L'Institut Marocain d'Intelligence Stratégique (IMIS) dévoile son dernier rapport de recommandations sur le numérique. Intitulé « Souveraineté Numérique : Pourquoi le Maroc ne peut y échapper », ce document aborde la question de la souveraineté numérique et de la manière dont le Maroc doit progressivement construire et gérer cet outil stratégique sur le long terme. À seulement deux jours du Gitex Africa, un événement phare du numérique où le Maroc a récemment affirmé clairement ses ambitions en la matière, l'IMIS annonce les couleurs à travers son nouveau rapport. À l'aune de l'ambition de Hub digital du Maroc, l'objectif affiché par les experts de l'Institut est d'identifier les domaines stratégiques permettant de poser les fondations solides d'une politique numérique souveraine et pragmatique, tenant compte des réalités du terrain et des limites en capital auxquelles est confronté le Royaume. « Cette situation où notre continent ne dispose pas des atouts pour assurer une autonomie numérique même élémentaire est, bien entendu, alarmante. Pour le Maroc, qui ambitionne de devenir la première puissance numérique en Afrique, il s'agit donc d'un enjeu vital et d'une condition pour un développement économique soutenable et inclusif sur le long terme, pour renforcer à terme son influence à l'échelle régionale », lit-on dans le rapport. Lire aussi | Le Maroc devant la Russie et la France au classement des pays les plus admirés en Afrique « Dans le cas du Maroc, le pays est doté d'atouts indéniables qui lui permettraient de prétendre à un statut de « sherpa » en tendant vers un niveau de souveraineté numérique inédit sur le continent. S'il réussissait cette transformation, il lui serait ensuite possible de s'appuyer dessus pour en faire bénéficier ses partenaires subsahariens. Mais pour cela, il convient tout d'abord de cerner les enjeux sous-jacents et non adressés jusqu'ici, qui vont de la déstabilisation à l'ingérence étrangère, en passant par l'asymétrie technologique. Toutefois, ce volet stratégique porte en lui autant d'opportunités, à condition que le Royaume se mette en position favorable pour les attirer. » Datacenters, cloud et flux de données : catalyseurs du développement numérique ? Disposer de ses propres infrastructures numériques et se doter de la capacité de stocker ses données in situ est donc avant tout un enjeu économique, avant d'être un enjeu de sécurité nationale. Selon les experts de l'IMIS, ce secteur représente une véritable manne. Le rapport constate que le Royaume accuse aujourd'hui un retard important dans le développement du cloud et, plus généralement, dans l'externalisation des ressources informatiques : le taux d'externalisation ne dépassait pas 14 % en 2020, alors qu'il atteignait 35 % en Europe de l'Ouest et 51 % en Asie-Pacifique. « Au Maroc, il est admis de tous que nous accusons globalement un retard qu'on ne peut pas se permettre sur le numérique. Ce papier vient injecter un nouveau souffle dans le débat public autour de ce secteur pour rappeler le potentiel économique considérable du numérique, souligner la dimension de « nouveau champ de souveraineté » pour le Royaume et mettre en avant un point très important qu'on a tendance à oublier : le réservoir des talents de la Tech des Marocains du Monde, qui donne de sacrés avantages à notre économie numérique, si nous savons l'exploiter », nous confie Hicham Kasraoui, Expert IT chez Malten France. Intelligence artificielle et informatique quantique : comment rester dans la course des technologies de rupture ? Selon les estimations les plus conservatrices effectuées au cours des travaux de recherche de ce Policy Paper, les prévisions de revenus liés à l'Intelligence artificielle sous toutes ses formes devraient approcher les 2 trillions de dollars à horizon 2030. Pour l'IMIS, le Maroc doit adopter un positionnement adapté à ses atouts et besoins pour tirer parti de la concurrence internationale dans ce secteur. Lire aussi | Etude : Vous respirez un gaz potentiellement cancérigène dans votre voiture sans le savoir Le Royaume s'est doté de certains prérequis, notamment en infrastructures, pour se conformer à la pression mondiale et ne pas décrocher face à l'arrivée sur le marché de concurrents particulièrement innovants et disruptifs. Mais à ce stade, les investissements sont très majoritairement concentrés au niveau d'un seul organisme, l'UM6P. Cette jeune institution a inauguré en février 2021 le supercalculateur le plus puissant d'Afrique, propulsant ainsi directement le Maroc au 26e rang mondial en termes de capacités de calcul. Le « African Supercomputing Center » délivre une puissance de calcul équivalente à 8 000 ordinateurs basiques, traitant 3 millions de milliards d'opérations à la seconde. Pour rappel, le Maroc se classe au 88e rang mondial dans le nouveau rapport sur l'indice gouvernemental de préparation à l'Intelligence Artificielle. Le rapport de MoroccoAI « Recommandations towards a National AI strategy for Morocco » classe quant à lui le Maroc en 4e position sur son continent. L'enjeu des compétences L'employabilité des talents sur le territoire et dans l'intérêt national est la clé d'une souveraineté numérique pérenne pour le Royaume. Le capital humain est le seul véritable capital d'une économie numérique, ou à minima, l'intrant principal qui permet aux autres volets de l'industrie numérique de se développer. Sans l'ingrédient fondamental d'une main d'œuvre qualifiée disposant de compétences adéquates, il est vain de se lancer dans la course. Il s'agit donc de réduire l'écart entre compétences numériques, marché et besoins nationaux pour la souveraineté numérique, afin d'accélérer l'acquisition de compétences numériques pour la transformation digitale de l'économie nationale. Par nature transverse, la zone de conquête des compétences vise à acquérir proactivement les compétences nécessaires, principalement par deux voies : 1. La voie organique : o La formation initiale et académique des Marocains, jeunes et moins jeunes. o La formation professionnelle et continue des actifs en impliquant notamment l'Agence de promotion de l'emploi et des compétences (ANAPEC). 2. La voie externe : o Le recrutement d'experts étrangers, professionnels ou universitaires capables de transmettre leurs connaissances. o La mise en place de dispositifs à destination des Marocains du monde et autres talents internationaux, capables à la fois de transmettre leurs connaissances, mais aussi d'entreprendre sur le territoire national.