La France et l'Afrique se sentent aujourd'hui fatiguées l'une de l'autre. Elles ne se comprennent plus à cause d'une diplomatie française ‘'sans stratégie et sans vison''. Tel est le constat dressé par les députés Jean-Claude Guibal (Les Républicains), parti de droite et Philippe Baumel (parti socialiste),dans un rapport voté jeudi par la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale. ‘'La France perd de son influence sur l'Afrique et son image en nette dégradation depuis deux décennies. Elle n'est plus la référence unique ni même primordiale dans le continent noir désormais courtisé par les pays émergents (Chine, Inde, Brésil..)'', note ce rapport de 200 pages qui cite parmi les composantes de ce désamour, l'ingérence militaire française dans les différents pays du continent et le soutien apporté par Paris aux gouvernements iniques. En effet les Africains étant devenus, au fil des années, extrêmement méfiants dans les relations qu'ils entretiennent avec Paris, ils peuvent voir l'action française en Côte d'Ivoire, au Mali, en Centrafrique et ailleurs, comme une ingérence plutôt que comme une assistance. Même au Mali, où la majorité des citoyens semblaient reconnaissants de l'arrivée des troupes françaises, des voix se sont élevées pour critiquer la présence française sur leurs territoires. C'est ce qui confirme que les rapports restent finalement d'une nature méfiante entre la France et ses anciennes colonies. Le pillage prêté à la France en matière d'exploitation des ressources naturelles du continent africain et d'échanges commerciaux pèse aussi dans ce désamour entre les deux parties, quoique l'Afrique ne représente que pour 0,8 % dans le commerce extérieur de la France, contre 44 % en 1967. Les Africains francophones ont également le sentiment d'être délaissés, par une France avare en matière d'aide au développement dont le volume est en diminution constante depuis 2010. En conséquence, les réalisations françaises sont moins visibles que les immenses projets (stades, lycées, palais des congrès..) construits par les Chinois et autres pays émergents. Et c'est dans ce sens que le rapport tout en critiquant une politique économique quasi absente en Afrique, a plaidé pour un ‘'rééquilibrage qui permette à la France de placer l'aide au développement au cœur de sa politique africaine'' et de rétablir ainsi une image aujourd'hui ‘'brouillée et quelque peu ternie''. Les Africains ont par ailleurs la conviction d'être r indésirables sur le sol français, au vu les conditions d'accueil (visa) qui se durcissent au fil des années. Ces immigrés africains suscitent en effet de vastes réactions négatives liées à leur séjour, à leur situation et à leur attitude en France. Les diverses tendances de l'opinion publique n'hésitent pas à souligner le mépris et la peur qu'ils inspirent au sein de la société française, ce qui amenait à les placer avec les Maghrébins au dernier rang d'un classement de préférence des différentes nationalités étrangères. Le désamour France-Afrique résulte également des idées misérabilistes que se font les Français de l'Afrique, un continent entré bel et bien dans l'ère du progrès et du développement. En témoigne l'intérêt que lui portent des pays comme la Chine, l'Inde et le Brésil qui ont fermement pris pied sur le continent avec une prédominance commerciale qui fait que les échanges avec l'Afrique peuplée de plus d'un milliard d'habitants ont passé de 34 milliards de dollars en 1995 à 283 milliards en 2008 pour bondir à 450 milliards en 2017.