Entre les longues attentes désespérées sur les trottoirs, les destinations refusées et la surenchère des VTC, sans oublier les fausses annonces sur le type de voiture... le client final se trouve dans un véritable traquenard. Faut-il une réforme du taxi-transport ? Casablanca, à l'image des grandes métropoles, subit elle aussi le poids de la densité urbaine. En chiffres, par exemple, la région de Casablanca-Settat compte près de 6,5 millions de personnes. Et dans le domaine du transport, ce nombre se fait ressentir. Aux heures de pointe, les longues files d'attente de citadins attendant les taxis pour se rendre soit au travail, soit chez eux, ne passent pas inaperçues. Le matin, sur les grandes artères de Casablanca, les citadins sont dans une véritable course, au grand dam des taxis et VTC qui, eux, se frottent les mains. Aujourd'hui, le constat est amer : le client final semble pris au piège. Dans notre enquête de terrain, nous avons constaté que les citadins qui optent pour les taxis sont contraints de subir, au quotidien, les aléas des taxis. Parmi les problèmes rencontrés : les refus de destination, les croisements de destinations qui augmentent parfois le prix de la course et la durée du trajet, sans oublier les détours injustifiés. Le chaos règne et l'on se demande s'il est possible de réorganiser ce secteur, qui semble être devenu un terrain de jeu pour les hors-la-loi sur roues. Lire aussi | La recette de Larabi Jaïdi pour faire évoluer le système statistique Par ailleurs, dans la niche des VTC, ce qui représentait pour beaucoup une alternative, est en train de se transformer en fardeau pour les citoyens. Aujourd'hui, ces conducteurs particuliers, aux heures de pointe, s'adonnent à une spéculation sans limite, sous prétexte de la rareté des taxis rouges, ce qui fait exploser les coûts de transport pour les citoyens. Pour une course moyenne de 40 Dh par jour, certains peuvent se retrouver à payer deux, voire trois fois le prix. De plus, ces conducteurs n'hésitent pas à faire de fausses annonces sur le type de voiture conditionnant le prix de la course. Par exemple, pour une course « confort », qui est plus chère et destinée à un véhicule haut de gamme, on peut se retrouver avec un conducteur qui vient avec une voiture de gamme standard. Rappelons que le gouvernement n'est pas resté indifférent. Face à cette colère ambiante des citoyens, le ministre de l'Intérieur, Abdelouafi Laftit, avait, en mai dernier, dévoilé une série de mesures pour réorganiser le secteur des petits taxis. Il avait annoncé que les autorités régionales étaient désormais chargées de prendre des décisions réglementaires spécifiques aux conditions d'exploitation des taxis, avec une attention particulière au respect des normes de qualité et de comportement professionnel des chauffeurs. « Le problème est que le Maroc est un pays d'investissement et de tourisme, or on constate que les chauffeurs ne maîtrisent ni le français, ni l'anglais, ni même l'espagnol dans le nord ou le sud. Ceci pose également le problème de la communication et de la compréhension entre chauffeurs et clients », nous confie une source anonyme. Pour quelle réforme ? Lors d'une séance parlementaire, Laftit, en réponse à une question du parlementaire Nabil Dakhch, du groupe Haraki (Mouvement Populaire), avait mis en avant les sanctions prévues par la loi contre les actions immorales des chauffeurs, telles que le refus de transporter un client sans justification, l'augmentation non autorisée des tarifs et la non-utilisation du compteur. Le ministre avait assuré que, pour garantir le respect de ces règles, les autorités collaborent étroitement avec les services de sécurité chargés de la surveillance routière, prenant des mesures répressives contre les contrevenants. Lire aussi | Les taxis au Maroc : une intolérable toute-puissance Rappelons qu'entre janvier 2023 et fin février 2024, à titre d'exemple, 317 licences de confiance ont été retirées à Marrakech pour des durées allant d'un à six mois, tandis que 15 licences ont été temporairement suspendues en attente de décisions judiciaires. Le ministre avait également évoqué un effort national pour unifier les réglementations du secteur du transport par taxi, en généralisant les règles et procédures à toutes les préfectures et provinces. Ainsi, dans le cadre de la modernisation du secteur, un programme de soutien avait été lancé, incluant le renouvellement de la flotte de taxis, ce qui a significativement amélioré les services offerts aux clients, selon le ministre. Des partenariats ont été mis en place pour renforcer la qualité des programmes de formation destinés aux chauffeurs professionnels. Des initiatives visant à moderniser les services de taxis, notamment via l'usage de technologies modernes pour la réservation, ont été soutenues par le ministère. Le ministre avait aussi exprimé son engagement à accompagner ces initiatives pour améliorer et réguler les services de taxis. Pour notre source : « On doit exiger des chauffeurs, au minimum, un diplôme deux ans après le bac, ainsi qu'un certificat attestant que le chauffeur maîtrise au moins le français, sinon l'anglais ou l'espagnol, ce qui permettra de préparer le Maroc pour la Coupe du monde 2030 ». Et d'ajouter : « Il ne faut pas seulement moderniser la flotte automobile des taxis, il faut aussi moderniser les chauffeurs, en permettant aux jeunes d'accéder à ce métier en valorisant cette profession ». Aujourd'hui, nous sommes en droit de nous demander : est-ce que la réorganisation de ce secteur tumultueux portera ses fruits ? Les citoyens et les touristes pourront-ils enfin se déplacer sans tracas, ou cette guerre des taxis continuera-t-elle de hanter les rues marocaines ? Seul le temps nous le dira.