Nouvelle réforme, énième polémique. La fusion CNSS-CNOPS ne devrait pas passer comme une lettre à la poste. Les syndicats et les fonctionnaires restent sur le pied de guerre. Le gouvernement temporise et va, vraisemblablement, revoir sa copie. Dans les milieux syndicaux, l'heure est à la sensibilisation contre le «péril» que constitue la dissolution de la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS), qui regroupe huit mutuelles des fonctionnaires et employés de l'Etat. Les syndicalistes rameutent les troupes et préparent leurs adhérents et sympathisants à toutes les éventualités, y compris l'organisation d'actions de protestation, dans le cas où le gouvernement tente de passer en force et faire adopter le projet de loi 54.23 portant sur la fusion de la CNOPS avec la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Démarche unilatérale La montée soudaine d'adrénaline laisse dubitatif, quand on sait que la loi-cadre N° 09.21 sur la protection sociale prévoit l'unification des instances chargées de la gestion de la sécurité sociale. De plus, cette fusion-absorption était dans les cartons du gouvernement depuis longtemps et la direction de la CNOPS était totalement au fait des intentions de l'Exécutif. Lire aussi | AMO: Un projet de loi adopté en Conseil de gouvernement Les réactions épidermiques des centrales syndicales renseignent en partie sur les raisons de cette levée de bouclier. A l'unisson, elles reprochent au gouvernement de ne pas les avoir impliquées à l'élaboration du projet de loi, alors qu'il s'agit d'une question primordiale pour des centaines de milliers de fonctionnaires et leurs familles. Dit autrement, le gouvernement se voit reprocher la fameuse et sempiternelle «démarche unilatérale». Les syndicats semblent avoir été entendues. Le Conseil de gouvernement a reporté, sine die, l'examen du projet de loi, devenu le centre des discussions de couloirs dans les administrations. Comme toujours, le défaut d'une communication officielle méthodique et pédagogique laisse place aux rumeurs les plus folles. Touche pas à mes acquis «Nous estimons qu'il doit être examiné plus en profondeur, et c'est ce que nous allons faire. Lorsque nous arriverons à un texte qui réponde à toutes les questions, alors nous l'adoptons», déclare le porte-parole gouvernemental Mustapha Baitas, au terme du Conseil de jeudi 19 septembre. Lire aussi | Remboursement des frais de santé. Une question de numérisation avant tout Loin des calculs politiciens et des envolées lyriques des uns et des autres, des fonctionnaires de l'Etat nous ont confié qu'ils veulent, tout simplement, des réponses directes et sans langue de bois pour apaiser ou confirmer leurs craintes. Aussi bien les actifs que les retraités de la fonction publique souhaitent que l'on les rassure sur le maintien de leurs acquis dans l'hypothèse plus que probable de leur reversement dans une caisse en charge du secteur privé. Il suffit d'entrer sur le site web de l'Agence nationale de l'assurance maladie (ANAM), l'établissement public en charge de la régulation de l'Assurance Maladie Obligatoire (AMO), pour comprendre l'inquiétude des adhérents de la CNOPS. Un gap à combler Quand on consulte, à titre d'exemple, les taux de remboursement pour les affections de longue durée et affections lourdes et coûteuses (ALD/ALC), communément appelées longues maladies, il y a un véritable gap entre la CNOPS et la CNSS, les deux organismes gestionnaires de l'AMO. Lire aussi | Rentrée Economique. De nombreux dossiers sur la table des entreprises Pour la CNOPS, l'assuré est exonéré totalement ou partiellement de la part restant à sa charge selon le type de maladies telles que prévues dans la liste arrêtée par le ministre de la Santé. La part restant à la charge de l'assuré ne peut être supérieure à 10% de la tarification nationale de référence pour ces maladies. S'agissant de la CNSS, le taux de couverture des ADL/ACL est fixé à 70% de la tarification nationale de référence. La différence de remboursement peut s'avérer lourde de conséquences pour les malades chroniques, dont les traitements sont généralement onéreux. Les consultations et les visites chez les médecins généralistes et spécialistes pour les adhérents de la CNOPS sont remboursées à 80% par l'AMO de base, en plus de la contribution de la couverture complémentaire assurée par les Mutuelles. C'est un peu plus que la CNSS, où le taux est fixé à 70 % de la tarification nationale de référence pour les soins prodigués dans le privé. Une unification inéluctable mais à quel prix De là, on peut aisément comprendre la frustration qui commence à s'emparer des fonctionnaires. Il est improbable qu'ils puissent accepter de renoncer à leurs acquis, sauf si le gouvernement trouve le bon dosage entre préservation des droits sociaux et réalisation de l'ambitieux chantier de génération de la protection. Lire aussi | À partir de janvier, les salaires des Marocains vont augmenter «Il ne s'agit pas d'une réforme facile, dans la mesure où elle touche à une question vaste et profonde et qu'elle implique des partenaires et des adhérents», admet Mustapha Baitas, par ailleurs ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Du point de vue du gouvernement, la CNSS serait la mieux placée pour jouer le rôle de tête de pont de la réforme du système de protection sociale au Maroc. Les comptes de la Caisse affichent un excédent de plusieurs milliards de dirhams, contrairement à la CNOPS qui est en difficulté financière. Quoique inscrite noir sur blanc dans la loi-cadre de la protection sociale, l'unification des deux caisses fera face à une farouche résistance de la part des Mutuelles et de leurs adhérents, à moins que le gouvernement ne leur accorde des concessions sur la tarification nationale de référence.