A l'instar du secteur de l'éducation, le secteur de la santé est au cœur du développement humain. La « réforme », actuellement en cours, peine à trouver son chemin et surtout à faire adhérer les principaux acteurs que sont les professionnels de la santé. Tout d'abord un petit flash back sur les facteurs de la crise actuelle du secteur de la santé. Car, en effet, la crise n'est pas tombée du ciel. Il faudrait donc la chercher sur terre, surtout à travers les choix politiques officiels suivis et appliqués au cours des dernières décennies. Ainsi, sans remonter très loin dans le passé, au cours des années 1980, le Maroc n'a pas échappé à cette « épidémie » de la « pensée unique », fondée sur la doxa néolibérale. Tout devait être soumis à la loi du marché. Margaret Thatcher, fière de cette « découverte », clôturait ses discours par la formule « There is no alternative ! ». A cette époque, le Maroc, en crise économique et financière, aggravée par une longue sécheresse, a été acculé à suivre les « solutions » préconisées par les institutions financières internationales de Bretton Woods. Réduire les dépenses publiques, désengager l'Etat de l'économie au sens le plus large, privatiser, supprimer les subventions aux produits de première nécessité, rendre les relations de travail plus « flexibles », c'est-à-dire réduire le coût de la force de travail et précariser le salariat au profit du capital (...). Autant de mesures qui vont être appliquées à la lettre, souvent sans résultats, voire avec des effets inverses, notamment en termes de chômage, de précarité et de pauvreté, au sens le plus large. Lire aussi | S.M. le Roi Mohammed VI, 25 ans de règne. Entre continuité et vives espérances La crise sanitaire mondiale déclenchée par le Covid-19, en 2020, va révéler l'ampleur des dégâts et des faiblesses structurelles accumulées par la plupart des Etats dans le monde, en particulier dans le domaine de la santé, un domaine devenu ultra-marchandisé, sous l'égide de grandes multinationales qui ont réussi à s'imposer même dans le système onusien, à travers l'Organisation Mondiale de la Santé (...), financée indirectement à hauteur de plus de 80% par ces mêmes multinationales. Cette crise sanitaire mondiale va mettre à nu l'état catastrophique des systèmes de santé, en particulier, dans les « pays du sud » dont le Maroc, où le Souverain, dès le début de la récente crise sanitaire, a pris conscience de l'urgence et a lancé un appel historique : « La santé d'abord ! ». Cet appel semble actuellement avoir été vite oublié par nos chers gouvernants du moment. « La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent » (A. EINSTEIN). Aujourd'hui, le gouvernement propose une « refonte du système sanitaire », en créant des « structures régionales intégrées », avec plus d'autonomie et de prérogatives. De nouveaux CHU sont prévus dans certaines régions. Le budget du ministère de la santé a été augmenté de 9,1%. Une réforme de certaines structures opaques, sources de pratiques non éthiques, est promise. C'est notamment le cas de la « Direction des médicaments et de la pharmacie », appelée à devenir une agence (...). Tout cela semble de bonne augure. Dans la réalité, c'est surtout le secteur médical privé qui prolifère. La réforme entamée dans le secteur public est principalement technique. Sa première force nourricière qui est humaine, demeure marginalisée. Lire aussi | Ministère de l'Intérieur : 592 agents d'autorité, soit 23% de l'effectif total, ont été mutés D'où l'importance d'être à l'écoute, de se concerter, d'impliquer, de faire participer les principaux acteurs que sont les professionnels de la santé, dans ce processus. Et ce n'est pas uniquement au niveau des rémunérations qui méritent effectivement d'être substantiellement valorisées. Le professionnel de la santé n'a pas uniquement un « ventre à remplir ». Les conditions professionnelles immatérielles sont de loin plus importantes et déterminantes. Le médecin ou l'infirmier est d'abord un être humain. La protection de la dignité humaine du professionnel de santé est primordiale. Sans cette dimension humaniste et fondamentale dans le secteur de la santé, la médecine n'aurait pas de sens. Et l'apprentissage de la culture de dialogue commence bien avant, au cours de la formation. Le bras de fer actuel qui dure depuis plusieurs mois entre les facultés de médecine et de pharmacie et le gouvernement illustre bien cette réalité où persiste un ancien mode de gouvernance, dans lequel le professionnel de la santé, sans voix, est appelé à s'habituer, voire à se déshumaniser, à s'exécuter et à se taire. Par ailleurs, actuellement, le parent pauvre de la médecine semble être la « médecine préventive ». A ce niveau, le ministère de la santé semble quasi-totalement absent. Nombreuses sont les maladies infectieuses que l'on croyait éradiquées et qui reviennent avec force. C'est notamment le cas de la tuberculose. Il en est de même de nombreuses affections pouvant être évitées en encourageant et en vulgarisant les connaissances et les pratiques d'hygiène de vie, notamment dans le domaine alimentaire, du sport (...). A l'instar de la réforme du système d'éducation qui a mis l'intérêt de l'élève au centre des objectifs définis, la réforme du système de santé devrait mettre l'intérêt du citoyen, en tant qu'être humain, et non uniquement en tant que « patient-client », au centre des politiques publiques sanitaires, guidées stratégiquement vers la réalisation d'une souveraineté sanitaire où la recherche scientifique joue un rôle clé. La logique de la loi de l'offre et de la demande dans ce secteur hautement sensible humainement, socialement et politiquement est à écarter. La santé n'est pas une marchandise. Le « droit à la vie » a été élevé dans la dernière Constitution, en tant que droit humain fondamental. La déclinaison effective de ce principe constitutionnel dans un « Etat social » s'apprécie concrètement à travers la création de services publics de santé de qualité, transparents et équitablement accessibles.