Il n'y aura pas de crise dans le secteur immobilier puisqu'il est promis à de belles perspectives. En revanche, l'animosité entre privé et public s'accentue et la suppression de certains avantages fiscaux ne fera que jeter de l'huile sur le feu. La conférence organisée par notre confrère la Vie Eco, jeudi dernier à Casablanca, a été, encore une fois, l'occasion pour Miloud Chaâbi, patron de Chaâbi Lil Iskan et président de la Fédération nationale de l'immobilier, de s'attaquer à Al Omrane, le bras bétonné de l'Etat. « Nous ferons tout ce que nous pouvons pour qu'Al Omrane disparaisse», a-t-il martelé. Voilà qui est clair. Censée aborder la crise de l'immobilier, cette rencontre a été, dans la majorité des cas, un face à face intéressant entre divers intervenants du secteur. Pour les aménageurs, notamment Al Omrane représenté par son directeur général, Najib Laâraichi, «le secteur public tend la main à ceux qui veulent travailler avec lui». L'apostrophe vise le patron du groupe Ynna qui a, selon Najib Laâraichi, refusé de mettre la main à la bétonnière dans le projet de Tamesna, au sud de Rabat. «Les prix du terrain se négociaient à 300 DH à l'époque», précise le patron d'Al Omrane pour enfoncer le clou. Dans un autre face à face, les architectes, représentés par leur président de l'ordre, n'ont pas mâché leurs mots. La qualité de l'habitat est une chose «trop sérieuse pour la laisser entre les mains des seuls promoteurs immobiliers», la flèche vise les organisateurs du débat qui n'ont pas invité les traceurs de plans à l'estrade d'honneur. Dans l'ensemble, le débat a mis sur le tapis les faiblesses et les forces du secteur dans un langage franc entre opérateurs, ce qui est en soit une très bonne thérapie de groupe pour des opérateurs qui se jettent la pierre depuis des années. Pas de réponse tranchée de la FNI Bien que le débat ait abordé des sujets aussi sensibles que la possible disparition de l'article 19, la position de la Fédération reste mitigée sur ce chapitre. Ainsi, «aucun promoteur ne peut adopter une position ferme à ce sujet», explique un observateur de la place. D'ailleurs, Miloud Chaâbi, interpellé sur cette question, lui qui n'a pas sa langue dans sa poche, a préféré adopter un discours conciliateur. « Il ne s'agit pas pour nous d'abandonner ou non le logement social si l'article 19 venait à disparaître, mais de permettre à cette branche de se développer et d'offrir des logements à tous ceux qui en demandent ». Autrement dit, ce n'est pas si grave que cela, la vie continue (et les profits surtout) avec ou sans incitations fiscales. En revanche, son confrère, présidant à la destinée du groupe Sekkat, n'a pas hésité à lier le développement du noir et l'augmentation des prix à l'adoption du système des autorisations. Certes, ce système a freiné le rythme de la production dans des villes comme Casablanca, où le gap entre l'offre et la demande se creuse de plus en plus, mais il est abusif d'établir un lien de cause à effet avec le noir. Cette pratique obscure sévit dans le marché depuis le milieu des années 90 et s'est accentuée pendant la présente décennie. Pire encore, la pratique du noir s'est accentuée depuis 2002. Quant à la guerre contre Al Omrane, la Fédération, qui s'exprime par la voix de son président Miloud Chaâbi, n'arrive pas à dissiper la confusion. D'un côté, la présence d'Al Omrane est présentée comme un frein au secteur, «car elle a le privilège du foncier». Ce qui est difficilement prouvable dans la mesure où la croissance du secteur se fait à une vitesse qui dépasse l'entendement. Rien que dans le logement social, l'Etat a signé pour plus de 40 milliards de dirhams de convention avec des opérateurs privés, un volume enregistrant une progression exponentielle depuis que le seuil de l'exonération a été ramené à la production, en 5 ans, de 2.500 logements au lieu de 5.000 auparavant. En plus, la concurrence d'Al Omrane n'a pas réussi à mettre en doute le business plan d'opérateurs comme Addoha ou CGI, qui ont connu un succès retentissant lors de leurs introductions en bourse. En fait, le secret de l'acharnement de Chaâbi contre Al Omrane est qu'il convoite la réserve foncière de l'Etat. Selon des mauvaises langues, l'homme du Gharb veut le foncier de l'Etat à bas prix et non pas au prix du marché. Chose que le patron d'Ynna Holding réfute en soulignant que son souhait est que «le foncier soit commercialisé à des prix qui garantissent une bonne rentabilité pour les entreprises qui opèrent dans le secteur et que cela se fasse sur le même pied d'égalité». Enfin, de la crise, point d'écho. Le secteur se porte à merveille et garde l'espoir dans l'avenir. En revanche, la crise touche l'adéquation de l'offre et de la demande et la spéculation qui n'a pas épargné le logement social. Ce qui fait dire à Fadel Agoumi, directeur de la publication de la Vie Eco, organisateur de cet évènement, que même le logement social «devient difficile à acquérir». S'il y a crise, c'est dans ce sens qu'elle doit être comprise.