Les Français qui viennent au Maroc commencent à «échapper» aux TO et aux agences. En effet, ces touristes se débrouillent de plus en plus seuls et achètent leur billet sans intermédiaires. Du coup, grossistes français et hôteliers marocains ne savent plus à quel saint se vouer... Quand l'ONMT garde jalousement certains éléments de l'étude sur la segmentation de la clientèle sur les sept grands marchés émetteurs de la demande vers le Maroc, qu'il a commandée auprès du cabinet «Prophète», c'est de bonne guerre. «Nous ne pouvons pas livrer à la concurrence des armes qu'elle pourra utiliser contre nous. C'est la raison pour laquelle nous n'avons partagé avec les professionnels que certains éléments. Il y a quelques années, cela se faisait, mais tel n'est plus le cas», répond Abbas Azzouzi, directeur général de l'ONMT. Il faut dire que le tourisme est en pleine mutation et l'année 2008 s'annonce difficile ! Pour l'ONMT, il faudra vaille que vaille passer à une nouvelle étape, eu égard à la montée en force de pays comme la Turquie, l'Egypte, la Tunisie... qui opèrent un retour en force. Résultat de la course : les experts prévoient une concurrence plus acerbe cette année, un ralentissement de l'économie européenne, voire une diminution des flux aériens à partir de certains pays, le Royaume-Uni notamment. En même temps, le touriste est plus informé, expert grâce à Internet et de moins en moins fidèle à une destination donnée. Depuis l'année dernière, le Maroc est emblématique d'un nouveau mode de consommation : l'assemblage par les voyageurs d'un avion et d'une réservation d'hôtel sans passer par les services d'un tour opérateur. Le Maroc, une destination familière Le nombre de forfaits touristiques (voyages plus hôtels) vendus en 2007 par l'ensemble des tours-opérateurs au Maroc est en recul de 3,5%, selon le Ceto (association des grands tours opérateurs français), tandis que le nombre de touristes français dans le Royaume est en augmentation de 8% à fin 2007. «Cette tendance va s'accentuer», prédit Abbas Azzouzi. Et pour cause : le Maroc, une des premières destinations de vacances des Européens, est devenue une destination familière. Grâce à la densification des dessertes aériennes à la faveur de la libéralisation du ciel marocain et à l'arrivée de compagnies aériennes low cost, la montée des ventes en ligne fait basculer le pouvoir vers le consommateur. Ce dernier ne s'en remet plus au seul tour-opérateur. Autrement dit, les voyageurs les plus familiers avec les déplacements touristiques cherchent à faire des économies en se débrouillant seuls. Cette tendance lourde va se maintenir en dépit des TO. Car les compagnies aériennes à bas prix poursuivent leur offensive sur la destination Maroc. Ce 30 mars 2008, Transavia.com a remplacé Air France sur Marrakech avec deux vols par jour. Outre la ville ocre, pour laquelle elle propose l'aller simple à partir de 79 euros TTC, la filiale d'Air France desservira aussi Oujda (3 vols par semaine) et Agadir (6 vols par semaine) cet été. Le patron de l'ONMT s'en félicite. «Le Maroc devient une destination de courts séjours, comme les grandes villes d'Europe». Cette tendance est encouragée par l'émergence, notamment autour de la ville de Marrakech, d'offres de résidences vendues à des Européens. Internet facilite cette émancipation des touristes, notamment sur les axes les plus fréquentés. Malheureusement pour les professionnels du voyage, ces destinations sont également celles qui font l'objet de la concurrence la plus vive entre les professionnels, qui vont donc devoir faire preuve d'imagination pour se distinguer et justifier le recours à leurs services. A Marrakech, nombreux sont les professionnels qui se plaignent déjà du changement du comportement d'achat des touristes sur cette destination qui ne fait pas exception, la plupart des grands pôles touristiques dans la Méditerranée ayant connu la même évolution. Mais cette nouvelle configuration n'est pas interprétée de la même manière par les hôteliers de Marrakech, que certains présentent comme le signe annonciateur d'une crise, car leurs comptes d'exploitation en pâtissent déjà. Toutefois, certains d'entre eux ont anticipé. C'est le cas d'Accor Maroc, qui a changé de stratégie en faisant passer la clientèle individuelle avant les TO. Il a ainsi réduit sa dépendance par rapport aux allotements des TO, profité de prix plus élevés appliqués à la clientèle individuelle, amélioré la notoriété de ses marques et sécuriser son chiffre d'affaires. Côté TO, ils essayent également de s'adapter au nouveau comportement d'achat du touriste. «Nous vendons de plus en plus de prestations terrestres sans transport aérien. Cela représente aujourd'hui près de 30% de nos ventes», dit-on auprès de Royal Tours. L'année dernière déjà, le chiffre d'affaires de ce grossiste spécialiste du Maroc avait chuté de 15%. Pour rebondir, ce TO joue depuis la carte de la «valeur ajoutée», du service à la carte avec une grande souplesse dans les processus de réservations hôtelières et aériennes. Quid de l'ONMT ? L'étude «Croissance 2010» commandée par l'ONMT auprès du cabinet Prophète lui a permis de dégager un plan stratégique (2008-2010) qui s'articule autour de la construction et du positionnement de la marque «Maroc», de la diversification des marchés, de l'intégration d'Internet… En effet, de l'étude, il ressort sept grandes typologies de clientèle auxquelles correspondent des attentes, des profils socio-démographiques et des comportements d'achat. Le challenge sera de mettre face à elles des produits adaptés avec une nouvelle approche marketing, basée sur une politique de croissance plus ciblée. Repositionnement stratégique La nouvelle démarche consiste ainsi à redéfinir le concept «Client» avec une connaissance approfondie des besoins de chaque segment. En même temps, l'offre produit devra s'adapter aux nouvelles tendances du marché (séjours plus courts, city break, voyage bien-être, affaires…). Le temps du modèle unique de voyage étant révolu. Le constat jusque-là est que l'offre Maroc ne se distingue pas beaucoup de la concurrence directe du trio: Tunisie, Turquie, Egypte. D'où l'impératif pour le Maroc de changer de référentiel de concurrence et de diversifier davantage son offre. C'est justement la raison pour laquelle les axes stratégiques du plan d'action 2008-2010 reposent principalement sur la différentiation et la diversification par la conquête de nouveaux marchés, le développement d'une marque et la fidélisation du touriste. Toujours est-il que la déclinaison de cette stratégie passera par un meilleur ciblage de marchés prioritaires et de segments plus attractifs. La destination Maroc sera désormais repositionnée à travers une nouvelle stratégie de communication. La finalité étant d'améliorer la commercialisation en menant au préalable une réflexion sur les différents produits, la saisonnalité, les flux, les marchés… Le tourisme interne et celui des MRE seront aussi appelés à évoluer, voire à se structurer davantage, l'objectif étant de reconsidérer l'image de marque et la notoriété du Maroc à l'étranger. Ceci repose essentiellement sur l'amélioration de la distribution à travers des TO intégrés. Le référencement de nouvelles destinations, du tourisme rural et de produits de niche sera un argument de taille relayé par le développement de connexions aériennes étoffées (régionalisation, densification…). Au référencement de destinations nouvelles s'ajoute le renforcement de destinations comme Fès, Casablanca, Ouarzazate, Essaouira, Tanger… La démarche consiste aussi à faire appel à la force de frappe du Net via des partenariats avec les leaders de ce nouveau canal de distribution (Lastminute, Opodo, Expedia…). A en croire Azzouzi, 25% des ventes mondiales de séjours transitent par Internet. Le Maroc doit devenir multicanal, faute de quoi, il va perdre des positions. L'ONMT promet dès septembre prochain une plateforme qui sera mise à disposition de tous les professionnels. En attendant, depuis mars dernier, l'Office a mis en place et pour toute l'année 2008 une opération de sensibilisation à l'attention des agences et des TO. L'objectif est de toucher, sur l'ensemble des Français qui voyagent, le tiers qui passe par une agence. Comme aujourd'hui l'agent de voyages a un rôle de prescripteur important, l'ONMT veut qu'il devienne un ambassadeur du Maroc. Pour ce faire, il propose aux agences de la formation (e-learning), de la motivation (incentives) et de la sensibilisation (roadshow). Ce programme dénommé «les experts du Maroc» sera, avec l'ouverture de la station de Saïdia en mai/juin, l'opérateur majeur de l'ONMT en 2008. A elle seule, Saïdia devra cibler des marchés comme l'Espagne, l'Italie, la Belgique, la France et le Royaume-Uni. Un référencement de la destination est déjà effectué auprès de Travelplan, Ibérojet, Barcelo, Thomas Cook, Look Voyages... Une opération de marketing sera lancée incessamment avec des connexions aériennes à partir de mai ou juin prochain.