Investir au Maroc, ce n'est pas un privilège réservé à l'Europe ou au Moyen-Orient. Même les voisins tunisiens y voient une opportunité à ne pas rater. Des hommes d'affaires tunisiens ont franchi le pas, d'autres s'apprêtent à s'installer dans le Royaume. La plus connue des entreprises tunisiennes implantées au Maroc est certainement Coficab Maroc. Installée dans la zone franche de Tanger depuis 2001, cette unité de câblerie (18.000 m2) appartient au groupe Elloumi, le premier exportateur privé tunisien. Ce groupe familial dirigé par Faouzi Elloumi, est une véritable multinationale tunisienne du secteur des câbles : le groupe a implanté depuis des années des usines à l'étranger (au Portugal, en Egypte et en Roumanie). «Nous avons démarré cette unité en 2001 avec un investissement de 18 millions d'euros. C'est notre volonté d'accompagner nos clients équipementiers automobiles comme Delphi et Volkswagen, qui nous a poussés à investir au Maroc. C'est d'ailleurs la politique de notre maison-mère», souligne Mohamed Ali Enneifer, directeur général de Coficab Maroc. Depuis, le groupe de la famille Elloumi, qui exporte toute sa production, est devenu le premier fabricant de câbles automobiles au Maroc. «Nous réalisons 80 % de parts de marché. Nous exportons en Allemagne, en France, en Espagne, en Italie, au Portugal, en Slovaquie, en Pologne, en Hongrie, en Roumanie, en Turquie, en Bulgarie, en Iran… », précise-t-il. Aujourd'hui, les autres clients de Coficab Maroc sont les équipementiers automobiles dont Valeo, Sumitomo Bordnetze, Kromberg & Schubert, Dräxlmaier, Lear Corporation, Leoni, Yazaki, Coroplast, ACE, Sews E… Tout en sachant que ses clients finaux/homologations demeurent Mercedes, BMW, VW, Opel, PSA, Volvo, Renault, Fiat.... Rappelons que le groupe Elloumi, qui réalise un chiffre d'affaires de 181 millions d'euros, figure dans le Top «five» des grands groupes privés tunisiens. Mais c'est le premier groupe privé en Tunisie qui a ouvert le bal des IDE tunisiens au Maroc. Il s'agit de Poulina, fondé en 1967 par l'association de cinq entrepreneurs privés dans le secteur avicole, et qui s'est considérablement diversifié au fil des années dans d'autres secteurs comme l'industrie (bois, céramique, acier, imprimerie), l'agro-alimentaire et les services (négoce, consulting, informatique, tourisme). Au Maroc, c'est naturellement par le secteur avicole que Poulina a fait son entrée en 1980, à travers l'élevage et la production d'œufs à Bouznika. Depuis la société Carvene, créée dans la foulée, gère cette activité sur six sites différents à travers le Royaume. Mieux encore, le groupe Paulina a déployé au Maroc, au fil des années, toutes les activités de son pôle «agriculture», notamment l'élevage, l'exploitation agricole, les aliments, l'abattage. «Aujourd'hui, le groupe Paulina compte sept sociétés au Maroc et 300 employés. Outre l'élevage et la production d'œufs, elles opèrent notamment dans la construction métallique, la fabrication de matériels agricoles, la fabrication d'alvéoles pour les œufs, la distribution pour les hôtels et collectivités… », souligne Malek Bouassida, directeur général de Carvene. Le premier groupe tunisien à capitaux privés ne compte pas du tout s'arrêter en si bon chemin dans sa conquête du Maroc. Car il est en train d'investir à nouveau 25 millions de DH dans une usine de production de crème glacée. «Nous avons déjà acheté le site, qui se situe dans un rayon de 50 km de Casablanca. La construction de l'unité industrielle a même démarré et son ouverture est prévue dans une année», renseigne Malek Bouassida. À l'origine de l'implantation de cette usine, le succès rencontré au Maroc, au Sénégal et en Mauritanie par la marque de crème glacée «Selja», fabriquée en Tunisie par une des filiales du groupe Paulina. C'est ainsi que ce dernier vise, outre le marché national, les marchés de l'Afrique noire à travers son usine de Casablanca. Là réside peut-être le début du déploiement de toutes les activités du pôle «agro-alimentaire» (industrie alimentaire, produits laitiers, margarine) du groupe Poulina au Maroc. Sur la question, Malek Bouassida se contentera de répondre que c'est dans l'ordre des choses. Secteur industriel : le meilleur à venir Tout compte fait, les hommes d'affaires tunisiens n'ont pas encore dit leur dernier mot dans le secteur industriel. L'un d'eux est en train de s'installer au Maroc dans le domaine de la fabrication de climatiseurs. «Avec ce partenaire tunisien, notre groupe va créer une joint-venture dédiée à la production de climatiseurs», souligne Salaheddine Kadmiri, patron du groupe éponyme. Rappelons que ce patron marocain est le président de la Fédération nationale d'électricité et d'électronique. Au-delà de l'industrie, c'est dans le secteur de la distribution que la présence tunisienne est également forte. Pourtant, l'échec de Batam est encore vif dans les esprits. Installé dans le Royaume en 1999, Batam, leader de la distribution de meubles et d'électroménager, avait plié bagage en 2004. Cette aventure n'a pas par exemple découragé le groupe Mzabi, présent depuis quelques années dans l'électroménager. Celui-ci commercialise notamment dans la capitale économique les téléviseurs Sony et les équipements hi fi de cette marque. Idem pour Chakib Nouira, qui distribue la marque Célio, inaugurant un autre magasin sur un célèbre passage piéton à Casablanca. Le secteur marocain de la distribution, qui compte un peu plus d'une vingtaine d'opérateurs tunisiens, a également accueilli depuis quelques années le groupe Bouricha avec sa marque de cahiers scolaires Selecta, qui, grâce à leur bon rapport qualité/prix, s'arrachent comme des petits pains à chaque rentrée scolaire. Autres secteurs qui attirent les hommes d'affaires tunisiens au Maroc : les domaines des bureaux d'étude et de l'informatique. Acti, opérant dans le secteur de la sécurité informatique, et Arabsoft, font également de bonnes affaires dans le Royaume. Pourtant, il y a quelques années, la priorité était donnée au volet commercial de part et d'autre des deux pays. Aujourd'hui, c'est une nouvelle approche qui prend le dessus. Même si, sur ce chapitre, les hommes d'affaires marocains s'avèrent être plus conquérants, leurs homologues tunisiens, plus portés par les exportations, tentent de s'y faire. «Il n'y a pas beaucoup de multinationales tunisiennes. Sur ce point, le Maroc est beaucoup plus en avance. Depuis plusieurs années, les opérateurs tunisiens ont préféré mettre le cap sur les exportations à partir de la Tunisie», fait remarquer le patron de Coficab Maroc. Entre 2006 et 2007 par exemple, les exportations tunisiennes vers le Maroc ont augmenté de 55 %. Cette performance est due à l'introduction de nouveaux produits tunisiens sur le marché marocain comme l'huile d'olive, le lait et la crème de lait, les articles d'hygiène et les moteurs et machines motrices, sans compter l'augmentation du volume d'exportation de plusieurs produits tunisiens vers le Royaume. C'est le cas des dattes, des pneumatiques, des cahiers scolaires et des chauffe-eau électriques.