Miloud Chaâbi a acquis un terrain et obtenu son immatriculation en 2005, alors qu'il était supposé être confisqué au profit de l'Etat. Si cette affaire a très vite abouti à l'incrimination du conservateur de Tanger et à son arrestation en juin 2007, il n'en reste pas moins que les responsabilités ne sont toujours pas tranchées. L'affaire avait fait les choux gras de la presse en juin 2007. Mais depuis, c'est plutôt silence radio. «Vous savez, c'est parce que le conservateur est aujourd'hui en liberté provisoire, et ce depuis la veille de l'Aïd Al Kébir à peu près. Auparavant, il y avait beaucoup de pressions de toutes parts», explique un notaire de Tanger. En effet, établir la responsabilité de chacun ne semble plus être une priorité, car même la date d'audience, prévue initialement en mars dernier, a été reportée. Le conservateur foncier de Tanger, Ahmed Bendahmen, est poursuivi pour «dilapidation de biens publics et non respect d'une décision de justice». Ce qu'il faut tout d'abord préciser dans cette affaire, c'est que le terrain objet du litige ici est d'une superficie de 67 hectares sur la côte Atlantique, dans la commune rurale de Boukhalef, à une dizaine de kilomètres de Tanger. Autrement dit une zone à fort potentiel économique, très convoitée depuis. D'ailleurs, à proximité se trouvent entre autres une zone industrielle et une zone offshore. Le conservateur, bouc émissaire? En 1995, ce terrain, propriété d'un trafiquant de drogue, est réquisitionné par l'Etat dans le cadre de la campagne d'assainissement de l'époque. «La justice adresse alors une lettre (n°5477) datant du 7 octobre 1996 à la conservation foncière de Tanger pour lui signifier la saisie. Seulement, il manquait des documents, comme le prévoit la loi, pour permettre au conservateur d'inscrire définitivement la saisie sur le titre foncier», nous explique le même notaire. Le titre foncier n°602/G est donc resté dans les placards, sans qu'aucune mention n'y soit inscrite. En 2005, Miloud Chaâbi devient acquéreur du terrain. C'est donc Mimmoun Izdoufen qui a contracté la vente avec Miloud Chaâbi. Mais l'affaire en question n'a été déclenchée que lorsque les services du domaine privé de l'Etat ont porté plainte sous le numéro 4205/13/2006, concernant la cession illégale d'un terrain devenu propriété de l'Etat suite à une décision juridictionnelle de confiscation. Voilà ce que le patron de Ynna Holding a déclaré à la presse en juin dernier : «Vous savez, avant de finaliser toute opération d'acquisition de terrain, il y a une équipe de notaires et de techniciens spécialisés qui sont chargés uniquement de l'étude de ce genre de détails. Pour nous, il n'y a aucun problème puisque ce lot de terrain est immatriculé!». Chaâbi ira même plus loin, en reportant la faute sur les Domaines privés de l'Etat qui auraient «failli à leur devoir en 1996, en omettant de transmettre à la conservation de Tanger-Ville les noms des propriétaires fonciers poursuivis dans le cadre de la campagne d'assainissement et la liste de leurs biens immobiliers faisant l'objet d'une éventuelle confiscation au profit du domaine privé de l'Etat». Du côté du conservateur, il maintient alors que tant qu'il n'avait pas les documents exigés par la loi, il ne pouvait inscrire la saisie sur le titre foncier. Cependant, un topographe connaissant bien l'affaire nous fait état d'autres rumeurs concernant ce dossier: «on dit que le conservateur, lorsque l'acte notarié lui a été présenté, a appelé Rabat en précisant qu'il avait connaissance de la saisie même s'il elle n'était inscrite sur le titre foncier. Il aurait également mentionné l'identité de l'acquéreur, à savoir Miloud Chaâbi. Après quoi, on lui a donné l'accord pour enregistrer le titre, en lui précisant qu'il fallait défendre les intérêts de la conservation, en se conformant à ses lois». Si aujourd'hui le procès est reporté, ce serait entre autre pour appeler à la barre Miloud Chaâbi, comme le précise une dépêche de la MAP datant du 19 mars dernier: «la Cour a décidé de reporter le procès pour pouvoir convoquer le responsable de l'entreprise immobilière ayant acheté le terrain en question». Affaire à suivre… ◆