Dans le partenariat que viennent de sceller les deux parties, tout le monde semble avoir trouver son compte. Désormais, et dans les métiers d'ingénierie financière, de corporate finance, de private banking… La BCP a mis les deux pieds dans la cour des grands. Pourquoi la BCP a-t-elle choisi de reprendre Upline Group en particulier et pourquoi une banque d'affaires, qui a milité des années durant pour rester indépendante, accepte-t-elle de passer dans le giron de l'Etat ? Voilà deux questions qui viennent de prime abord à l'esprit à l'annonce du partenariat de la BCP et d'Upline Group. La banque du cheval aurait pris attache avec les deux banques d'affaires privées qui existent sur la place : CFG Group et Upline Group. C'est avec cette dernière que les négociations ont finalement abouti. Concernant la deuxième question, officiellement, il était devenu nécessaire pour la banque du cheval, qui se donne beaucoup d'ambition, d'améliorer ses parts de marché dans des activités annexes à celles de la banque de détail. Il devenait donc nécessaire que le poids de la banque sur différents segments soit conforme à ses appétits. «Cette opération (NDLR : la reprise de 50,1% du capital d'Upline Group) devait être la première dans le cadre de notre vision intégrée pour préparer aussi les opérations à venir», commente Mohamed Benchaaboun, le président de la banque. En effet, la BCP a lancé plusieurs chantiers à la fois et est en train de développer rapidement son portefeuille de grandes entreprises qui ont besoin de restructuration, d'accompagnement, de conseils… «Nous devions apporter une réponse immédiate aux besoins qui s'expriment. D'autant plus que nous avons constaté que nous avions besoin de dégager plus de résultats», explique Benchaaboun. Pour le président de la banque, ce nouveau partenariat est considéré comme un préalable. «Si nous voulons devenir par exemple un acteur dans l'assurance, il faudrait qu'on arrive à placer notre portefeuille, d'où l'utilité de disposer d'une structure en bonne et due forme qui puisse répondre aux besoins exprimés». Du côté d'Upline, Hassan Aït Ali, son président, évoque le besoin de son groupe de s'adosser à une grande institution pour avoir un meilleur positionnement face à la croissance. Mais en nouant ce partenariat, Upline Group, qui existe depuis 1992, risque de perdre cette indépendance qu'elle a tant défendue. Pour Aït Ali, il n'y pas de souci à se faire à ce sujet. Aucune personne influente dans le capital L'accord passé entre les deux parties garantirait l'indépendance au niveau de la gestion. D'ailleurs, selon les termes du pacte d'actionnaires qui s'étend sur une période de dix années, les fondateurs d'Upline Group, que sont Hassan Aït Ali, Jalal Houti et Mohamed Mekouar, vont continuer à gérer l'opérationnel comme ils l'ont toujours fait. Un engagement est pris pour que l'équipe dirigeante reste donc aux commandes. Elle est représentée au conseil d'administration, lequel est présidé par le patron de la banque du cheval. Elle a un mandat de six années. Ledit pacte prévoit aussi le maintien de la participation des actionnaires pendant au moins quatre ans. Est-ce à dire qu'au-delà de cette date, les fondateurs auraient l'intention de se retirer ? «Nous ne savons pas ce qui peut se produire au-delà de cette date. Mais ce partenariat représente pour nous un nouveau challenge. Il faudra plus de quatre années pour le réaliser», annonce Aït Ali. Comprenez: les fondateurs veulent véhiculer un message selon lequel ils restent toujours à bord. Certains de leurs proches, eux, n'y croient pas trop. La version officieuse, elle, évoque d'autres raisons qui auraient poussé le mariage des deux parties. Pendant longtemps, des rumeurs circulaient sur le marché sur l'éventuelle participation d'une personnalité influente de la haute sphère dans le capital d'Upline Group. Suite à l'affaire qui a entaché la réputation d'Upline (affaire CGI suivie par le retrait de l'agrément du dépositaire), elle aurait souhaité se «débarrasser» partiellement d'une partie de ses actions. Certains traders, au fait de ce qui se passe sur le marché, pensent savoir que cette personne est dans le capital d'Upline Group via Maghreb Investment Limited (MIL), un fonds d'investissement franco-émirati qui détenait 40% du capital de la banque d'affaires. Aujourd'hui, suite à l'opération d'augmentation du capital, elle n'en détient plus que 25,12%. Pour Hassan Aït Ali, ces «racontars» sont infondés. Il n'existe, ni de près ni de loin, de lien avec une quelconque haute personnalité. «Les gens essaient de trouver, à chaque fois qu'une entité réussit, des arguments pour la justifier. C'est insensé», répond le PDG d'Upline Group. Upline valorisé à près de 700 millions de DH Voilà qui est dit. Et nous n'en saurons pas davantage sur l'identité des actionnaires de MIL. Lors de la conférence de presse donnée conjointement par les patrons de la BCP et d'Upline Group, une journaliste a tenté d'en savoir plus. Insistant pour qu'ils dévoilent des noms, les dirigeants ont préféré répondre en substance : «ce sont des personnes qui investissent, comme tout le monde». En scellant ce partenariat, Upline Group devient alors la plateforme banque d'investissement de la BCP. La nouvelle entité a pour ambition de réaliser, à l'horizon 2012, un chiffre d'affaires de 520 millions de dirhams et un résultat de 180 millions de dirhams. Dès la première année, Aït Ali s'attend à créer des synergies entre des revenus significatifs permettant de créer de la valeur grâce à une base de clients large et complémentaire, à une offre globale de conseil et de financement et à un large réseau pour la distribution des produits d'épargne collectifs. La nouvelle structure se renforcera alors dans cinq activités. Au niveau de la bourse, Upline Group disposera de deux agréments. La marque Upline servira les institutionnels et la marque Al Wassit sera dédiée au courtage en ligne qui sera lancé dans les mois à venir. Concernant la gestion de fonds, les deux structures existantes (Alistitmar Chaabi et Upline Capital Management) seront maintenues avec néanmoins une équipe de gestion commune. A propos du private banking, l'activité sera portée par la banque Média Finance avec un réseau d'agences dédié. La corporate Finance sera conduite par Upline Corporate Finance et le Capital Investissement par Upline Investments et Maroc Invest. La petite banque d'affaires, qui avait débuté ses activités dans un très petit appartement du boulevard Yacoub Al Mansour à Casablanca, a grandi. Elle vaut actuellement quelque chose comme 700 millions de dirhams. Pour certains, c'est beaucoup. Et la BCP aurait chèrement acquis l'établissement financier. Mais il faut savoir que cette opération s'est faite sans « cash out » pour les actionnaires historiques, les 3 fondateurs et Maghreb Investment Limited. La prise de la majorité de la BCP s'est faite par une augmentation de capital de 400 millions de dirhams qui lui a été réservée. Upline, lui, acquiert 100% du capital de la société de gestion de fonds Alistitmar Chaabi, 70% du capital de la société de bourse Al Wassit et 40% du capital de la banque Média Finance. « La BCP intègre le capital d'Upline Group à travers un apport d'actifs », insiste Hassan Aït Ali. Qu'en est-il du timing de l'opération ? Beaucoup se posent la question : la conjoncture n'est pas au mieux, d'autant qu'il paraîtrait que l'activité d'Upline Group n'a pas été au top durant cette année 2008. Les seuls chiffres qui ont été communiqués lors de la conférence de presse ont porté sur la période 2005-2007, les deux années phares d'Upline. C'est durant cette période que la banque d'affaires s'est montrée plus agressive sur le marché. Ses performances s'en sont d'ailleurs ressenties. Le taux de croissance annuel moyen du chiffre d'affaires s'est établi à 148% et celui du résultat net à 233%. En bourse, sa part de marché des volumes échangés avoisinait les 13,5%. C'est peut-être sur ces bases «exceptionnelles» que la valorisation de la banque d'affaires a été réalisée. Aujourd'hui, personne ne s'en plaint. Tout le monde a trouvé son compte dans la conclusion de ce partenariat. ◆ Le départ d'Omar Masri arrange tout le monde Omar Masri, un investisseur jordanien d'origine palestinienne, est le seul actionnaire d'Upline Group qui a choisi de se retirer au profit de la BCP. S'il avait accepté de rester dans le capital, il aurait vu sa participation baisser de 9% à près de 4%. Cette configuration ne lui convenait pas a priori. Ce retrait arrange d'ailleurs en quelque sorte les intérêts des actionnaires fondateurs d'Upline. En effet, en se retirant, Masri leur laisse le champ pour ne pas trop diluer leur participation, après l'opération d'augmentation de capital. «Nous voulions garder un certain pourcentage du capital. Si Masri était resté, notre part se serait diluée une deuxième fois», confie Hassan Aït Ali, président d'Upline. Tout le monde y trouve finalement son compte. La BCP obtient sa majorité. Les fondateurs disposent encore de 25% du capital de la banque d'affaires. Et Omar Masri sort de cette affaire en empochant un chèque, dont le montant restera, pour l'instant, un secret de polichinelle.