Le ministère de la santé publique vise à enregistrer un taux d'écoulement de médicaments génériques d'environ 50%. Les laboratoires, dont le business se fait avec les princeps (produits d'origine), se laisseront-ils faire ? L'Etat compte sur l'AMO et le Ramed pour faire le contrepoids. En dehors de la crise que doit gérer la ministre de la Santé concernant l'affectation géographique des femmes médecins mariées, et à laquelle elle doit trouver une solution rapide, Yasmina Baddou a d'autres dossiers prioritaires à mener. Elle fait ainsi ressusciter un débat vieux de plusieurs années et dont le fond consiste à arriver à changer la donne en faisant monter sensiblement le taux de pénétration des médicaments génériques, aujourd'hui situé sous la barre des 30% pour le ramener à 50% à moyen terme (un taux enregistré notamment aux Etats-Unis). Objectif difficile à atteindre si l'on sait que ce taux est passé en dix ans de 20 à 30% seulement et qu'en dehors des hôpitaux publics qui utilisent à grande échelle les génériques, le secteur privé, quant à lui, est dominé, dans une large mesure, par le recours aux princeps (médicaments d'origine). Un spot publicitaire à forte diffusion visant la promotion des génériques lui permettra-t-il de toucher sa cible et de la convaincre d'opter pour ces produits beaucoup moins chers que les princeps ? Encore une fois, le deal n'est pas facile à conclure. Et pour cause. Il va falloir faire le poids devant les concurrents de taille que sont les laboratoires pharmaceutiques importateurs de médicaments d'origine. Ces derniers, sans aller jusqu'à déclarer une guerre ouverte, sont très agressifs sur le marché à travers une relation de grande proximité entretenue avec les cabinets de médecins et les cliniques privées. A travers des incitations en tout genre, dont la plus officielle consiste en des invitations récurrentes à des séminaires organisés à l'étranger avec tout le faste qui s'impose, ils arrivent à faire écouler quelque 140 millions d'unités par an, dépassant de très loin les performances réalisées par les génériques, dont les ventes sont pourtant boostées par des commandes en très grandes quantités émises par les établissements de santé dépendant de l'Etat. «Nous devons encourager les génériques par tous les moyens afin de garantir à un maximum de patients un accès aux soins, le coût global de l'ordonnance constituant un frein de taille au vu du pouvoir d'achat du citoyen lambda », rapporte Abdelaziz Agoumi, directeur des médicaments au ministère de la Santé. Bioéquivalence : la question bientôt tranchée Le processus d'appels d'offres privilégiant le moins disant aboutit généralement au choix de l'offre proposant des médicaments génériques. Une situation qui ne laisse pas indifférents les concurrents, qui avancent plusieurs arguments plaidant en leur faveur. «S'il est vrai que les génériques sont moins chers du fait qu'ils ne supportent pas les frais de la recherche, très lourds par ailleurs, ils ne répondent pas tous aux tests de bioéquivalence», lance une source proche d'un distributeur de princeps. «La bioéquivalence n'est pas automatique, dans le sens où elle ne s'applique qu'à certaines formes de produits. Tout dépend de la voie par laquelle le médicament en question est administré», répond d'emblée Ali Sedrati, président de l'AMIP (Association Marocaine de l'Industrie Pharmaceutique). Un argument conforté par Abdelaziz Agoumi : «les médicaments, par exemple, ne sont pas concernés». Et de poursuivre : «Actuellement, nous faisons subir aux médicaments différents types de tests rigoureux, dont ceux de bio solution, de stabilité… La bioéquivalence est un «plus» évoqué certes par le nouveau Code de la pharmacie, mais dont les détails fixant ses contours ne seront connus de tous qu'au moment de la publication des décrets d'application. Les textes sont prêts. Ils sont même validés, ce qui veut dire qu'ils sortiront incessamment». Avec la publication de ces décrets, le travail du laboratoire national des médicaments, dont le budget d'investissement est d'environ 10 millions de DH, connaîtra certainement quelques changements. Aujourd'hui en charge de l'octroi du visa d'approbation des médicaments, il statue aussi bien sur les demandes d'autorisation des deux types de médicaments. «Nous appliquons les mêmes critères de contrôle sans aucun a-priori pour garantir le même traitement aux produits. Nous les jugeons seulement sur la base de leur qualité, qui doit tout simplement être parfaitement irréprochable», lance Dr Agoumi. Il répond ainsi aux accusations formulées par certains professionnels. L'AMO et le Ramed, facteurs d'encouragement Yasmina Baddou le sait très bien. D'ailleurs, elle a élaboré son plan d'action en tenant compte de ces deux régimes d'assurance maladie. Que ce soit l'AMO ou encore le Ramed, qui permettra de couvrir une population d'environ 8 millions de personnes, ils contribueront tous les deux à favoriser les génériques, du fait que la commission en charge de l'étude des dossiers des patients veillera au grain en analysant le contenu des ordonnances et en exigeant, à niveau de qualités égales, les prescriptions les moins onéreuses. L'entrée en vigueur de l'AMO des pauvres au terme d'une période-test actuellement en cours constitue une donnée qui ne pouvait pas être incluse dans le programme des anciens gouvernements, mais qui constitue un facteur d'encouragement pour l'actuel ministre de la Santé. ◆