Jusqu'à il y a quelques jours, nombreux étaient les Marocains, au Maroc, qui se frottaient les mains à la perspective d'un gouvernement Bardella en France. Aujourd'hui, ils se désolent. D'autres, au contraire, applaudissent au score du Nouveau Front Populaire (NFP), se réjouissant, pêle-mêle, du triomphe de la gauche et du «sursaut de la France des Lumières.» Cette France-là, dit-on, contrairement à celle de l'extrême droite, ne s'en prendra pas aux émigrés et aux musulmans. Les partisans marocains du Rassemblement National (RN) arguaient de la proximité de plusieurs dirigeants de ce parti avec le Maroc. Jamais, sauf meilleure information, un responsable FN/ RN n'a porté atteinte à l'image ou aux intérêts du Maroc. Ni un dirigeant de Les Républicains du reste. En faisant la part des choses, le Sahara marocain étant le baromètre de nos amitiés et nos alliances, il est évident qu'en raisonnant strictement au point de vue de politique étrangère, la droite et l'extrême droite sont plus attentives aux thèses du Maroc. Les questions de politique intérieure française quant à elles relèvent d'un débat qui n'est pas le nôtre et qui, en tout état de cause, n'est pas l'objet de cette chronique. Dans le camp du bloc de la gauche-extrême gauche-écologistes, en revanche, les sympathies vont nettement aux ennemis du Maroc. Les déclarations de soutien au Polisario et les actes hostiles ne manquent pas dans les rangs des Insoumis et des communistes. Manon Aubry, députée européenne La France Insoumise (LFI)et membre de l'intergroupe Sahara Occidental au Parlement européen ainsi que Mathilde Panot, ancienne présidente du groupe parlementaire LFI à l'Assemblée nationale, Sébastien Delogu et Loïc Prud'homme ont souvent pris position contre le Maroc. Rima Hassan, militante LFI d'origine palestinienne, moins connue sur la scène internationale, a également exprimé son soutien au Polisario. Du côté du PCF, le Polisario a toujours pu compter sur le soutien de quelques députés, comme Jean Pierre Lecoq, qui s'est distingué par de nombreuses déclarations et initiatives en faveur de ses amis miliciens. Il a été remis dans l'avion le 08/11/2010 à l'aéroport de Laayoune, où il était arrivé sans prévenir dans le but, a-t-il déclaré sans se gêner, «d'aller voir ce qu'il se passe.» En 2017, il s'est présenté comme pétitionnaire pour défendre devant la quatrième commission de l'ONU les thèses du Polisario et il a organisé en janvier 2022 un colloque à l'Assemblée nationale en soutien aux thèses du groupe de Tindouf. Les déclarations de Jean-Luc Mélenchon Jean-Luc Mélenchon, leader de LFI, a cependant des positions plus nuancées et il est bien seul, avec Karim Ben Cheikh, député des Français de l'Etranger. En visite au Maroc pour apporter sa solidarité aux victimes du séisme d'El Haouz, le chef des Insoumis, sur la question du Sahara, a évoqué des «paramètres nouveaux auxquels les Français devraient, sans doute, réfléchir avec plus d'attention. La prise de position des Etats-Unis d'Amérique, d'Israël et de l'Espagne a modifié le regard que le monde porte sur cette question. Je souhaite que mon pays le comprenne et que dans tous les cas on n'en fasse pas un sujet de querelle avec les Marocains.» Au grand dam du journal communiste L'Humanité, Mélenchon a affirmé qu'il s'agit d'une «question épineuse dans les opinions publiques marocaines. Tout le monde au Maroc se sent investi dans la Marche verte et la continue dans son esprit et même ceux qui aiment le Maroc, même si des fois ils sont tenus par une certaine discrétion, n'en pensent pas moins». Karim Ben Cheikh est plus catégorique. Pour lui, à l'ONU, il y a une seule solution réaliste, celle proposée par le Maroc, à savoir une autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine. La diversité d'opinions au sein du parti LFI concernant les relations avec le Maroc pourrait être source de tensions internes au sein de la gauche «plurielle» française, comme c'est le cas en Espagne où le président Pedro Sánchez doit faire face à la fronde de certains de ses alliés et ministres et jusqu'au sein de son propre parti. Au centre, le parti présidentiel a souvent été critique vis-à-vis du Maroc, même si, depuis quelque temps, il semble être revenu à de meilleurs sentiments. Stéphane Séjourné, alors chef du groupe Renew-Europe au Parlement européen et membre dirigeant du parti présidentiel, a orchestré une campagne anti marocaine qui a abouti au vote, en 2023, d'une résolution du Parlement européen résolument critique à l'égard du Maroc. Depuis, Séjourné, devenu ministre des affaires étrangères, s'est rendu au Maroc pour «ouvrir un nouveau chapitre» dans les relations entre les deux pays. Sous la présidence Macron, les rapports maroco-français ont sombré dans une phase de tensions et de froid comparable à celles que les deux pays ont connues aux pires moments de leur histoire depuis 1956. Le récent et timide réchauffement pourrait être compromis si le NFP arrivait au gouvernement. J.-L. Mélenchon, à supposer qu'il le veuille, serait le seul garde-fou, mais il pourrait se retrouver rapidement isolé. Même si les deux situations ne sont pas comparables, le précédent sud-africain le prouve : Thabo Mbecki a fini par passer outre les objections de Nelson Mandela, opérant un visage à 180 degrés sur la question du Sahara.