Récemment, des déclarations de dirigeants algériens sur la question du Sahara marocain ont mis en lumière leur nervosité face à l'évolution de ce dossier et, surtout, leur inquiétude devant le soutien croissant dont bénéficie la proposition marocaine d'autonomie. Devant le Parlement, le 29 décembre 2024, le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui ne fait pas dans la nuance, a qualifié la proposition marocaine de «falsification.» Sur le ton méprisant qu'il affectionne, le chef de l'Etat algérien a parlé de «fables» et de «contes de J'ha» dans une sortie de route qui a été retirée du texte officiel diffusé par les médias algériens. Tebboune a rappelé, comme il le fait régulièrement, qu'«il n'y a pas de haine envers Untel ou tel ou tel pays» et que la question du Sahara ne relève pas d'une «association de bienfaisance», mais de la commission de décolonisation de l'ONU. Sur sa lancée, Tebboune a admis que l'Algérie est entrée en conflit avec certains pays européens qui, selon lui, sont «sortis de la légalité internationale», faisant allusion au changement de position de l'Espagne et de la France sur cette question. Il n'a pas mentionné les Etats-Unis ou les pays du Golfe, pour ne citer que quelques-uns. Il n'a pas non plus expliqué au peuple algérien pourquoi son régime est «entré en conflit» avec ces pays dans une question qui ne concerne pas l'Algérie. Le lendemain, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, est revenu à la charge pour confirmer et compléter les propos de son président. Il a qualifié le plan marocain de «néant intégral», ajoutant : «Il ne contient rien. C'est du remplissage.» Pour preuve éclatante, a martelé Attaf, le document ne couvre que «trois pages et demie» (!). Pour finir, le ministre algérien a affirmé que, depuis 2007, aucun des quatre envoyés personnels du secrétaire général de l'ONU «n'a osé présenter la proposition marocaine comme base pour les discussions», et il en conclut : «parce qu'aucun d'entre eux n'est convaincu du sérieux» de cette proposition. Le ministre algérien se contredit lorsqu'il tente de délégitimer le plan tout en reprochant au Maroc de ne l'avoir jamais proposé au Polisario. Concis, le plan n'en contient pas moins tout ce qu'il doit contenir, à savoir les grandes lignes d'un plan pour une solution politique réaliste conforme aux vœux du Conseil de sécurité des Nations unies. L'idée de l'autonomie ne date pas d'hier. La proposition marocaine, comme avant elle «l'Accord-cadre sur le statut du Sahara occidental», dit Plan Baker I, prévoyait une répartition des compétences entre l'Etat et la Région. Ce plan, qui a été présenté en 2001 et accepté par le Maroc, prévoyait l'organisation d'un référendum dans un délai de cinq ans. En février 2006, le ministre délégué aux affaires étrangères et à la coopération du Maroc déclarait à propos de l'autonomie : «Nous sommes prêts à prendre ce risque comme un compromis. Nous sommes prêts à aller aussi loin que nous pouvons pour négocier.» Dans la lettre datée du 11 avril 2007 adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent du Maroc auprès de l'Organisation des Nations unies et présentant l'Initiative marocaine pour la négociation d'un statut d'autonomie de la région du Sahara, il est précisé au point 27 de l'annexe que «le statut d'autonomie de la Région fera l'objet de négociations et sera soumis à une libre consultation référendaire des populations concernées. Ce référendum constitue, conformément à la légalité internationale, à la charte des Nations unies et aux résolutions de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité, le libre exercice par les populations de leur droit à l'autodétermination.» La proposition a été favorablement accueillie par le Conseil de sécurité, qui a loué les «efforts sérieux et crédibles faits par le Maroc pour aller de l'avant vers un règlement», tout en laissant le soin aux parties d'en débattre (résolution 1754 du 30.04.2007). Depuis lors, le Conseil de sécurité réitère son appel chaque année. Or, l'Algérie refuse d'assumer ses responsabilités et s'accroche à des concepts dépassés. Quant aux envoyés personnels du secrétaire général de l'ONU, on sait bien que leur feuille de route est définie par le Conseil de sécurité et leur mission encadrée par les résolutions de ce conseil. L'actuel envoyé personnel, Staffan de Mistura, a constaté dans son exposé du 16 octobre 2024 devant le Conseil de sécurité que «le concept d'autonomie a suscité de l'intérêt.» De Mistura a relevé que «le plan marocain d'autonomie a gagné du terrain auprès de certains acteurs internationaux.» On est loin des propos discourtois et sceptiques d'Attaf. Ne lui en déplaise, la proposition marocaine est «sérieuse, crédible et réaliste.» En soutenant le contraire, Tebboune et Attaf font peu de cas de la position exprimée par de nombreux pays, et non des moindres. Sur ce point, l'Algérie est isolée. Les responsables algériens, dans leur croisade contre l'initiative marocaine, ont ajouté un nouvel élément à leur narratif. Cette fois, le président Tebboune a attribué la paternité du plan d'autonomie à la France, sous le mandat de Jacques Chirac. «Le plan, a-t-il affirmé, n'est pas né à Rabat ou à Marrakech, mais à Paris.» Ahmed Attaf lui a emboîté le pas pour dire que l'idée était née en France. Or, Attaf oublie que le 31 juillet dernier, dans sa réaction à la lettre du président Macron au roi Mohammed VI, il avait déclaré que «la France a désormais pleinement adopté la proposition marocaine.» Le ministre algérien martelait, pour ne laisser place à aucun doute : «La proposition marocaine concernant le Sahara occidental est devenue une proposition entièrement française.» Il est vrai qu'entretemps, Abdelaziz Rahabi a déclaré : «Ce n'est pas un revirement, c'est la France qui a conçu le plan d'autonomie, elle l'a toujours soutenu, elle a été un allié du Maroc, ce n'est pas nouveau.» Cet «ancien diplomate et ancien ministre» a induit tout le monde en erreur. Peut-être Attaf nous expliquera-t-il par quel subterfuge un plan, selon lui «français», a pu soudainement être «adopté par la France» ? Pourquoi Jacques Chirac, malgré toute l'affection qu'il avait pour le Maroc, n'avait pas soutenu l'initiative marocaine et pourquoi, pendant longtemps et jusqu'au 30 juillet 2024, la France s'en est tenue à sa position de principe bien connue : la proposition marocaine est une «base de discussions sérieuse et crédible»... En définitive, les contradictions algériennes, et ce ne sont ni les premières ni les dernières, confirment le désarroi de la diplomatie de ce pays, qui se rend compte que le levier qu'elle a longtemps utilisé contre le Maroc est en train de disparaître.