Après l'adoption de la loi de finances 2017 par l'Assemblée populaire nationale (APN), les citoyens algériens s'apprêtent à vivre des lendemains difficiles. Le texte intervient dans un contexte de crise marqué par un besoin urgent de ressources. Le Fonds de régulation des recettes (FRR) arrivant à expiration et les exportations d'hydrocarbures ne rapportant plus autant qu'avant, le gouvernement s'est tourné vers les ménages. Du carburant à l'électroménager, ou encore les produits alimentaires, tous les prix vont augmenter dès janvier 2017. Premier choc, la Taxe sur les produits pétroliers (TPP) qui va augmenter les prix de tous les carburants de 1 à 3 DA. Une hausse avait déjà eu lieu dans le cadre de la loi de finances précédente, avec l'institution d'une taxe d'efficacité énergétique sur les produits importés ou fabriqués localement fonctionnant à l'électricité, au gaz et aux produits pétroliers, dont la consommation dépasse les normes d'efficacité énergétique prévues par la réglementation en vigueur. Par ailleurs, en plus de la taxation ajoutée par la LF 2016, le tabac a connu une majoration cette année. Le prix du paquet, estimé actuellement à 270 DA connaîtra une augmentation d'environ 40 DA. Cependant, cette hausse variera selon les différentes marques disponibles sur le marché algérien. La loi de finances 2017 verra également l'application d'une TVA sur les marges réalisées par les marchands de meubles d'occasion et en ce qui concerne le logement, les permis de construire et de mise en conformité des bâtisses, les Algériens feront face à des hausses sur toute opération dans le domaine. Une mesure a également été approuvée prévoyant l'augmentation de la taxe sur les boissons alcoolisées à hauteur de 10%. Selon l'économiste Samir Bellal, il est clair que le pouvoir d'achat va prendre un sérieux coup avec cette loi de finances. Mais ce qui est nouveau pour lui, «c'est que c'est la première fois depuis pratiquement la fin des années 90' que l'on s'en prend aussi lourdement et aussi brusquement au pouvoir d'achat des ménages. D'un point de vue strictement économique, les mesures contenues dans la LF-2017 visent à remédier un tant soit peu à une situation budgétaire des plus difficiles». Et d'ajouter : «Ce qui est embêtant dans les mesures annoncées, c'est qu'elles semblent s'inscrire dans un processus d'ajustement naturel, c'est-à-dire un ajustement qui vise simplement à colmater les brèches, mais nullement à ouvrir de nouvelles perspectives pour l'économie nationale. Ce qui est présenté pompeusement comme un nouveau modèle de croissance n'est en réalité qu'un ensemble de mesures budgétaires étalées dans le temps pour faire face à la conjoncture difficile que nous vivons.» Impasse Le gouvernement a fait de l'année 2016 la date du lancement d'un nouveau modèle de croissance économique qui donnerait plus de place au développement d'une économie hors hydrocarbures. En matière budgétaire, «la politique de l'Etat a de tout temps privilégié l'impératif politique de la redistribution au détriment de l'impératif économique de la croissance. C'est dans les arbitrages budgétaires effectués par l'Etat que la logique rentière trouve sa parfaite expression», rappelle l'économiste. Un nouveau modèle de croissance doit, pour être crédible, «exprimer une volonté politique de rompre avec la logique rentière qui gangrène le fonctionnement de l'ensemble des rouages de la société», estime Samir Bellal. Car pour lui, le régime rentier «est aujourd'hui dans une impasse». Une rupture avec cette logique nécessite donc «un nouveau contrat social dont les éléments constitutifs doivent englober des réponses politiques courageuses à des questions économiques essentielles qu'on ne peut éluder indéfiniment». Ces questions ont trait aussi bien à la nature de l'économie nationale qu'à son insertion dans l'économie mondiale. Avec des choix de politique sociale très prononcés et des mesures de protectionnisme souvent décriées d'un côté, et l'ouverture tous azimuts du marché aux importations de l'autre, on a un peu de mal à dire quelles sont les orientations précises de l'économie algérienne. «Veut-on, oui ou non, instaurer une économie de marché ? De la réponse à cette question découlera la conduite à suivre en matière de prix (et donc de subventions) et d'accès aux marchés», indique l'économiste. D'autres questions se posent, selon lui, sur le mode d'insertion de notre économie dans la division internationale du travail. «Pendant quinze ans, l'Algérie a procédé à un véritable désarmement douanier qui, conjugué aux effets de la surévaluation de notre monnaie, a fini par détruire le fragile tissu industriel national (l'industrie représente moins de 4% du PIB)», précise Samir Bellal. Sans compter «le clientélisme» qui pèse sur le secteur public. Autant d'aspects de notre économie qui restent à régler, mais dont le gouvernement ne semble pas se soucier pour le moment, préférant pallier au plus urgent, à savoir récolter le maximum de ressources possibles, quitte à mettre en péril le pouvoir d'achat des citoyens sans toucher aux acquis des plus nantis. «La sortie du régime rentier est un défi fondamentalement politique et ce ne serait pas rendre service à la collectivité nationale que de s'entêter à ne pas en prendre acte», prévient Samir Bellal. A bon entendeur…