actionnaire dans la Société chérifienne de distribution et de presse et ce, depuis la fin octobre 2008. La transaction s'est matérialisée à travers la cession par les trois membres de la famille, que sont le père Abdellah ainsi que ses deux enfants Hassan et Meriem, de la totalité de leurs parts à NMPP (les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne). Cette dernière n'est pas une inconnue de la boite puisque le premier contact concret entre elles date de début 2006 ; année à laquelle NMPP est entrée dans le capital à hauteur de 66%. «Le contrat signé en 2006 comportait une clause de sortie qui peut être exécutée au bout de trois ans par l'une ou l'autre partie. La famille Lahrizi a préféré se retirer, cédant les 34% qu'elle détenait à son partenaire NMPP », explique Thierry Sabouret, directeur général de Sochepress. Et de préciser, «la transaction s'est passée sans fracas aucun. Preuve en est : Hasan Lahrizi a gardé son poste de directeur du département presse». Au moment où nous mettions sous presse, ce dernier était en déplacement à Damas pour représenter l'entreprise au sein d'une rencontre réunissant les distributeurs arabes. Il est par ailleurs le seul à avoir garder un pied au sein de l'entreprise. Abdallah et Meriem Lahrizi ayant fait le choix de quitter une société dont ils étaient les patrons. Une société aux destins croisés qui, créée dans les années 20, fait partie de ces entités ayant changé de main par le biais de la marocanisation opérée dans les années 70. Une trentaine d'années plus tard, le sort aurait voulu que ce soit des Français qui rachètent les actions d'une famille dont le nom était lié depuis longtemps à celui de l'entreprise. Retour à la case départ? Non, puisque ces mêmes Français tiennent à ce qu'une présence marocaine soit visible dans le tour de table de Sochepress. Acheter pour revendre ? Rapide. C'est le minimum que l'on puisse dire de NMPP. Et pour cause. A peine quelques jours sont passés que le management de l'entreprise est déjà dans la perspective d'une nouvelle association. « La phase 100% NMPP est transitoire. Elle est due au fait qu'il nous était difficile de synchroniser les deux calendriers : d'une part, la sortie du capital de la famille Lahrizi et d'une autre, l'association à un nouveau partenaire», souligne Thierry Sabouret. Et de poursuivre, «nous avons encore beaucoup d'objectifs à réaliser. Depuis 2006, le travail était axé essentiellement sur la mise à niveau de l'entreprise. Aujourd'hui, il faudra la valoriser. Une association pourra notamment être porteuse de synergies et de nouveaux business». Selon des sources proches du dossier, des groupes marocains sont en lice. Un banquier serait même en pourparlers avec la maison mère à Paris pour entrer dans le capital de Sochepress. Des Espagnols, mais aussi des investisseurs du Moyen-Orient eux aussi seraient intéressés. Mais selon quel modèle ? Le scénario selon lequel Sochepress allait scinder ses activités en deux pôles (presse et livre scolaire) afin de chercher un partenaire pour chacun d'eux ne serait plus à l'ordre du jour. «Il est très compliqué dans sa mise en application effective. Nous avons préféré l'abandonner pour l'instant». Toujours est-il qu'une réflexion est menée à l'intérieur de la boite pour donner plus d'importance à l'activité librairie, intervenant aujourd'hui à hauteur de 25% seulement dans le chiffre d'affaires annuel global. Cela pourrait permettre de mieux préparer la mariée dont les prétendants ne sont pas encore à un stade avancé des discussions. Autrement dit, combien offriront-ils pour intégrer l'entreprise et pour quelle bagatelle NMPP serait-elle d'accord pour ouvrir son capital ? Les informations concernant l'évaluation financière de l'entreprise relèvent du secret défense, à l'instar notamment de la valeur de la transaction opérée entre NMPP et les trois Lahrizi. Ces derniers auraient fait appel pour la première fois aux NMPP pour des raisons liées essentiellement à un besoin d'opérer une recapitalisation et de procéder à la modernisation de l'entreprise, aussi bien au niveau de son fonctionnement qu'au niveau de son système d'information, devenu obsolète. Et pourtant, ce poste constitue un point nodal dans le métier de la distribution presse. «Pour que l'entreprise fonctionne bien, elle doit disposer de logiciels lui permettant de procéder à des réajustements par point de vente, et par ricochet d'optimiser les taux d'invendus», explique le nouveau D.G. Une masse de données considérable que les anciens logiciels n'arrivaient pas à traiter efficacement, encore moins à en faire les interprétations automatisées. Mais ce n'est pas tout. La mise à niveau (ayant coûté dans les 10MDH en plus d'un apport en nature sous forme de logiciels) a touché aussi à la structure physique de l'entreprise via une remise à neuf de ses entrepôts, au côté organisationnel en donnant plus de marges de manœuvre aux agences régionales et aux ressources humaines, dont les effectifs sont passés de 300 à 220 via une opération de départ volontaire. Repère Un secteur d'environ 450MDH Y-a-t-il de la place pour un troisième opérateur, murmuraient il y a quelques mois ceux qui se frottent de près au secteur de la distribution. Aujourd'hui, c'est chose faite. «Nous tablons sur un chiffre d'affaires prévisionnel de 160MDH, dont 100MDH réalisé au niveau de la presse», lance d'emblée Younes Yamouni, DG d'Al Wassit, dont l'investissement initial est de 7MDH. Ambitieux si l'on sait que l'un des opérateurs historiques, Sochepress en l'occurrence, arrive à peine à faire de même dans un secteur qui brasse un peu moins de 450MDH (avant l'arrivée d'Al Wassit), et où Sapress détient la part du lion. Un secteur difficile, d'autant plus que la régularité et la rapidité sont deux facteurs sur lesquels aucune concession n'est permise. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si des tentatives d'entrée sur le marché ont été avortées (exemple d'Altadis) ou que des expériences d'auto-distribution n'ont pas fait long feu. L'exemple le plus édifiant est celui de Maroc Soir, qui s'est essayé à ce rôle dans le Casablanca, avant de tout abandonner et de compter sur les services d'un professionnel.