Le dernier rapport annuel de la Cour des Comptes pour l'année 2023-2024 met en lumière la situation préoccupante de la dette publique au Maroc et appelle à un contrôle rigoureux pour éviter une dérive budgétaire qui pourrait compromettre la stabilité économique du pays. Dans un contexte économique mondial incertain, marqué par des crises géopolitiques, des changements climatiques et des pressions inflationnistes, la gestion de la dette devient un enjeu prioritaire pour préserver la soutenabilité des finances publiques. Une dette en constante progression Selon les données dévoilées par la Cour des Comptes, le niveau de la dette publique continue de croître. En 2023, la dette totale représentait environ 71,5% du PIB, en hausse par rapport à 69,5% en 2022. Cette augmentation est principalement imputable à l'impact des crises successives, à la nécessité de soutenir des secteurs vitaux face à des défis économiques et sociaux, ainsi qu'à des dépenses exceptionnelles pour atténuer les effets de la sécheresse et des fluctuations des prix énergétiques. Lire aussi | Dette publique : quand la Banque mondiale tire la sonnette d'alarme Le rapport met en exergue une croissance notable de la dette extérieure, qui a atteint 253,6 milliards de dirhams, représentant un taux d'augmentation de 5,6% par rapport à l'année précédente. En parallèle, la dette intérieure a suivi une tendance similaire, dépassant les 763 milliards de dirhams, alourdissant encore le poids global de l'endettement. Un équilibre budgétaire fragile La Cour des Comptes souligne que, malgré des efforts pour maîtriser le déficit budgétaire, ce dernier reste élevé. En 2023, le déficit a atteint 4,4% du PIB, après 5,4% en 2022, ce qui témoigne d'une légère amélioration. Toutefois, selon les projections, il devrait se maintenir à 4,4% en 2024 avant de diminuer à 3,9% d'ici 2025, si les réformes en cours sont pleinement exécutées. Lire aussi | Surendettement des ménages. Bank Al Maghrib veille au grain La persistance du déficit s'explique notamment par la hausse continue des dépenses publiques, en particulier les dépenses sociales et les investissements dans les infrastructures, nécessaires pour accompagner les chantiers structurants du pays. Toutefois, ces dépenses, lorsqu'elles ne sont pas encadrées par des mécanismes de contrôle efficaces, risquent d'exacerber les déséquilibres financiers. Les recommandations de la Cour des Comptes Face à cette situation, la Cour des Comptes a formulé plusieurs recommandations pour assurer une meilleure gestion de la dette publique : Améliorer l'efficacité de l'investissement public : Il est impératif de renforcer la planification et l'exécution des projets pour garantir un meilleur retour sur investissement. De nombreux programmes accusent des retards importants, augmentant les coûts sans produire les effets escomptés sur l'économie. Optimiser les dépenses publiques : La rationalisation des dépenses courantes, notamment en matière de fonctionnement de l'administration, est un levier important pour réduire le déficit. Renforcer la mobilisation des ressources internes : La Cour appelle à une accélération des réformes fiscales pour élargir l'assiette fiscale et améliorer le recouvrement des impôts, tout en veillant à la justice sociale dans l'effort fiscal. Contrôler la soutenabilité de la dette : L'endettement doit rester dans des limites acceptables. La Cour préconise un suivi rigoureux des nouveaux engagements afin d'éviter tout risque de surendettement qui pèserait sur les générations futures. Un enjeu majeur pour la stabilité économique La maîtrise de la dette publique est aujourd'hui un impératif pour le Maroc, qui aspire à consolider sa position économique et à poursuivre son développement dans un environnement global complexe. Le rapport insiste sur l'importance de concilier croissance économique et rigueur budgétaire pour maintenir la confiance des investisseurs nationaux et internationaux. Lire aussi | Crédit du Maroc s'apprête à emprunter 500 millions de DH à travers des crédits de dettes subordonnés L'équilibre budgétaire dépendra aussi de la capacité du gouvernement à mettre en œuvre des réformes structurelles dans des secteurs clés, comme l'éducation, la santé et la fiscalité. Des actions concrètes sont également attendues pour limiter les pressions exercées par la conjoncture économique mondiale, notamment la volatilité des prix des matières premières et les défis climatiques. Des perspectives prometteuses sous condition Si les projections pour les années à venir tablent sur une amélioration progressive du déficit et de la gestion de la dette, la Cour des Comptes rappelle que ces avancées resteront tributaires d'une discipline budgétaire accrue et de la réussite des grands chantiers de réforme. Une attention particulière doit être accordée à l'alignement des politiques budgétaires avec les priorités stratégiques nationales, notamment en matière de développement durable et de justice sociale.