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Lobby au Parlement :comment ça marche
Publié dans Challenge le 19 - 05 - 2007

Face au manque de vigilance et de compétence des groupes parlementaires sur des sujets techniques demandant des ressources humaines qualifiées, le lobbying apparaît comme une nécessité pour assurer l'efficacité de l'action parlementaire. Mais attention, il faut savoir viser juste. En voici quelques cibles.
Pas plus tard que la semaine dernière, le responsable d'un cabinet de lobbying marocain (oui, il en existe bel et bien chez nous !) a souhaité prendre attache avec quelques journalistes de la place, afin de se procurer «certaines ficelles» pour pénétrer l'univers parlementaire et en décoder le langage. Toutefois, notre expert en lobbying ne souhaite pas s'afficher officiellement. Il préfère rester dans l'ombre. Ce qu'il souhaite avant tout, c'est comprendre «comment» et surtout «qui» il faut contacter au Parlement pour défendre la cause de ses multiples clients, existants ou potentiels. Cette anecdote résume assez bien la situation du «lobbying au Parlement marocain».
Nous avons, d'une part, un pouvoir législatif méconnu, suscitant la méfiance et en apparence opaque, et d'autre part, des lobbyistes peu enclins à s'afficher au grand jour pour des raisons purement sociologiques. Entre les deux, il y a des intérêts qui varient selon les commanditaires du lobbying. Argent, pouvoir, situation de rente, raison politique ou sociale, le lobbying parlementaire est un fourre-tout. De la défense de la veuve et de l'orphelin à celle du milliardaire qui ne veut pas lâcher du lest, le parlementaire joue à l'équilibriste selon les intérêts de sa circonscription, sa situation propre ou selon les orientations de son parti (membre du gouvernement ou pas). Le lobbyiste doit ainsi impérativement savoir à qui il a à faire et quels sont les enjeux en place avant de taper à une porte parlementaire.
Rappelez-vous la polémique sur l'imposition de l'agriculture, qui avait unifié nos parlementaires en un bloc étanche, avant de se transformer en une proposition de loi fiscale. Dans moins de quatre ans, la polémique reprendra de plus belle sur ce sujet, et parions qu'on entendra les ténors parlementaires plaider la cause rurale et la franchise fiscale pour les agriculteurs, grands ou petits.
Pourquoi ? Pour la simple raison que le parlement regorge d'exploitants terriens. Imaginez dans ce cas ce que subira une tentative de réforme agraire. Le lobbyiste a ainsi intérêt à analyser les tenants et les aboutissants dans une affaire avant de choisir son camp.
Lobbying direct :
les groupes de la majorité ont la cote
En fait, l'action parlementaire, telle qu'elle a été vécue par nos hommes et femmes politiques, montre qu'il y a deux grands types de lobbying exercés auprès des élus du peuple. Le premier est direct, clair et quasiment officiel. Quant au second, il est plus sournois, se déroule toujours en catimini, loin des murs du Parlement, donc souvent «condamnable», selon l'expression de certains parlementaires interrogés dans le cadre de cette enquête. «Je n'ai rien contre le phénomène du lobbying au sens large du terme, à condition qu'il soit un moyen pour l'opinion publique, la société civile ou même un groupe restreint de citoyens, d'attirer l'attention des parlementaires sur des questions qui risquent de leur échapper», souligne Abdelqader Amara, député du PJD, qui ne cache pas avoir soutenu le «lobby» des vétérinaires lors de la discussion du projet de code de médicaments et de pharmacie.
Un fonctionnaire de la Chambre des Représentants, affecté à un groupe parlementaire de la majorité, explique que régulièrement «le président du groupe reçoit, par fax ou par courrier, des demandes d'audience de la part de professionnels de quasiment tous les secteurs d'activités possibles et imaginables». Cela va des puissants ordres professionnels (avocats, architectes, médecins, …) aux diplômés chômeurs, en passant par des responsables de coopératives, etc. Bien évidemment, toutes les demandes d'entrevue ne sont pas prises en considération. Certaines vont directement à la poubelle. D'autres, émanant de puissants «secteurs d'activités», sont immédiatement traitées par les groupes parlementaires.
En fait, ce lobbying direct se déclenche après coup. C'est-à-dire une fois qu'un projet de loi, déposé au Parlement, menace les intérêts directs d'un groupe de professionnels.
Justement, en parlant des transporteurs, une vive polémique s'est déclenchée entre l'ensemble des groupes parlementaires (excepté celui de l'Istiqlal) et le ministre chargé des relations avec le Parlement, Saâd El Alami (lui aussi istiqlalien), en raison d'une réunion programmée au sein même de la Chambre avec des représentants syndicaux des professionnels du transport, en colère contre les dispositions qualifiées de «draconiennes» du projet de loi déposé par le non moins istiqlalien ministre de l'Equipement et du Transport, Karim Ghallab. Ainsi, Saâd El Alami a estimé que les us et coutumes du Parlement ne toléraient nullement l'entrée en grande pompe de «lobbyistes» dans l'enceinte parlementaire. Cette mise en garde gouvernementale a été sévèrement critiquée, mais, pour éviter tout émiettement de la majorité parlementaire, la réunion avec les transporteurs a été purement et simplement annulée.
Attention aux parlementaires
corporatistes !
Les transporteurs ne sont pas les premiers à avoir approché, de près, les parlementaires pour les «sensibiliser» au sujet d'un projet de loi menaçant leurs intérêts. Lors de l'examen du projet portant sur le code des médicaments et de la pharmacie, un travail de lobbying sans merci a eu lieu au sein du Parlement, notamment dans la commission des secteurs sociaux à la Chambre des Représentants. Il s'agirait même d'un cas d'école, puisque ce projet de loi a fait l'objet non seulement de lobbying direct mais également indirect. Les pharmaciens ont préféré le premier type de pressions. Un tapage sans précédent a été organisé par l'Ordre des Pharmaciens auprès des parlementaires, ainsi que par la Fédération des syndicats de pharmaciens et a fait énormément de bruit. Leurs doléances étaient claires: survivre à la crise rampante. Leurs revendications étaient également très claires. Parmi elles, l'annulation de la disposition contenue dans le projet de loi, et qui donnait le droit aux cliniques privées d'ouvrir des pharmacies au sein de leurs établissements. «Une concurrence déloyale et un manque à gagner considérable pour les pharmacies d'officines», criaient, en chœur, les responsables de l'Ordre et la Fédération des pharmaciens. Leurs voix étaient fortement perceptibles au sein de la Chambre, notamment grâce à deux députés de la majorité directement concernés, puisqu'ils sont pharmaciens: Nouzha Skalli du PPS et Abdellah Bourkadi de l'Istiqlal.
Mais leurs efforts n'ont pas pu contrer l'énorme poids de l'Association nationale des cliniques privées, qui comptait comme relais au sein du Parlement plusieurs médecins, dont certains étaient des patrons de cliniques, et qui tous, en tout cas, exerçaient officiellement ou officieusement dans des cliniques privées. Et ces médecins étaient, de très loin, beaucoup plus nombreux que le duo pharmacien. Dans le seul groupe de l'Union des mouvements populaires (UMP), le premier en nombre avec 65 députés, on comptait cinq médecins. Le bras de fer, malgré le tapage médiatique des pharmaciens, était donc en faveur des patrons de cliniques. D'ailleurs, ces derniers se sont contentés d'un lobbying discret qui a fini par porter ses fruits. Ceci dit, le projet de loi, à cause de ces pressions et contre-pressions, a tardé à voir le jour. Il est resté pas moins de deux ans au Parlement avant d'être définitivement adopté. Ce n'est pas un record, mais deux ans est un délai excessif. Déposé en 2004, le texte n'a été publié au bulletin officiel qu'en décembre 2006.
Commencer par les membres de la
commission compétente
Dans les milieux d'affaires, on dit toujours qu'une loi de finances se décide au sein de la commission financière du Parlement. Ce n'est qu'en partie vrai. La loi de finances se décide à la direction des impôts. Si un changement est souhaité, il faut obtenir l'aval de Noureddine Bensouda d'abord. Pour le reste, ce n'est qu'une question de routine. En revanche, une pression médiatique appuyée par un puissant lobby peut conduire, au pire, à un délai de grâce. La fiscalisation de la bourse de Casablanca est passée par là. Le gouvernement, ayant mis en place une période de grâce pour inciter les entreprises à s'introduire en bourse, avait décidé de sauter le pas en 2007 pour mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Introduit en bourse ou pas, l'impôt sur les sociétés devait s'appliquer à tout le monde. Le lobby boursier, appuyé par les grands groupes, dont la demande a été canalisée par la CGEM, a obtenu le maintien de l'abattement fiscal pour une durée d'un an. Bien entendu, la CGEM a fait prévaloir deux options : d'abord la nécessité de faire correspondre la place de Casablanca à la structure de l'économie nationale en attirant les sociétés mobilières, ensuite de rappeler la période du krach boursier. Ainsi, lorsque Fathallah Oualalou avait décrété la fiscalisation des plus-values boursières, la place financière avait mal réagi. Résultat, la descente aux enfers de la bourse de Casablanca a duré plus de quatre ans. Pour rectifier le tir, l'argentier du pays a pensé offrir un abattement fiscal à toutes les sociétés qui s'introduisaient en bourse. L'abattement est passé du simple au double, en fonction de l'opération d'introduction (cession d'actions ou augmentation de capital). Mais le cadeau était limité dans le temps, trois ans seulement. A la fin de cette période, les sociétés ne se bousculaient pas devant la porte de la place financière. L'idée de proroger la carotte fiscale a pris forme. Il fallait l'appuyer. La CGEM y a mis du tonus. L'action a porté à la fois dans les sphères gouvernementales, dans l'administration fiscale et au Parlement. La bourse de Casablanca a eu finalement gain de cause. Mais ce n'est pas toujours le cas. Pour preuve, le projet de loi réformant le Groupe Institut Supérieur du Commerce est toujours bloqué au niveau de la commission parlementaire des secteurs sociaux. Présidée par la PJDiste Bassima Hakkaoui, la commission a été, selon des sources non autorisées, cadrée de près par le lobby des syndicats des professeurs du groupe, qui estimait que le projet de réforme avait été taillé à la mesure du seul Rachid M'Rabet. Est-ce la force de la présidente ? Selon des connaisseurs des rouages du Parlement, Hakkaoui a fait des mains et des pieds pour convaincre ses pairs au sein de la commission. Certes, mais il ne faut pas oublier que toutes les commissions parlementaires sont calquées sur la majorité parlementaire et, en principe, si un projet est soutenu par le gouvernement, il passe en commission. Sauf celui de l'ISCAE, car toutes les composantes du Parlement ont été sensibilisées pour lui barrer la route. Donc la commission paie, mais pas toujours.
Il y a président et président…
Plus forts et plus influents sont les présidents des groupes parlementaires. Ce qu'il faut préciser sur ce registre, c'est que les présidents de groupes sont quasiment souverains. Ce sont eux qui déterminent, plus ou moins démocratiquement (tout dépend du groupe parlementaire), les questions orales qui seront posées lors de la séance du mardi (pour la Chambre des Conseillers) et du mercredi (pour la Chambre des Représentants). Ils approuvent le nom du député qui lira la question, ainsi que celui qui se chargera de la «réaction». C'est pour cette raison que le président du groupe est un homme influent et incontournable. Mais il y a président et président. Prenons la Chambre des Représentants par exemple. C'est Abdelhamid Aoued qui en a la charge au groupe de l'Istiqlal. C'est un homme intransigeant et respecté par les membres de son groupe. Il est aussi extrêmement influent au sein de son parti.
La semaine dernière, le groupe istiqlalien a organisé deux grands séminaires. L'un est relatif à la constitution du Conseil supérieur des MRE. Une entreprise hautement sensible dévolue au Conseil Consultatif des Droits de l'Homme (CCDH). Bon nombre de MRE ont senti que des critères «non démocratiques» allaient être pris en considération pour la formation de ce Conseil. Un vaste travail de lobbying a été entamé par des associations de la diaspora marocaine afin de «rectifier le tir». Le Parlement leur a ouvert ses bras.
A l'USFP, c'est Driss Lachgar qui gère d'une main de fer le groupe. Membre du bureau politique, il est souvent présenté comme le numéro deux du parti. En clair, pour faire du lobbying à travers l'USFP et l'Istiqlal, la voie est bien tracée. Il faut passer par ces deux hommes. Même chose pour la Chambre des Conseillers, du moins pour l'Istiqlal, puisque son groupe est présidé par le puissant Abdelhaq Tazi. L'USFP n'y disposant que de 23 sièges, le poids du président du groupe est moins évident que celui de Driss Lachgar. En tout cas, les puissants présidents de groupes contrôlent tout. Et rien ne peut leur échapper.
Pour le Mouvement populaire, la donne est différente. Lahcen El Hasnaoui, président du groupe haraki à la première chambre, est un ancien de l'Union démocratique qui a fusionné avec le MP et le MNP pour donner l'UMP. El Hasnaoui n'a pas encore réussi à s'imposer au sein de son groupe. D'ailleurs, les questions «sensibles» afférentes à la gestion du groupe sont systématiquement réglées au sein du siège du parti. La même remarque est valable pour le RNI, dont le groupe est présidé par Mohamed Abbou, un professeur de droit, certes, mais qui pèche par manque de charisme. Tout dépend donc de la carrure du président du groupe parlementaire. Il n'en demeure pas moins que certains députés, proches des ministres en place peuvent, grâce à l'appui des présidents du groupe partisan, faire aboutir des doléances. C'est le cas de Khalid Elhariry, député socialiste d'El Jadida, qui explique que lui-même a eu l'occasion de faire du lobbyisme. Ce fut le cas, tout d'abord, lors de la fameuse crise du «lait en poudre» en provenance des Emirats Arabes Unis. Nestlé, qui a son usine à El Jadida, avait menacé de stopper son activité à cause du lait en poudre émirati, qui entrait dans le marché marocain sans paiement des droits de douane, et ce en vertu des accords de libre échange signés entre Rabat et Abou Dhabi. Une situation qui a non seulement eu un impact sur l'activité de Nestlé mais également sur les éleveurs de la région. Elhariry a immédiatement pris son cheval de bataille. Une enquête a été réalisée par le gouvernement qui a découvert que les règles d'origine n'étaient pas respectées. Résultat : le lait émirati a été soumis aux droits de douane, un grand ouf de soulagement pour Nestlé et les éleveurs d'El Jadida. Une fierté pour Elhariry et un incident diplomatique entre Rabat et Abou Dhabi. Toujours à propos de Khalid Elhariry, en bon lobbyiste aguerri, il a défendu bec et ongles les intérêts des producteurs de margarine. Ces derniers, lors de la discussion de la loi de finances de 2006, étaient opposés à un autre lobby, celui des importateurs de beurre. Ces derniers n'étaient pas soumis à la TVA, alors que les producteurs de margarine payaient 20% de TVA. Après un bras de fer acharné, le lobby que défendait Elhariry a eu gain de cause.
L'arme des questions orales
En plus des interventions des lobbies en réaction à un projet de loi déposé par un ministère, les parlementaires sont régulièrement sollicités pour des problèmes particuliers. Les contacts ont généralement lieu à l'extérieur du Parlement. Soit dans la circonscription d'un député, soit au sein du parti politique qui répercute immédiatement le problème vers le groupe parlementaire de l'une des deux chambres. A son tour, le groupe traduit la doléance du lobby sous forme de question orale ou écrite au ministre concerné, qui est obligé de répondre dans un délai ne dépassant guère les 20 jours. Bien évidemment, la question orale a un impact beaucoup plus important, puisqu'elle est prononcée par un parlementaire lors de la séance hebdomadaire diffusée en direct sur les ondes de la télévision et de la radio. Cette séance permet d'avoir le ministre en face, généralement pour l'embarrasser. Mais elle permet surtout au groupe parlementaire d'effectuer une «réaction» (Attaâkib) à la réponse du ministre. Durant 30 secondes à une minute, le député peut relater des faits difficilement vérifiables devant des milliers de téléspectateurs, défendre la cause d'un lobby sans aucun scrupule, et arracher, par la même occasion, des promesses solennelles d'intervention d'un ministre en faveur de telle ou telle partie. C'est du lobbying à l'état primaire. Mais c'est du lobbying quand même.
La lutte des propositions
de loi
Par ailleurs, les propositions de loi constituent l'un des moyens les plus efficaces dont usent les lobbyistes. Pour ceux qui ne connaissent pas la différence entre un «projet» et une «proposition» de loi, notons que le premier émane du gouvernement, alors que le second est déposé par les parlementaires eux-mêmes. C'est ainsi que pour bénéficier d'avantages financiers, de fonds de soutien, ainsi que d'une sollicitude politique, accordés aux communes par les mécanismes de l'agence du Nord, l'Alliance socialiste (groupe comprenant Al Ahd et le PPS) a déposé une proposition de loi pour introduire la ville de Ouazzane et une partie de Sidi Kacem dans le territoire de l'Agence. A l'origine de ce texte, qui n'a pas du tout abouti, il y a des députés originaires de ces deux villes. Même chose pour les Harakis, qui ont proposé l'élargissement de l'agence du Sud à Rachidia, Ouarzazate et Zagora. Deux propositions de loi ont été déposées, au début du mois de mai 2006, dans les deux Chambres du Parlement. Le premier a été élaboré par le groupe istiqlalien à la Chambre des Conseillers et concerne une révision de la loi régissant les Chambres d'artisanat. Et le deuxième, déposé par le groupe du RNI, concerne la refonte des textes législatifs ayant trait aux chambres de commerce, d'industrie et des services. Force est de constater que ces deux propositions ont battu un record en terme de temps écoulé entre le dépôt de la proposition et le début de son examen en commission. En effet, le RNI a déposé sa proposition le 2 mai 2006. Et le 24 du même mois, le ministre du Commerce et de l'Industrie, Salaheddine Mezouar (RNiste, faut-il le rappeler), se réunissait déjà avec la commission des secteurs productifs, présidé par Moulay El Bachir Badalla, un député RNiste également. Pour mesurer l'ampleur de ce record, il suffit de rappeler que les services de la Chambre des Représentants regorgent de propositions de loi depuis 2002, déposées par quasiment tous les groupes, et qui n'ont toujours pas été examinées. Même chose au sein de la Chambre des Conseillers. Le projet est soumis à la commission de la législation, présidée par Mohamed El Ansari, un istiqlalien. Et c'est le ministre, non moins istiqlalien du Tourisme et de l'Artisanat, Adil Douiri, qui l'examinera avec les Conseillers.
En clair, tout le monde semblait vouloir mener à bon port ces deux propositions de loi, qui sont manifestement complémentaires. En fait, les actuels présidents des Chambres professionnelles, ou certains d'entre eux seulement, pour éviter de généraliser, n'avaient plus l'intention de mener une campagne électorale au bout de trois ans de mandat. Car une campagne de ce genre coûte énormément d'argent. Le même scénario a lieu, aujourd'hui même, au sein de la commission de la Justice dans la première chambre. Cette commission examine une proposition de loi déposée par le groupe de l'USFP au sujet du métier d'avocat.
C'est un texte préparé par le groupe socialiste, présidé par un avocat, Driss Lachgar. Le texte est soumis à une commission présidée par un député socialiste, Abdelkabir Tabih, qui se trouve être, lui aussi, un avocat. Et cerise sur le gâteau : la majorité écrasante des membres de la commission de la Justice est constituée également d'avocats. Un cas de figure qui pousse un député à qualifier cela de double lobbying : partisan (USFP) et corporatiste (avocats).
Abdelkader Amara, député du PJD
«Je suis favorable à l'institutionnalisation
du lobbying au Parlement. Cela aura pour vertu d'instaurer une certaine transparence dans ce qui existe déjà dans les coulisses du Parlement et surtout à l'extérieur. Dans toute démocratie, la participation des citoyens est un signe de bonne santé».
Abdelhamid Aoued, président du groupe istiqlalien
«Je suis contre l'institutionnalisation
du lobbying. Même s'il est utile, le lobbying révèle un certain déséquilibre dans les rapports de force lors de la discussion des projets et des propositions de lois. Car ceux qui ont l'argent
et les contacts sont avantagés. Au détriment des faibles. Les députés sont là pour écouter les uns et les autres. La démocratie marocaine n'est pas encore mûre».
Moulay Bachir Badalla (RNI), président
de la commission des secteurs productifs
«Normalement, il faut institutionnaliser le lobbying, car il existe déjà et le nier reviendrait à se voiler la face. Justement, pour qu'il n'y ait pas de dérapages, une telle institutionnalisation est nécessaire. Aussi cela aura pour vertu d'éviter que les lobbies ne soient en contact avec les parlementaires que sporadiquement».
Khalid Elhariry, député de l'USFP
«Théoriquement, on peut penser que l'institutionnalisation du lobbying jetterait de la transparence dans l'action des groupes de pression. Toutefois, le Maroc n'étant pas un pays de transparence, je crains que ça ne dégénère. En clair, je dis oui à l'institutionnalisation du lobbying, mais avec des gardes fous».
Ahmed Zarouf, député du PPS
«Le lobbying existe bel et bien au Parlement. Mais ses contours ne sont pas très clairs, pour ne pas dire souvent occultes. Quand une situation s'impose, il faut la régulariser et c'est pour cette raison que les us et les pratiques sont une source de droit. En clair, il faut ramener tout le monde autour d'une table, au lieu de les laisser traiter sous la table».


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