Ali Anouzla est poursuivi parce qu'il a mis sur le site qu'il dirige, une vidéo d'AQMI appelant à des actes terroristes au Maroc. J'ai toujours considéré que les journalistes étaient des justiciables comme les autres. Le tribunal jugera de sa responsabilité, en attendant il est présumé innocent. Pour ma part, je suis convaincu que donner de la publicité à la propagande terroriste est irresponsable. Pratiquement le même jour AQMI a diffusé une vidéo concernant les otages français. Les médias l'ont commentée sans la diffuser. Ali Anouzla a sans doute une autre conception de la profession. Ce que je conteste, ce n'est pas l'action de la justice mais le lynchage qui l'a suivi. Trop de déclarations intempestives de la part des politiques créent un véritable malaise. Des confrères leur emboîtent le pas dans ce qui relève plus du règlement de comptes que du commentaire objectif. Personne par exemple, n'a posé la question essentielle qui consiste à rappeler qu'il n'y a aucun encadrement juridique pour la presse électronique. Les avocats d'Anouzla ne manqueront pas d'utiliser cette faille. Je n'ai pas lu non plus d'éditoriaux ouvrant le débat sur le compromis entre liberté et responsabilité qui doit fonder l'exercice de cette profession. Sur le fond, je ne comprends pas l'émotion suscitée par la vidéo d'AQMI. Nous savons depuis toujours que le Maroc est une cible pour le terrorisme international. Celui-ci nous reproche tout simplement d'être ce que nous sommes, les choix que nous avons faits. Le Maroc est engagé de manière ouverte dans la lutte contre le terrorisme, bien avant le 11 septembre ou le 16 mai. Parce que dans cette lutte, il n'y a pas de répit, malgré le démantèlement de dizaines de cellules, nous avons quand même connu Argana. Ce n'est pas parce qu'une vidéo circule sur le net que nous devons trembler. Par contre, il serait bon d'en profiter pour rappeler que certaines idées « normalisent » avec le terrorisme et dénoncer leur accès à l'espace public. Cela me paraît plus important que de s'acharner, médiatiquement sur Ali Anouzla. La justice doit suivre son cours, elle n'a pas besoin d'une campagne de lynchage pour s'accomplir.