La pérennité des régimes de retraite de la CMR est condamnée à moyen terme. Au sein de cet établissement public, les associations représentatives des retraités font pression sur la direction, à quelques encablures du renouvellement des membres du conseil d'administration. L'équilibre financier des régimes de retraite de la Caisse Marocaine des Retraites (CMR) est menacé, mettant en péril leur pérennité. Si rien ne se fait dans les trois années à venir, la Caisse puisera dans ses réserves, évaluées actuellement à 47 milliards de DH, pour assurer sa survie et celle des pensionnaires. Au-delà de 2020, c'est la mort annoncée des régimes de retraite civil et militaire que gère la Caisse, fondés sur la répartition, que sont le régime des pensions civiles qui couvre les fonctionnaires titulaires de l'Etat, les agents des collectivités locales et de certains établissements publics, ainsi que le régime des pensions militaires qui couvre la population des Forces armées royales, de la Gendarmerie royale et des forces auxiliaires. Actuellement, le grand souci est la consolidation de l'équilibre financier dans une vision à long terme. On croyait que ce déséquilibre était le résultat de plusieurs anomalies dont le versement tardif (contribution) par l'Etat de ses arriérés. Ce problème fait désormais partie du passé. Une page tournée, puisque l'Etat a versé à la CMR 11 milliards de DH et a commencé à verser le manque à gagner induit par l'opération de départs volontaires à la retraite et dont le montant s'élève à 7,5 milliards de DH. Le problème épineux derrière cette situation de déficit a trait au rapport démographique actif/retraité. Alors qu'il y a quelques années, 20 actifs (on en comptait même 30) contribuaient pour payer la pension d'un seul retraité, aujourd'hui, l'équation montre 3 actifs contre 1 retraité. Et la tendance est à la baisse. Cela condamnera la Caisse à mettre la main dans ses réserves, constituées des dividendes tirés de participations en Bourse ou d'autres projets rentables, estimées à 47 MMDH. Et quand bien même cette solution constitue pour l'heure la voie incontournable, le système des régimes de retraite est menacé de disparition. Plusieurs axes de réforme ont été étudiés, notamment le relèvement de l'âge légal de retraite de 60 à 65 ans et l'introduction d'une dose de capitalisation dans les régimes de retraite. Pression à l'approche des élections Plusieurs études actuarielles effectuées entre 1997 et 2006 ont permis à la CMR de sensibiliser les pouvoirs publics sur la nécessité d'engager les réformes nécessaires pour sauvegarder la solvabilité à long terme des régimes de retraite, civil et militaire. Des efforts ont été déployés en matière de rajeunissement du personnel, d'amélioration du taux d'encadrement qui a atteint aujourd'hui 45%, d'adaptation des profils et des compétences aux nouveaux métiers qu'exige la gestion d'un organisme de retraite tels que le contrôle de gestion, l'audit et le pilotage actuariel et financier. Des changements ont touché la gestion administrative. Le Conseil d'administration, à représentation tripartite (organismes employeurs, affiliés et retraités), est composé de 14 membres. Le choix de la représentation tripartite au sein du conseil d'administration est justifié par la volonté d'impliquer les partenaires concernés aussi bien dans la gestion de la Caisse que dans la mission de sauvegarde de l'équilibre des régimes. Parmi les 14 membres, 2 représentent les 107 associations des retraités. Selon M. Mbarki, président de la fédération nationale des associations des retraités au Maroc, qui regroupe 51 associations, la direction de la CMR rechigne à travailler à renforcer leur représentativité au niveau du conseil d'administration. Selon lui toujours, il est incompréhensible que les deux membres soient désignés par le ministère des Finances. «C'est injuste», s'insurge-t-il. La Fédération fait pression, à quelques jours de la tenue d'une réunion de renouvellement des membres du conseil d'administration de la Caisse. «D'après la réglementation en vigueur, les deux représentants des retraités, l'officiel et le suppléant, sont désignés par le ministère des Finances. S'ils veulent avoir davantage de sièges, il faut revoir les textes de loi. Dans ce sens, le conseil a émis ses recommandations dans le cadre d'un projet de loi qui sera examiné par le ministère chargé de la modernisation des secteurs publics. Le but est d'organiser l'élection des représentants et non leur désignation», rétorque Mohamed Bendriss Benahmed, directeur de la CMR. Outre ce point, la Fédération relève le fait que la direction n'a pas songé à des augmentations par rapport à la grille entière des pensions. Elle appelle à une réforme de l'article 12 de la loi 11-71. Pour Mohamed Bendriss Benhamed, la Caisse a procédé à deux augmentations. La première concerne la pension minimale qui est passée de 500 à 600 DH. La deuxième, elle, touche l'allocation familiale. Elle passe désormais à 200 DH mensuels au lieu de 150. «Ces deux augmentations vont mobiliser un budget de 200 millions de DH annuellement», explique-t-il. Le spectre de la paralysie financière Mais là où le bât blesse, et où la fédération et les autres associations représentatives s'arrêtent pour afficher leur mécontentement, c'est le spectre de la paralysie financière qui plane sur la Caisse. Là aussi, le directeur de la CMR trouve des arguments tangibles : «D'ici 2020, il n'y a aucune menace. Jusqu'en 2012, tout va bien. Au-delà de cette date, les recettes vont être inférieures aux dépenses compte tenu du rapport démographique déficitaire. A ce moment-là, nous allons puiser dans nos réserves. Malgré cela, pour éviter toute menace d'insuffisance, nous invitons le gouvernement à réfléchir à l'avenir des régimes de retraite. Déjà, la commission technique ad hoc a chargé un cabinet international d'une étude dans ce sens ». Cette étude ne sera prête qu'à fin 2009 ou début 2010. A moins d'un mois des élections des nouveaux membres du conseil d'administration de la CMR, les différentes associations des retraités montent au créneau pour faire pression sur la direction. Certaines de ses revendications, même si elles paraissent logiques, demeurent financièrement lourdes, alors même que l'existence ou la pérennité de tout le système des régimes de retraite est tributaire d'un séisme financier qui peut ne pas arriver. A condition que le gouvernement actuel se penche sérieusement et durablement sur la question.