Le programme national de construction de 129.000 logements à 140.000 DH est lancé. L'Etat adopte une nouvelle approche pour cibler les bénéficiaires, afin d'éviter les dérapages du logement social. Quant à la réalisation du projet, le groupe Al Omrane s'adossera à des petits promoteurs immobiliers qui bénéficieront d'avantages fiscaux et fonciers. Un logement de 50 à 60 m2 au prix de 140.000 DH, c'est réalisable ! La fiabilité du montage financier de ce nouveau produit, défrichée par le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme le 2 avril, a été démontrée par des cabinets d'études et d'architectes. Des projets préalablement réalisés et commercialisés par la holding Al Omrane à Meknès et Marrakech en sont la preuve tangible. La rentabilité d'un tel projet montre que le promoteur, public ou privé, peut s'offrir une marge de bénéfice, déduction faite des coûts de réalisation, d'une hauteur de 17% du prix de vente, soit 20.000 DH par unité. La réalisation du premier programme, qui s'étale sur la période 2008-2012, sera confiée, dans un premier temps, au groupe Al Omrane et par ricochet, à ses filiales présentes sur tout le territoire du Royaume. Le coût d'investissement estimé, concernant la première tranche, est de 15,5 milliards de DH. Quelle population ciblée ? A qui profitera ce nouveau produit de logement? «Il n'y aura pas de campagne de communication pour ce nouveau produit d'habitat à faible coût, les bénéficiaires sont ciblés. Il s'agit des ménages dont le revenu est plafonné à 1,5 du SMIG, soit moins de 2.700 DH», annonce Ahmed Toufiq Hjira, ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme. C'est une approche nouvelle de la production ciblée. «Les collectivités locales, les administrations et les entreprises devront signer un engagement vis-à-vis des filiales du holding Al Omrane, où figurent les noms des bénéficiaires et leurs revenus», ajoute le ministre. Les cibles sont les ménages jusqu'alors exclus de l'accès au logement. Parce que leur revenu, aussi fixe que modique, ne leur permet pas d'accéder au logement social à 200.000 DH, voire 300.000 DH si l'on tient compte des sous-tables («le noir»), ce nouveau produit leur est bel et bien destiné. Cette frange de la population représente aujourd'hui quelque 23.000 familles. Il s'agit, par ordre de priorité, des ménages résidant dans des logements menaçant ruine et des bidonvillois, suivis des agents d'autorité (policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers...), puis, en troisième lieu, des agents des administrations territoriales (préfecture, collectivités locales). Parmi les objectifs de ce nouveau produit, on trouve la lutte contre l'habitat insalubre et la diversification de l'offre du logement. «Le prix moyen d'une baraque dans les grandes villes est estimé à environ 140.000 DH. Toutefois, la baraque n'offre en moyenne que 12 m2 par ménage. Avec 50 à 60 m2, le nouveau produit de logement offre 4 à 5 fois plus de superficie couverte pour un coût similaire», lance le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme. Dans ses moindres détails, d'ailleurs : un scénario de financement qui leur permet de payer une échéance mensuelle équivalente à 34% de leur revenu, une avance qui se situe entre 10.000 et 20.000 DH... Mais surtout pas d'avance en «noir». Des avantages en béton Trois grandes banques locales discutent les scénarii de financement en recourant au prêt Fogarim, «un programme réussi», d'après Khalid Alioua, président du directoire du CIH. Le schéma avancé par le président de la Banque du Crédit Immobilier et Hôtelier est la mutualisation du risque. En tout cas, il a déclaré que sa banque accompagnerait le programme immobilier de la capitale de Doukkala-Abda, El Jadida. Concernant la première tranche de ce programme, les filiales du groupe Al Omrane s'attèleront seules, durant l'année 2008, à construire 22.600 logements dans des villes du Sud marocain comme Assa-Zag ou Tan Tan. Pour les années à venir et jusqu'en 2012, les opérateurs privés s'y mettront. «Le capital est lâche. Il va là où la rentabilité est garantie à 100%. Le groupe Al Omrane va se charger seul de la réalisation du premier programme 2008-2012», lance le ministre de l'Habitat. C'est dire que les opérateurs privés attendent de voir le premier succès d'un tel projet. Un partenariat public-privé a abouti à la conclusion de 450 contrats de partenariat avec des petits et moyens promoteurs immobiliers. La fin justifie le recours aux petites et moyennes entreprises. D'abord, la marge du prix de revient a été réduite. De celle des bénéfices, par conséquent, le but étant de vendre le logement à 140.000 DH. Vendu à ce prix, le produit fini garantit à ces opérateurs privés une marge de bénéfice net de 17 % du prix initial, soit 20.000 DH. Mais pour qu'il soit commercialisé à un prix pareil, les promoteurs immobiliers bénéficieront d'une assiette foncière publique équipée au prix coûtant. Les nouvelles dispositions incitatives de la loi de finances 2008 relatives à ce nouveau produit de logement, ont prévu une mobilisation du foncier public équipé au prix coûtant (2.750 ha mobilisés en partie par la direction des domaines) et une exonération fiscale totale (droits d'enregistrement, TVA…). Tout promoteur qui mettra à exécution un programme d'habitat d'au moins 500 unités dans le milieu urbain et de 100 unités en milieu rural bénéficiera de ces avantages. Le plafond a été réduit pour la simple raison que l'Etat vise à encourager les petits et moyens promoteurs immobiliers. Et si leur marge de bénéfice paraît d'emblée peu importante, ils seront libres de monter des projets immobiliers propres sur la moitié des terrains qui leur sont accordés au prix avantageux et dont la superficie varie de 1 à 5 hectares. De nouvelles techniques de construction Si durant l'année 2008, l'on va procéder à la réalisation de la première tranche suivant les méthodes traditionnelles de construction, ce ne sera pas le cas pour les autres années du programme. Un appel d'offres international va être lancé en vue de dénicher des techniques et des procédés nouveaux de construction à rentabilité meilleure. «Nous construisons toujours selon des techniques traditionnelles (poteaux, poutres…). Nous pensons qu'en recourant à des procédés innovants en matière de construction, nous pouvons gagner en termes de qualité et délais de réalisation des programmes et assurer des coûts plus compétitifs. Nous avons lancé un appel d'offres international pour essayer de recueillir les propositions déjà pratiquées et qui se sont révélées concluantes dans d'autres pays. En juin prochain, les commissions de jugement devront choisir les procédés dans lesquels nous sommes prêts à investir. Les programmes 2009 et suivants pourront donc s'appuyer sur ces procédés innovants», affirme Najib Laraïchi, président du directoire du groupe Al Omrane. Le cas échéant, d'ici à 2012, le nombre de logements construits pourra dépasser le challenge de 129.000 unités. Le rôle de l'Agence urbaine Les agences urbaines joueront un rôle nouveau, ne se contentant plus d'être un maillon de la chaîne d'octroi des autorisations de construire. Dans le cadre de ce projet, le directeur de chaque agence urbaine a désigné un ingénieur architecte aux compétences avérées pour veiller au montage du projet avec les promoteurs publics et privés. «Il va coacher le produit et adapter le programme, d'abord par rapport aux spécificités locales architecturales, de modes et de matières de construction. Ce nouveau produit n'est pas un prototype, un logement transversal qui va faire le tour du Maroc», précise le ministre de l'Habitat. A la lumière de leurs recommandations, les filiales du groupe Al Omrane et leurs partenaires privés devront passer à la construction.