Ayant goûté à la joie ministérielle pendant seulement 60 minutes, après avoir vu son nom sur la liste du gouvernement du nouveau Premier ministre algérien Ahmed Ouyahya, l'éphémère ministre de l'artisanat et du tourisme Messaoud Benagoun apprend par voie de presse qu'il s'agit d'une "erreur". Peu importe la raison avancée pour justifier l'"erreur répétitive" de destitution du même ministre après sa nomination en mai pendant trois jours et ce mercredi durant une heure à la tête du département du Tourisme, il s'agit bel et bien d'une bourde unique et inique dans les annales d'une scène politique malsaine algérienne. "Même en étant toujours dans une république bananière évoluant dans une illégitimité chronique, un peu de bon sens aurait été toutefois observé", commente avec ironie la publication "le Matin d'Algérie", en évoquant un pays souffrant de rigueur et de sérieux. "Si l'Algérie était un pays sérieux, on ne serait jamais arrivé à commettre cette énième farce envers tout un peuple", ajoute le journal. L'erreur (..) donne raison à ceux, lucides et intransigeants, qui crient haut et fort que le président ne décide de rien et ne désigne personne. Le pouvoir présidentiel est, de fait, illégalement légué et par conséquent exercé en tout illégitimité par des mandataires hors-la-loi, souligne le journal. "Et dans le domaine de la pratique démocratique, l'Algérie ne sait rien faire à part reculer davantage. Car, cette pratique déshonorante montre à quel stade le pays est arrivé en matière de régressions tout azimut", a-t-il ajouté. Messaoud Benagoun, limogé de son poste de ministre du Tourisme, se dit être "victime d'une conspiration". Dans un entretien qu'il a accordé au quotidien arabophone "Echourouk", il a affirmé ne pas comprendre les vraies raisons de son éviction de la tête du ministère du Tourisme. "Ce sont les prérogatives du chef de l'Etat, mais je ne connais toujours pas les raisons de mon limogeage", a-t-il indiqué, avançant qu'il a eu vent de la nouvelle alors qu'il était dans son bureau. "Vers 10 h du matin, j'ai reçu un appel téléphonique du chef de cabinet du Premier ministre m'annonçant la fin de mes fonctions sans me donner plus de détails sur les raisons de cette décision du chef de l'Etat", explique-t-il. Pour le journal en ligne TSA, ce mini-remaniement ministériel a été marqué par une "incroyable bourde" : l'annonce du retour de Messaoud Benagoun au ministère du Tourisme, avant que son nom ne soit retiré de la liste du gouvernement. Une maigre consolation quand même pour M. Benagoun : il n'est pas le seul ministre à avoir été remercié en un laps de temps très court. Cité par le journal électronique, Ramdane Youcef Tazibt, chargé de communication du Parti des travailleurs (PT), a expliqué que "l'ex-ministre de l'Industrie et des Mines Mahdjoub Bedda est limogé 83 jours après sa nomination, vraisemblablement, pour les mêmes raisons que l'ex-premier ministre Abdelamajid Tebboune". Selon ce dernier, "M. Mahdjoub avait annoncé la nécessité pour les investisseurs de rendre des comptes sur les cadeaux fiscaux et parafiscaux et préserver le foncier industriel". Concernant le cas de Benagoun "nommé puis limogé", M. Tazibt affirme qu' "il est difficile de commenter". Pour Nacer Hamdadouche, chef du groupe parlementaire MSP, "aucun critère de sélection n'a été adopté dans le choix des nouveaux cadres de l'Etat". "Les questions qui se posent : Où est le Président ? Qui gouverne en son nom ? Qui désigne les hauts cadres de l'Etat ? Quels sont les critères adoptés pour le choix de ces cadres ? ", s'interroge-t-il. "Ecarter des ministres fraîchement installés dans leurs postes est synonyme de l'aventurisme (..)"Ce qui est encore grave, c'est la reconduction de certaines figures politiques qui ont déjà démontré leur incapacité à gérer leurs secteurs au moment où l'Algérie vivait une situation financière plus confortable", "ajoute-t-il. Pour le parti d'Ali Benflis, "Talaie El-Houriat", le cas de Messaoud Benagoun "n'est pas une erreur". " L'Agence officielle ne s'est pas trompée. La liste est venue de la Présidence de la République et l'APS l'a reprise telle quelle", explique le chargé de communication Ahmed Adimi. S'agissant du remaniement ministériel partiel, M. Adimi affirme que "ces désignations anarchiques des ministres qui n'obéissent à aucune règle nous démontrent que le Président ne prend aucune décision". Le retour de certaines figures au pouvoir confirme que "l'Algérie est tombée entre les mains d'amis qui s'amusent et jouent avec l'avenir du pays". " Il n'y a plus de pouvoir", assène-t-il. Cet épisode confirme une situation qui n'est pas nouvelle en Algérie: sous Bouteflika, les ministres apprennent leur nomination et leur départ à travers la presse.