Le 4 novembre, le Musée Mohammed VI d'art moderne et contemporain (MMVI) a organisé une célébration officielle pour fêter les 10 ans de sa création. L'ouverture de ce musée, le 7 octobre 2014, a traduit la volonté royale de doter le pays d'équipements culturels de haut niveau, qui favorisent la créativité et mettent en avant les principes de démocratisation culturelle. Depuis lors, l'institution n'a cessé d'offrir aux visiteurs, de tout âge et de tout horizon, une programmation variée, mêlant artistes marocains et internationaux. Ainsi, le MMVI a mis en avant des artistes marocains de renom, comme Ahmed Cherkaoui, Jilali Gharbaoui, Farid Belkahia, Mohamed Melehi, Hassan El Glaoui, Chaïbia Talal, Fatima Hassan El Farouj, Radia Bent Lhoucine, Meriem Meziane, Monia Abdelali, Yasmina Bouziane, Amina Rezki, Monia Touiss, Malika Agueznay, Fouad Bellamine, Touhami Ennadre, Abdellatif Laâbi, Faouzi Laatiris en compagnie, entre autres, de sept artistes de l'Ecole des Beaux-Arts de Tétouan, Mounir El Fatmi, Mahjoubi Aherdane, Karim Bennani, Mohammed Melehi, Moa Bennani, Houssein Miloudi, Mohammed Abouelouakar, Houssein Tallal. Le musée a également accueilli des expositions de renommée internationale d'artistes tels que Giacometti, Picasso, Goya, Renoir, Monet, Van Gogh, Delacroix, César, Cartier-Bresson, Arman, Helen Marden, Brice Marden, Julian Schnabel, Francesco Clemente… Différentes facettes de la scène artistique du continent ont brillé lors d'expositions comme «L'Afrique en Capitale» ; «Lumières d'Afriques» ; «L'Afrique vue par ses photographes, de Malick Sidibé à nos jours» ; «Art du Bénin d'hier et d'aujourd'hui : de la restitution à la révélation. Volet contemporain» et «Stronger Together» de Barthélemy Toguo, actuellement ouverte au public. Des musées, un timbre et une convention Lors du mot de présentation prononcé dans l'auditorium du musée, Abdelaziz El Idrissi, directeur du MMVI, s'est réjoui de ce que «la Fondation nationale des musées ait réussi à changer le regard des Marocains envers l'art». Outre les musées d'art de Tanger et Agadir ainsi que celui de Rabat, dédié à la photographie, deux autres sont en préparation à Casablanca, Guelmim Oued Noun et Laâyoune. Quant à Fès et Marrakech, elles devraient voir leurs musées du patrimoine du judaïsme marocain s'ouvrir lorsque la situation le permettra. Ce parcours muséal s'écrit à partir de la collection permanente du MMVI, se félicite son directeur. L'institution est aussi un lieu de formation, «une pépinière pour former des conservateurs, des spécialistes, des scénographes... Leurs talents sont «made in Morocco». La Fondation nationale des musées du Royaume du Maroc (FNM) est dirigée par Mehdi Qotbi. Celui-ci a tenu à rappeler que «la culture fait voyager, la culture enlève les frontières entre les gens. Avec ce musée, le Maroc passe un message de paix, un message d'amour, un message, je dirais, de vivre-ensemble. Nous avons encore plus besoin qu'avant de la culture». Pour cet anniversaire, Amin Benjelloun Touimi, directeur général du groupe Barid Al-Maghrib, a dévoilé un timbre-poste commémoratif intitulé «10 ans – Musée Mohammed VI d'art moderne et contemporain». Il met en avant le parvis du MMVI, avec l'œuvre du célèbre artiste Arman, «Accord final» (1981). «Dix ans après avoir célébré l'inauguration du musée, avec une émission philatélique dédiée, il est tout naturel de perpétuer cette tradition en honorant une décennie de réalisations et de succès», a déclaré le DG de Barid Al-Maghrib. Ensuite, le musée a procédé à la signature d'une convention entre la FNM et la Fondation Orange Maroc, représentée par Hendrik Kasteel, directeur général d'Orange Maroc. Parmi les initiatives phares : la digitalisation de la billetterie, la numérisation des espaces et des œuvres, ainsi que celle de l'exposition permanente et de trois expositions éphémères chaque année. Une application mobile pour offrir au public des visites virtuelles et la possibilité d'acheter des billets en ligne sera également réalisée... Visite privée pour tous La révélation d'une sculpture de Farid Belkahia a suivi. L'œuvre en métal est un prêt à long terme de Marsa Maroc, intitulée «Il est 10 h en avril dans le jardin de Rajae» (1994). La création de Belkahia élève désormais ses douze mètres de haut sur le parvis du MMVI. L'esplanade du musée offre au public toute une collection à ciel ouvert. Mehdi Qotbi et Abdelaziz El Idrissi ont profité de l'occasion pour offrir une visite guidée très VIP à... tous les visiteurs, parmi lesquels plusieurs ambassadeurs, dont ceux de Roumanie, du Portugal, de Suède et d'Australie, étaient présents. À quelques pas, le «Guerrier Massai» d'Ousmane Sow «garde jour et nuit notre musée et regarde vers l'avenir, c'est-à-dire vers l'Afrique», a commenté Mehdi Qotbi. Le cheval de Fernando Botero, dont la masse toute en rondeurs accueille les visiteurs, est un autre prêt à long terme. Les femmes sont présentes, a souligné le président de la FNM, avec un trio de sculptures d'Ikram Kabbaj et «La machine à rêver» de Niki de Saint Phalle. La façade du musée est ornée par les fresques murales d'Ilias Selfati, Ghizlane Agzenaï et Moustapha Zoufri. Devant l'«Accord final» d'Arman, mis en valeur dans l'axe de la porte du musée, Mehdi Qotbi s'est exclamé : «Regardez ce piano fracassé. Si vous vous taisez, s'il n'y a plus de bruit, vous allez entendre ses marteaux en train de frapper quelques cordes. Fermez les yeux, vous écouterez une sonate de Beethoven !» Le hall d'entrée est surplombé par la majestueuse présence des mobiles de l'artiste portugaise Joana Vasconcelos, «Mary Poppins» et «Royal Valkyrie», qui invitent à une promenade onirique où se mêlent tissus et hiératisme, féminité et pouvoir. Cobra, une résistance protéiforme Le clou de la visite était évidemment l'exposition temporaire de cet hiver, «Cobra : Un serpent à multiples têtes», présentant près de cent œuvres, peintures, sculptures, gravures, dessins et photographies. Abdelaziz El Idrissi a pris la peine d'expliquer aux visiteurs l'histoire et les spécificités du mouvement Cobra, jalon du XXe siècle. L'exposition en situe les racines dans l'art expérimental danois durant la Seconde Guerre mondiale. Les forces d'occupation nazies avaient instauré au Danemark un régime moins rigide qu'ailleurs, ce qui a permis aux artistes de travailler plus librement. C'est donc un art de résistance par l'imaginaire et la création qui s'est développé. Il intégrait les préoccupations des avant-gardes européennes de l'époque : dadaïsme, surréalisme, expressionnisme... Le terme «naïf» a été pour la première fois revendiqué. Les recherches sur le rêve, l'inconscient dominaient, ainsi que l'ouverture aux cultures méprisées, particulièrement les arts africains. Autant d'éléments qui conduisaient les nazis à dénoncer ce genre de travaux comme «dégénérés», «décadents» et à les interdire. Après-guerre, divers artistes et poètes du Danemark, de Belgique et des Pays-Bas se sont unis pour créer le groupe Cobra (acronyme des noms de villes de COpenhague, BRuxelles et Amsterdam). Les dates comptant en histoire de l'art, l'accrochage permet d'admirer les œuvres d'un courant qui défrayait la chronique (des critiques néerlandais hurlaient au «gribouillage»...) au moment même où de jeunes talents marocains se posaient la question de la modernité dans une indépendance sur le point d'être conquise. L'un des affluents de l'art marocain est bien certainement suspendu aux cimaises du Musée Mohammed VI d'art moderne et contemporain, jusqu'au 3 mars 2025. Murtada Calamy / Les Inspirations ECO