L'explosion du digital ces dernières années au Maroc constitue une belle avancée technologique. Cependant, elle pose aussi un véritable défi en termes de régulation, et ce dans tous les sens du terme. La transformation digitale a en effet imposé un nouveau paradigme, et les pouvoirs publics ainsi que les institutions de régulation ou de contrôle sont, aujourd'hui, obligés de s'aligner. C'est le cas du Conseil de la concurrence, dont le projet de loi concernant sa réforme a été adopté au parlement, il y a quelques jours. Cette réforme vise globalement à lui donner le cadre juridique idoine lui permettant d'être suffisamment à la hauteur des nouveaux challenges. Et, c'est d'ailleurs dans le but de mieux comprendre les enjeux de cette « nouvelle ère » induite par le digital que le Conseil de la concurrence, en partenariat avec l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) et l'Agence de développement du digital (ADD), ont organisé, les 9 et 10 novembre, sous le Haut Patronage de S.M. Le Roi Mohammed VI, une conférence internationale à Marrakech sur le thème « Transformation digitale : entre régulation et compétitivité ». « L'objectif de cette conférence est de faire le point sur l'évolution de la régulation et de la règlementation en matière de digital. La révolution numérique pose des problématiques nouvelles et change les règles du jeu, la nature des acteurs, des marchés... On a aussi à travers le digital des changements au niveau de la captation de la valeur ajoutée. Ainsi, la donnée collectée par les grandes plateformes deviennent leurs sources de revenus, soit directement ou indirectement à travers de la publicité en ligne », a expliqué Ahmed Rahhou, dans son intervention. « Il est donc question de faire le point et de déterminer l'impact de cette transformation digitale sur la règlementation. Un certain de nombre de grands ensembles comme l'Union européenne ou les Etats-unis ont commencé à réguler ce marché. C'est une régulation particulière parce que les plateformes ne sont pas nationales et ont des activités à caractère transnational. Il y a du progrès à faire dans ce domaine, et si nous ne les faisons pas, nous risquons d'être en marge de ce qui se passe. Il y a une compétition internationale, et il faut accompagner cela du cadre réglementaire avec les acteurs pour que nous puissions avancer dans le bon sens », a-t-il poursuivi. Il faut dire que le Conseil de la concurrence n'est pas la seule institution à s'engager dans cette démarche. Bank Al-Maghrib aussi prend cette problématique du digital à bras-le-corps. A l'instar de l'UE, qui est en train de faire évoluer sa règlementation pour mieux être en phase avec les défis de la révolution numérique, Ahmed Rahhou estime également que le Maroc doit mettre les bouchées doubles. Lire aussi | Usine de Kénitra. Stellantis revoit ses investissements à la hausse « On voit que les pays qui ont des lois et des règlementations très anciennes sont toujours en train d'adapter leurs droits aux nouveautés apportées par le numérique. D'ailleurs, l'intelligence artificielle est en train de complètement changer la donne, puisqu'elle est en train de se substituer à l'être humain dans certaines tâches. Cela veut dire que les lois qui régissent la concurrence doivent être en perpétuelle adaptation. Il ne peut pas y avoir une loi définitive sur ce sujet, au vu des nouveautés qui apparaissent », a fait remarquer le président du Conseil de la concurrence, ajoutant que l'ensemble des régulateurs, tous secteurs confondus, sont concernés par cette adaptation. Il a indiqué que son souhait est que le Maroc puisse se doter d'outils idoines à l'instar de l'UE pour pouvoir bien réagir lorsqu'il y a des préjudices dont certains liés au numérique, notamment les GAFAM... Rappelons que ces deux jours de rencontre ont été marqués par la participation des représentants d'instances de gouvernance, d'autorités de la concurrence, d'organismes internationaux et régionaux, d'acteurs économiques, ainsi que des experts et spécialistes du monde juridique, économique et financier. De son côté, le ministre de l'Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, déclare que le Conseil de la concurrence permet d'offrir les meilleures conditions de concurrence aux citoyens et de renforcer la compétitivité de l'entreprise et d'éviter les ententes aux dépens du marché. Lire aussi | LGV Kénitra-Marrakech. Le français Egis participe à la réalisation de la ligne Pour lui, la régulation de l'économie permet de contrôler les évolutions du marché et d'éviter les abus de position et les exagérations en termes de domination du marché, et la transition numérique permet de mieux appréhender les évolutions du marché. « La technologie de l'information et tous les autres outils à notre disposition permettent de renforcer la compétitivité, la productivité de nos outils de production et de renforcer l'attractivité de la plateforme industrielle et économique pour l'ensemble des investisseurs », a-t-il précisé. Le ministre a aussi fait observer que le Maroc est en train de construire la plateforme industrielle la plus compétitive au monde et se doit pour réussir, d'avoir des régulateurs forts, performants et au top niveau de la technologie. De son côté, Chakib Alj, président de la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc), a souligné que les transformations actuelles présentent d'importants défis, à plusieurs niveaux, pour les entreprises et pour les consommateurs, mais sont également porteuses d'opportunités et de grandes perspectives de croissance. « Le numérique représente 15,5% de l'économie mondiale et se développe à un rythme effréné. Il est prévu qu'il atteigne 25% du PIB mondial à horizon 2025. Le Maroc doit participer à cette tendance. Dans ce sens, il est impératif d'améliorer la compétitivité de l'économie marocaine en portant la part du numérique dans le PIB à 5% à horizon 2030 », a soutenu Chakib Alj. Il a aussi estimé que face à toutes ces préoccupations, de grandes opportunités se présentent aux acteurs du digital. « Les conséquences d'une régulation plus affirmée des GAFAM aux USA et dans l'Union européenne, c'est qu'elle permettra une concurrence plus saine et l'ouverture de nouveaux marchés pour des solutions émergentes », a-t-il également fait remarquer. Bank Al-Maghrib : Abdellatif Jouahri annonce l'émission potentielle d'une Monnaie Digitale « Nous assistons depuis une dizaine d'années à des évolutions importantes en matière de digitalisation qui impactent de plus en plus nos quotidiens d'individus et d'entreprises. Ces évolutions se manifestent dans les changements apportés à notre manière de rechercher l'information, de communiquer, de consommer, de payer, de se financer, de présenter ou encore de distribuer les produits et les services », a fait remarquer Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, dans son allocution ouvrant les travaux de cette conférence internationale sur la transformation digitale. Il a poursuivi en faisant remarquer que bien que de nombreuses caractéristiques du modèle économique de ces plateformes numériques ne soient pas nouvelles, leur combinaison, associée au rythme du changement et à la portée mondiale de certains acteurs du marché, constitue un défi pour les régulateurs et les autorités de la concurrence. Pour Abdellatif Jouahri, dans cet environnement numérique complexe qui se développe à un rythme soutenu, les pouvoirs publics et les régulateurs doivent constamment s'assurer de la pertinence de l'encadrement juridique et réglementaire nécessaire pour garantir des conditions de développement saines. Il a également fait un focus sur le secteur bancaire. « On assiste également à une transformation des modèles d'affaires avec l'émergence de nouveaux acteurs comprenant les Fintech mais également les opérateurs télécoms et les Bigtech qui se basent généralement sur des modèles ayant des contraintes réglementaires moins rigides que la Banque classique », a détaillé le Gouverneur de la Banque centrale, ajoutant que l'introduction de ces services innovants induit aussi des risques liés notamment à la stabilité financière, à la protection des consommateurs, au blanchiment des capitaux et au financement du terrorisme ou encore à la cybersécurité. Il a rappelé que Bank Al-Maghrib a mis le digital au cœur de son dernier plan stratégique 2019- 2023. Abdellatif Jouahri a également fait savoir que la Banque centrale a engagé le chantier de préparation de l'encadrement juridique des crypto-actifs et a aussi lancé la réflexion sur l'émission potentielle d'une Monnaie Digitale de Banque Centrale.