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Emploi: qui recrute, qui licencie ?
Publié dans Challenge le 03 - 04 - 2013

Selon le Haut Commissariat au Plan (HCP), 127.000 emplois ont été créés en 2012 et 126.000 ont été perdus. Tour d'horizon sur la situation sur le terrain.
En France par exemple, pays que l'on suit de près, les plans sociaux pleuvent depuis quelques mois. Des milliers d'ouvriers manifestent parce qu'ils sont mis au chômage technique. Au Maroc, on n'en est pas là, fort heureusement, bien que l'indicateur du chômage ait quelque peu augmenté. Selon le HCP, il est toujours d'un peu moins de 10%, un chiffre néanmoins contesté par des économistes parce que trop bas par rapport à la réalité. Qu'en est-il vraiment ? Quelles sont les tendances de l'emploi ? Selon des professionnels sondés dans quelques-uns des secteurs, on a pu remarquer que les patrons marocains expriment une certaine pudeur lorsque le mot «licenciement » est prononcé. Certains préfèrent supporter, l'espace de quelques temps, des charges salariales plutôt que de renvoyer leur personnel. Mais lorsque cela est nécessaire, des personnes sont poussées vers la sortie grâce à des programmes de départs volontaires, quand l'entreprise en a les moyens bien sûr.
C'est le cas par exemple de Maroc Telecom qui a voulu dégraisser le mammouth en décidant de se séparer de 1.500 à 2.000 personnes. Par ailleurs, si aujourd'hui, le Maroc ne connaît pas trop de plans sociaux d'envergure, à l'image de ce qui se fait à l'étranger, «c'est parce que les conflits collectifs sont éclatés en conflits individuels. C'est pour cette raison que ces derniers ont tendance à augmenter», commente un inspecteur du travail. Sur le terrain, finalement, chacun gère sa situation. Il y a des secteurs par exemple qui continuent de recruter comme dans l'agroalimentaire. « En raison du développement de certaines unités, de l'extension des lignes de production... la tendance est au recrutement», affirme Nathalie Barbe, la directrice générale de la Fédération nationale de l'agroalimentaire (Fenagri). C'est le cas également du secteur de l'offshoring où les offres pour les téléconseillers augmentent.
Dans le textile, et de manière générale, les professionnels aimeraient recruter mais ne trouvent pas les ressources qu'il faut pour assurer leurs contrats. C'est en tous les cas ce que confie le directeur général de l'AMITH. «Il y a environ un an et demi, pour faire face à cette problématique, nous avons mis au point avec l'OFPTT un programme (qualifications...) et avons réussi à caser 16.000 personnes. Aujourd'hui, nous avons repris contact avec l'Office pour reconduire ce programme», lance Mohamed Tazi. Et c'est cette recherche de profils spécifiques qui marque aussi le secteur du papier et du carton. Celui-ci n'aurait pas besoin de profils généralistes, mais plutôt de profils bien spécifiques. «Je reçois sur ma boîte e-mail une vingtaine de CV par jour de la part d'ingénieurs de la promotion 2012. Les années d'avant, ceux-là étaient casés en l'espace de deux à trois mois. Aujourd'hui, cette durée est prolongée. Par ailleurs, je pense que dans notre secteur, même si la situation dans certaines entreprises est morose, qu'elle tourne au ralenti, il n'y a pas vraiment de licenciement car l'activité devrait reprendre», indique le patron d'une des plus grandes entreprises de la place.
Pas de licenciements en masse ?
C'est une logique que d'autres industriels suivent aussi. Au lieu de réduire leurs charges pour faire face à une situation maussade, ils préfèrent s'adapter. Globalement, les professionnels du secteur des matériaux de construction ne licencient pas parce que beaucoup de chantiers sont à venir. Le Maroc a un déficit en logement de près d'un million d'unités, 500.000 autorisations sont données. Les professionnels attendent la mise en œuvre de ces chantiers. «Dans nos usines, les formations des ouvriers spécialisés sont longues et coûteuses. Nous ne pouvons pas nous permettre de les renvoyer pour en trouver d'autres plus facilement par la suite. Dans les moments creux, de baisse d'activité, les industriels s'adaptent alors en occupant le personnel avec des formations ou autres », explique David Toledano, président de la Fédération des matériaux de construction de la CGEM. Quant au recrutement dans son secteur, il ne faut pas trop y compter cette année. Les professionnels se contenteront des profils qu'ils ont. Dans l'industrie pharmaceutique, quasiment même son de cloche. « Il n'est question ni recrutement, ni de licenciement, vu que le marché est stagnant.
D'autant plus que la baisse des prix des médicaments en cours d'application n'est pas encourageante pour tout le secteur de la pharmacie : laboratoires, grossistes et officines. ous manquons de visibilité et une telle situation n'est pas de nature à favoriser les investissements et les recrutements», indique-t-on auprès de l'Association marocaine de l'industrie pharmaceutique. Où se trouvent donc les 126.000 postes perdus mentionnés par le HCP ? Il énumère quatre grands secteurs: l'agriculture, forêt et pêche (59.000 emplois), l'industrie dont l'artisanat( 28.000 emplois)), les BTP (21.000 postes) et les «activités mal désignées» (2.000 postes). Dans le secteur de l'agriculture, on comprendrait que les pertes proviennent des saisonniers en raison des conditions climatiques. Dans l'industrie, si certaines filières préfèrent garder leur main d'œuvre en attendant des jours meilleurs, d'autres sont contraintes de licencier. C'est le cas par exemple des sociétés opérant dans les industries métalliques et métallurgiques. «Beaucoup de sociétés emploient des intérimaires. Et dans le contexte maussade que l'on connaît, elles ne tournent pas à plein régime et sont donc tenues de dégraisser. Mais le nombre n'est pas si important», souligne un professionnel. Du côté des BTP, la situation semble aussi pareille puisque le secteur emploie beaucoup de temporaires. Et comme de grands chantiers structurants ont été achevés, que d'autres projets de construction sont arrêtés, ce personnel s'est donc trouvé «au chômage». Dans l'automobile, des équipementiers comme le japonais Sumitomo, a vu ses effectifs de l'unité de Tanger se réduire à près de 4000 salariés contre 5.000 à fin 2011. Les raisons de la réduction du personnel s'expliquent, entre autres, par l'intention de l'équipementier d'améliorer sa productivité et par la baisse de la demande européenne. En définitive, il semble qu'en 2013, beaucoup d'entreprises qui sont dans des difficultés devront opérer des restructurations organisationnelles et d'autres des repositionnements stratégiques.


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