Mohamed Bachir Rachdi, président de l'Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC), n'a pas explicitement démenti des informations officieuses qui circulent dans ses cercles restreints concernant une révision fiscale qu'il aurait subie en guise de représailles politiques. Bien qu'il n'ait pas confirmé l'existence d'une telle mesure, il a confirmé que, dès sa prise de fonction à la tête de l'INPPLC, il avait procédé à une régularisation totale de la situation fiscale de son ancienne société en veillant à respecter scrupuleusement la législation en vigueur. Les propos de M. Rachdi traduisent, à en croire quelques voix, un sentiment d'instrumentalisation des institutions à des fins de règlement de comptes, surtout après la récente diminution controversée des fonds alloués à l'INPPLC. Le responsable a également insisté sur l'indépendance de l'INPPLC et sur sa détermination à ne pas céder aux tentatives de pression, après la dernière confrontation avec le gouvernement sur les chiffres réels de la corruption au Maroc. Un rapport accablant et une riposte gouvernementale ? L'INPPLC, sous la direction de M. Rachdi, avait récemment dévoilé les contours d'un rapport très accablant sur l'ampleur de la corruption au Maroc et ses répercussions sur le développement économique et social du pays. Ce rapport avait provoqué une levée de boucliers de la part d'Aziz Akhannouch, qui avait contesté les estimations avancées sur le coût de la corruption. Selon M. Rachdi, ces évaluations reposent sur des méthodologies reconnues à l'international et sur des données issues d'institutions de renom telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime. Pourtant, cette crise entre l'INPPLC et l'exécutif semble avoir franchi un nouveau palier, avec cette révision fiscale qui, si confirmée, soulève une question cruciale : dans quelle mesure les institutions marocaines peuvent-elles résister à la manipulation politique et garantir leur indépendance face aux intérêts partisans ? Réalités amères Mohamed Bachir Rachdi a souligné en octobre que le Maroc n'a progressé que d'un seul point sur l'indice de perception de la corruption au cours des deux dernières décennies. Parallèlement, le classement du pays sur d'autres indicateurs liés à la lutte contre la corruption n'a cessé de se détériorer. Il a également constaté que plus de 20 % des entreprises marocaines ont été confrontées à des pratiques de corruption, tout en qualifiant l'impact des efforts de lutte contre ce fléau de «faible». Lors d'une conférence de presse tenue à Rabat pour présenter le rapport annuel de l'INPPLC pour 2023, M. Rachdi a déclaré que «la position du Maroc sur tous les indicateurs relatifs à la lutte contre la corruption n'a pas évolué depuis vingt ans. Le pays n'a gagné qu'un seul point sur l'indice de perception de la corruption, ce qui est loin des attentes des citoyens.» Il a également souligné que d'autres indicateurs, tels que l'indépendance de la justice, la liberté de la presse et la qualité des services en ligne, issus de l'indice d'intégrité publique, affichent des performances tout aussi négatives. Une stratégie nationale à la peine Selon le responsable, la stratégie nationale de lutte contre la corruption visait une progression de 23 points sur l'indice de perception de la corruption. Or, à ce jour, seuls 38 points ont été atteints, soit une avancée d'un seul point en vingt ans. M. Rachdi a affirmé que l'évaluation menée par l'INPPLC met en lumière l'échec de cette stratégie à atteindre plusieurs de ses objectifs. Cette évaluation a également mis en évidence des lacunes structurelles majeures, notamment un manque de cohérence dans la conception des projets, ainsi qu'une mise en œuvre fragmentée des objectifs sectoriels de la stratégie. Rachdi a, en outre, déploré l'absence de réponses constructives de nombreuses parties prenantes aux recommandations formulées par l'instance dans ses précédents rapports. Un diagnostic alarmant du secteur privé Abordant la situation des entreprises, M. Rachdi a révélé que 68 % des sociétés marocaines considèrent la corruption comme un phénomène très répandu dans le pays, tandis que 23 % d'entre elles déclarent avoir été directement affectées par des actes de corruption liés principalement à l'obtention de services et non à des avantages particuliers. Il a toutefois précisé que peu d'entreprises osent dénoncer ces pratiques, invoquant le manque d'efficacité des mécanismes en place et la crainte de représailles. Les pratiques corruptives identifiées se concentrent principalement autour des licences, des autorisations, des déclarations administratives et des marchés publics. M. Rachdi a également souligné aussi le poids économique dévastateur de la corruption, qui coûte au Maroc entre 3,5 % et 6 % de son produit intérieur brut (PIB) chaque année, soit environ 50 milliards de dirhams. À l'échelle mondiale, la corruption représente 4 % du PIB, ce qui équivaut à 2 000 milliards de dollars.