Hausse des moyens, refonte de la procédure pénale, nouveau tribunal des activités économiques: voici les principales mesures du projet de réforme du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, que le Sénat s'apprête à voter mardi. Moyens humains et budgétaires Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice ambitionne de faire passer le budget du ministère de 9,6 milliards d'euros en 2023 à près de 11 milliards d'ici quatre ans. Il entérine l'embauche de 10.000 personnes, dont 1.500 magistrats d'ici à 2027. Les sénateurs ont porté le nombre de nouveaux greffiers à 1.800 et prévu la création de 600 postes de conseillers pénitentiaires de probation et d'insertion (CPIP). Refonte de la procédure pénale Le texte autorise le gouvernement à réécrire par voie d'ordonnance le code de procédure pénale afin d'en « clarifier » sa rédaction. Ce code est passé de 800 à plus de 2.400 articles depuis son entrée en vigueur en 1959. Un comité d'experts est chargé de ce chantier, lancé en janvier et qui devrait durer au moins un an et demi. Le Sénat a posé la nécessité de conduire parallèlement le travail de clarification et de simplification. Il a prévu un délai d'un an entre la publication de l'ordonnance et son entrée en vigueur, afin de laisser une marge de manœuvre au Parlement. Le ministre s'est engagé à ce que le nouveau code n'entre pas en vigueur avant d'avoir été ratifié par le Parlement. Activation à distance d'appareils connectés Dans les affaires de terrorisme, et de délinquance et criminalité organisées, caméras ou micros des téléphones, ordinateurs et autres appareils pourront être connectés à distance à l'insu des personnes visées pour capter son et images. L'activation à distance des appareils pour la géolocalisation serait autorisée pour les infractions punies d'au moins dix ans d'emprisonnement, selon les sénateurs, contre cinq ans dans le texte initial. La réforme simplifie certaines règles de procédure: perquisitions de nuit élargies en matière criminelle, nouveaux droits pour les personnes placées sous le statut intermédiaire de témoin assisté, visioconférence pour l'assistance d'un interprète ou l'examen médical d'un gardé à vue. Tribunal des activités économiques Dans neuf à douze juridictions et pendant quatre ans, seront expérimentés les « tribunaux des activités économiques », aux compétences élargies par rapport aux tribunaux de commerce, à destination notamment des agriculteurs et professions libérales. Une « contribution pour la justice économique » sera mise en place dans ces nouveaux tribunaux afin d'inciter à recourir à un règlement à l'amiable du conflit. Pôles spécialisés dans les violences intra-familiales Le texte instaure des pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intra-familiales dans les tribunaux. Le Sénat a prévu qu'ils soient opérationnels au plus tard au 1er janvier 2024. Compétences du JLD Le juge des libertés et de la détention aura la possibilité de se recentrer uniquement sur le pénal. A l'appréciation des juridictions, le président du tribunal pourra décider de transférer ses compétences civiles – maintien des étrangers en situation irrégulière en rétention administrative, hospitalisations sous contrainte – à un autre juge du tribunal judiciaire. Attractivité de la magistrature Pour renforcer son attractivité, les voies d'accès à la magistrature seront réformées et ouvertes à de nouveaux profils. Le Sénat a inscrit un « principe d'impartialité » des magistrats syndiqués, dénoncé à gauche comme une atteinte au droit syndical. La réforme prévoit par ailleurs la création d'une nouvelle fonction, celle d' »attachés de justice », pour aider les magistrats dans leurs tâches. Fonctionnaires ou contractuels, ils se substitueront aux actuels « juristes assistants », au statut plus précaire et sans formation initiale. Dans la pénitentiaire, des agents contractuels pourront être recrutés, sans le bac obligatoire, pour « seconder » les surveillants et pallier ainsi la crise du recrutement. Responsabilité des magistrats Une mesure du projet de loi organique consiste à assouplir la saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables qui estiment que le comportement d'un magistrat dans le déroulement de leur procédure peut relever d'une faute disciplinaire. Les conditions de recevabilité des plaintes seront simplifiées et la commission d'admission des requêtes pourra directement solliciter l'Inspection générale de la justice pour diligenter une enquête administrative.