De quoi se plaignent nos cadres et patrons ? Sont-ils de taille à se mesurer aux turbulences actuelles ? Qu'en est-il du moral des uns et des autres dans les circonstances actuelles et dans la perspective d'un avenir proche où la visibilité n'est pas forcément évidente ? Le baromètre de Challenge Hebdo, réalisé en partenariat avec des spécialistes en sondages, donne le ton sur un moral guère au top. Explications de texte. Les patrons et cadres les plus sceptiques se contentaient de dire que 2008 allait être une année difficile. Mais aucun d'eux ne s'attendait à la crise financière internationale, dont les chaînes de télévision rabattent les péripéties en boucle. Pourtant, hormis la flambée des prix du baril qui a engendré la hausse des prix des matières premières et qui, par ricochet, a entraîné à son tour la baisse de la demande domestique, la machine économique était bien lancée. Mais, une fois encore, c'était sans compter sur la conjoncture internationale. À entendre les commentaires de nombre de patrons et de cadres d'entreprises, tout laisserait croire que l'on n'est pas loin du pire. Challenge Hebdo a décidé d'institutionnaliser un baromètre mensuel sur le moral des patrons à partir de ce mois-ci. Cela ne pouvait pas mieux tomber. Les résultats sont plutôt surprenants. Les 200 chefs d'entreprises et 300 cadres sondés du 6 au 17 octobre 2008 sont loin d'avoir un bon moral. Au juste, de quoi se plaignent nos cadres et patrons ? Sont-ils à la mesure des turbulences actuelles ? Qu'en est-il du moral des uns et des autres en de telles circonstances, par rapport à un avenir proche où la visibilité n'est pas forcément évidente ? La donnée de synthèse, qui est la somme de tous les scores favorables et défavorables et qui révèle le niveau du moral, en l'occurrence l'indice synthétique, est significative d'une ambivalence tant chez les cadres que chez les patrons. Avec un indice synthétique positif respectivement de +8 et +7, il faut dire tout simplement que le moral des cadres et patrons marocains semble légèrement « bon », mais fragilisé par l'environnement qui prévaut, lequel incontestablement inquiète lourdement. 87% des patrons comme 72% des cadres expriment leur grande inquiétude quant à la crise économique mondiale, laquelle pour la majorité des cadres et des patrons a déjà touché ou touchera le Maroc à partir de la fin de l'année. Parmi les cadres, ce sont les moins de 40 ans (80%) qui paraissent bien soucieux et particulièrement les femmes cadres (75%), davantage préoccupées. En tête des secteurs dont les cadres sont les plus pessimistes trône l'industrie. En effet, c'est dans ce secteur que les cadres « paniquent » le plus face à cette crise. Si l'on considère la taille de l'entreprise, les PME ou les grands entreprises (GE), on constate qu'elle n'est pas un facteur de différence. Dans la première catégorie d'entreprises comme dans la seconde, le sentiment est à l'inquiétude. Les mêmes tendances ressortent, s'agissant de l'exposition du Maroc à cette crise. Les données interpellent encore plus, quand on rapporte la crise actuelle aux « facteurs » déclencheurs. La mesure de la confiance à l'égard des organismes « coupables » corrobore les réactions universellement constatées : Bourse, sociétés de bourse, agences de notation sont lourdement sanctionnées, discréditées par les cadres comme par les patrons. On soulignera à ce propos que de par leur position et leur mission, les renvoyant à observer pour moult raisons les avis des agences de notation, les patrons sont extrêmement sévères à leur égard. La banque du Maroc, les banques marocaines et à un moindre degré les assurances préservent leur capital confiance tant auprès des cadres que des partis. Quoi qu'il en soit, le gouvernement en a pris pour son grade : 40 % des cadres interviewés n'approuvent pas sa politique. Du côté des chefs d'entreprises, paradoxalement, ils sont 68 % à adhérer à l'action gouvernementale actuelle. Normalité ou consensus de circonstance ? Au regard des avis sur l'efficacité du gouvernement Abass Fassi Fihri, la balance pourrait pencher pour le deuxième scénario. Par les temps qui courent, ce n'est pas uniquement l'action gouvernementale en direction du monde des affaires qui est mal perçue. Les patrons, contrairement à ce que l'on pourrait penser, sont très critiques à l'égard de leur grande confédération, la CGEM. Ils n'en sont pas vraiment satisfaits mais sans faire dans une large majorité, tranchante. ◆